Malgré la difficulté à concilier une activité plus qu’intense et les besoins de commentaires réguliers sur l’actualité dans ce blog, je ne peux manquer aujourd’hui de commenter une actualité récente (cf. article d’Isabelle Sarrazin, dans les ASH du 1er mars).
Le contenu de cet article concerne une proposition récente du Groupement National des Directeurs d’associations (GNDA) qui regroupe tous les responsables d’associations du secteur éducatif, social et médico-social. Le GNDA vient en effet de livrer une proposition originale en imaginant la création d’une Haute Autorité de l’Action Sociale et Médico-Sociale (H2ASMS). Les trois missions de cette nouvelle Haute Autorité seraient : observation sociale et médico-sociale, soutien de l’évaluation, analyse de l’efficience des actions.
L’originalité de la proposition ne réside pas dans la création d’une nouvelle structure, mais dans le regroupement sous un même toit :
- des observatoires : l’Observatoire National de l’Enfance en Danger (ONED), l’Observatoire National de la Pauvreté et de l’Exclusion Sociale (ONPES),
- des agences : l'Agence Nationale de l'Évaluation et de la qualité dans les Établissements et services Sociaux et Médico-sociaux (ANESM), l’Agence Nationale d’Appui à la Performance des établissements sanitaires et médico-sociaux (ANAP) pour sa partie médico-sociale, l’Agence Nationale des Services à la Personne (ANSP),
- des conseils ou comités : par exemple le Comité National de la Bientraitance et des droits des personnes âgées et des personnes handicapées (le CNB qui vient d’être créé - voir plus loin)…
En effet, autant de sigles, autant de structures, autant de missions qui peuvent être spécifiques ou qui, parfois et hélas, se chevauchent aujourd’hui.
Petit historique pour comprendre cette proposition
Depuis 15 ans en effet, de nombreuses créations d’agences, comités ou conseils sont venues soutenir l’éclairage des pouvoirs publics pour les programmes d’action sociale et médico-sociale et leur suivi. Ces créations ont produit de nombreux apports, plus ou moins fructueux, notamment par rapport au seul organisme antérieur permanent pour l’action sociale et médico-sociale , le Conseil Supérieur du Travail Social.
L’idée de base de ces nombreuses créations : que les pouvoirs publics disposent d’une meilleure identification des besoins, que les professionnels et les structures soient davantage confrontés à des repères ou en situation d’interroger les pratiques et leur pertinence, que l’efficience des actions soit plus lisible et partagée, que les politiques puissent être réorientées.
Et derrière les principes opérationnels, trois philosophies progressaient, soit en se confortant, soit en se contredisant : la philosophie rationnelle humaniste de la loi du 2 janvier 2002 ; la philosophie de l’activation (mise en mouvement autour d’objectifs et d’une position active) des programmes, des pratiques, des structures, et bien sûr des usagers ; la philosophie visant la performance, avec mise en concurrence basée sur le contrat et l’efficience / efficacité lisible des actions et structures.
Ces créations se sont réalisées en ordre dispersé…
- L’ONED (création 2004) et l’ONPES (création 1998), outre leur mission d’observatoires avec avis sur des politiques nécessaires, ont pu émettre des propositions et recommandations pour de meilleures pratiques ou des outils professionnels.
- L’ANESM (création 2007) a développé sa triple mission : élaboration de recommandations de bonnes pratiques professionnelles et soutien de la bientraitance, soutien du développement de l’évaluation, habilitation et contrôle des évaluateurs externes.
- L’ANAP (création 2010), pour sa partie médico-sociale, a développé de premiers supports de suivi de l’activité ou de l’efficience, voire de la performance des structures, mais a aussi émis des recommandations ou des outils professionnels.
- L’ANSP (création 2005) a émis des supports pour l’évaluation de la qualité des prestations (dont une charte qualité), et également des outils de suivi des activités ou de la santé au travail.
- Le CNB créé il y a 15 jours (remplaçant un autre comité, centré sur la vigilance à l’égard de la maltraitance) va travailler également sur des recommandations de bonnes pratiques professionnelles (un vademecum est prévu dès l’automne 2013).
- Sans oublier la Haute Autorité de Santé (HAS - création 2004) : elle a posé un pied dans les recommandations de bonnes pratiques professionnelles concernant le champ médico-social.
Bref, l’addition et le chevauchement, voire la concurrence, posent question. Ce questionnement est devenu public. D’autant qu’un rapport parlementaire (le rapport Bur de juin 2011) a fortement critiqué les doublons dans les missions, et qu’un rapport de l’Inspection Générale des Finances (septembre 2012) a durement mis en cause le recours continuel aux agences, l’absence d’une analyse de la pertinence de ces dernières, de leur coût, et l’absence de maîtrise stratégique par l’État de leur apport. Les deux ont été confortés par les recommandations de la Cour des Comptes sur les Groupements d’intérêt public et les agences.
Depuis plusieurs mois, des rumeurs couraient sur la suppression de tel ou tel de ces organismes : le plus souvent c’est l’ANESM qui était visée (un maillon faible selon certains, souhaitant soutenir d’autres structures comme l’ANAP par exemple), avec l’idée que la HAS récupérerait la mission de l’ANESM sur les recommandations de bonnes pratiques professionnelles :
- Il s’est même dit que des m2 avaient été dégagés dans les locaux de la HAS pour accueillir une telle mission : tout ceci était sans queue ni tête, car le secteur social ne pourrait s’y retrouver.
- Dans la foulée, la rumeur insistait sur le fait que l’ANAP superviserait, à terme, la partie évaluation de l’ANESM (dont le contrôle des évaluateurs externes) : ce serait une véritable provocation, tant la gouvernance de cette structure est essentiellement technocratique, ce serait en outre suicidaire car l’ANESM en 2013 et 2014 doit soutenir et contrôler les évaluations externes dans 63 % des 38 500 établissements et services sociaux et médico-sociaux (et il n’est pas question d’improviser sur cette question…).
Mais comme le gouvernement est autant structuré par les nécessaires espaces de concertations avec les acteurs de terrain que par les contraintes budgétaires, un véritable flottement est en place, davantage encore favorisé par la création du CNB évoqué plus haut. La question de base autour de ce flottement : comment l’État peut-il rationaliser tous ces organismes ? Lequel va t-il supprimer ? Lequel va manger l’autre ?
La proposition du GNDA dans ce contexte
La proposition du GNDA est habile : il propose de rationaliser ce maquis en allant vers une seule entité, mais avec une logique, celle du maintien de toutes les missions, en supprimant les doublons, en limitant les tendances tentaculaires de technostructures toujours expansives, en créant une véritable logique et des articulations, autour d’orientations stratégiques cohérentes. En outre, il propose d’éliminer les concurrences (parfois déloyales, toujours onéreuses) entre ces organismes.
Cette proposition est utile : dans une période d’efforts budgétaires incontournables, elle permet de poursuivre et développer les différentes fonctions d’éclairage tout en rationalisant les postes qui se superposent dans différents endroits, les coûts inutiles.
Cette proposition est également intéressante : elle vise en effet à garder au sein de la H2ASMS la dynamique en place dans certains organismes, singulièrement à l’ANESM : une gouvernance riche et associant le secteur (le triptyque Direction Générale, Comité Scientifique et Comité d'Orientation Stratégique) et des travaux par groupes de travail réunissant experts, usagers et professionnels (ce qui n’est pas véritablement le cas à l’ANAP).
Elle est aussi intéressante parce qu’elle maintient la recherche d’une cohérence social / médico-social, tout en prévoyant une articulation avec le sanitaire, via l’HAS qui assumerait la dimension curative et préventive de la santé, l’H2ASMS assumant les domaines des accompagnements dans une autre dimension du soin (que le GNDA désigne sous le concept de « care », que l’on peut préciser autour du souci de la personne, de l’attention, de la bientraitance et de la recherche du développement de l’autonomie, des capabilités, de l’insertion).
Mais cette proposition est incomplète : on ne comprend pas pourquoi le GNDA n’est pas allé au bout de la logique. Il parle de regrouper les agences, comités et observatoires, mais oublie certains organismes comme des conseils ou comités auprès de tel ou tel ministre : le CSTS évoqué plus haut avec son rôle d’expertise, de veille, d’émission de recommandations ou avis, aurait tout à fait vocation à rejoindre cette H2ASMS, idem pour le Centre de Ressources de l’Accessibilité, etc.
Une proposition originale donc, subtilement conçue dans le contexte actuel, intéressante, mais encore incomplète.
Daniel GACOIN
Merci de ce commentaire.
Le CSTS faisait bien partie de notre proposition mais une erreur dans la dernière mouture a hélas fait sauté sa présence dans notre proposition d'H2ASMS. C'est réparé et le texte qui figure sur notre site est désormais corrigé
C'est bien un débat ouvert et nous sommes preneur de toute propositions d'amélioration, merci donc de nous avoir alerté par vos remarques
André Ducournau, Vice Président du GNDA
Rédigé par : André Ducournau | 07 mars 2013 à 15:34