Le journal Travail Social Actualités, sur son site d’information quotidienne, vient de l’annoncer. La Direction Générale de la Cohésion Sociale (DGCS) aurait adopté un décret (non encore publié) qui va décaler l’échéance du 3 janvier 2015 pour les évaluations externes de 24 512 établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) …
L’annonce était attendue
L’obligation des établissements et services sociaux et médico-sociales de faire réaliser une évaluation externe, décisive pour obtenir le renouvellement de leur autorisation pour 15 ans, commence à se mettre en application et comporte une date butoir (le 3 janvier 2015) pour 24 512 ESSMS :
- Sur les 38 500 ESSMS en effet, 24 512 étaient en place dès le 2 janvier 2002 et avaient une autorisation de 15 ans pour la période allant du 3 janvier 2002 au 2 janvier 2017 (avec transmission d’une évaluation externe au plus tard le 3 janvier 2015 : au moins 2 ans avant la date de renouvellement). Le renouvellement de leur autorisation (pour une nouvelle période : 3 janvier 2017 – 2 janvier 2032) se réalisera, exclusivement, au vu du résultat de l’évaluation externe (article L.313-1 du Code de l’Action Sociale et des Familles).
- Pour les autres 14 000 ESSMS, leur renouvellement est fonction de la date officielle de leur création. Ainsi, pour un ESSMS créé en 2005, par exemple un 18 juin, son autorisation ira jusqu’au 18 juin 2020, et la date butoir de réalisation de son évaluation externe (base de son possible renouvellement pour 15 ans) sera le 18 juin 2018.
Revenons aux 24 512 ESSMS dont la date butoir (transmission de leur évaluation externe) est le 3 janvier 2015 : nous savions que cette échéance, pourtant très officielle, ne serait pas tenue pour toutes les structures concernées. Avant la publication des tout derniers chiffres, j’évoquais la question dans ce blog en décembre 2013. Depuis, les données actualisées (ANESM – janvier 2014) permettaient de visualiser une progression que je reproduis ici, en ajoutant, pour l’année 2014, 3 hypothèses :
- Hypothèse 1 : la poursuite en 2014 du rythme de réalisations antérieur > le 31 décembre 2014 (pour ne pas dire le 3 janvier 2015), 32 % des évaluations terminées pour les 24 512 ESSMS concernées. C’est le scénario catastrophe,
- Hypothèse 2 : une sérieuse augmentation en 2014 du rythme de réalisations antérieur > le 31 décembre 2014, 55 % des évaluations (terminées) pour les 24 512 ESSMS concernées. C’est le scénario réaliste : avec mes collègues je constate une forte évolution (qui nous embolise en ce moment avec un rythme de travail fou) des évaluations externes (multiplication des chantiers par 2 ou par 4, selon mes interlocuteurs),
- Hypothèse 3 : une augmentation miraculeuse en 2014 du rythme de réalisations antérieur > le 31 décembre 2014, 76 % des évaluations (terminées) pour les 24 512 ESSMS concernées. C’est le scénario le plus optimiste.
Je pronostique, quant à moi, une réalité se situant entre l’hypothèse 2 et l’hypothèse 3. Attention ! Mon optimisme quantitatif est tempéré par un pessimisme qualitatif ; de nombreuses évaluations hors normes, en décalage important avec les attentes et mêmes les obligations réglementaires.
Quoiqu’il en soit, et même en étant optimiste, il n’y a pas de quoi pavoiser concernant une obligation légale qui sera loin d’être accomplie. On ne reviendra pas ici sur les raisons diverses, mais on retiendra la décision gouvernementale : repousser à mai 2016 l’exigence ultime de rendu d’une évaluation externe. Si vous reprenez mon tableau précédent (il suffit de prolonger les lignes pointillées), vous verrez que cela signifie que les pouvoirs publics pensent que nous sommes dans le scenario réaliste (hypothèse 2).
L’ANESM devrait confirmer sous 15 jours ces informations.
L’annonce de manière ambigüe
Attention ! Cette annonce est prononcée de manière bizarre : la « date du 3 janvier 2015 serait maintenue, mais son non-respect n'aurait plus valeur de couperet pour le renouvellement de l'autorisation ». Certains se félicitent déjà de ce report ambigu, je suis beaucoup plus circonspect : la transmission d’une évaluation externe est suivie, en droit réglementaire, par une période de 6 mois pour un éventuel questionnement par les autorités publiques, puis une période de 6 mois pour présenter un dossier de demandes et réponses circonstanciées à ce questionnement ; plus une nouvelle période (3 à 6 mois) pour l’acceptation ou non de ce dossier.
En cas de contestation (non renouvellement, renouvellement sous condition), le thème du respect (ou non) scrupuleux des dates et délais réglementaires risque d’être le vecteur de nombreuses et inextricables contestations.
Il eut été plus simple de tout décaler de 6 à 12 mois (date de renouvellement, date butoir, etc.).
L’annonce est prématurée
Pourquoi en effet annoncer ces jours-ci le décalage des exigences, avant même la publication des tout derniers chiffres par l’ANESM (l’état de réalisation des évaluations externes au 30 juin 2014, qui sera publié autour du 31 juillet) ?
La décision elle-même aura plusieurs conséquences
Elle agacera les structures qui se sont pressées pour une réalisation dans les temps. Elle ne changera pas les échéances des contrats déjà en cours.
Elle donnera une marge aux ESSMS les plus en retard, et leur permettra de ne pas se contenter, par défaut, des évaluateurs externes disponibles, mais de choisir des évaluateurs compétents.
Le rythme des évaluations externes, qui va pourtant se tasser, restera important jusque dans les années 2018-2020.
Je pose néanmoins, et par avance, des questions : Quand évaluera t-on la pertinence de ces évaluations ? Quand réalisera t-on une sélection plus qualitative des évaluateurs externes ? A quel moment prendra t-on la décision de simplifier le système (non plus 2 mais une seule évaluation externe par période de 15 ans) ?
Daniel GACOIN
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