Depuis mon dernier billet (déjà bien lointain, heureux évènements familiaux obligent…), depuis le décret du 30 janvier 2012 relatif aux conditions de prise en compte de la certification dans le cadre de l’évaluation externe, je suis très régulièrement interrogé sur les certifications qui seront valables et compatibles avec l’évaluation externe.
Exemples de ces questions : mon établissement ou mon service est passé par une démarche de certification, par exemple ISO, cette certification sera-t-elle reconnue ? Me permettra-t-elle de me passer de l’évaluation externe ?
Les définitions
Visiblement, la question des certifications est complexe et malgré le décret récent, les positions publiques sont peu comprises par le grand public, ni même par les experts. Je propose de reprendre cette question avec, tout d’abord, le rappel des définitions :
> L’évaluation est « une démarche qui porte sur les effets produits par les activités, leur adéquation aux besoins et attentes des personnes accueillies, leur cohérence avec les missions imparties et les ressources mobilisées et permet d’interroger le cœur de métier, c’est-à-dire les réponses apportées aux usagers » (cf. ANESM : recommandations sur l’évaluation interne de 2008 et 2009 ; cf. DGCS : circulaire d’octobre 2011),
> La certification est une activité plus codifiée : « Constitue une certification de produit ou de service (…) l'activité par laquelle un organisme, distinct du fabricant, de l'importateur, du vendeur, du prestataire ou du client, atteste qu'un produit, un service ou une combinaison de produits et de services est conforme à des caractéristiques décrites dans un référentiel de certification » (cf. l’article L.115-27 du code de la consommation).
Il convient de noter ici combien ces définitions sont importantes, et finalement peu respectées par un certain nombre de cabinets qui travaillent en évaluation interne ou externe des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS). De même, il est d’ailleurs encore très fréquent d’entendre une majorité de cabinets entretenir la confusion entre évaluation et démarche qualité.
La position publique : prise en compte de la certification, mais maintien d’une évaluation
Il convient ensuite de bien prendre la mesure de ce que dit le décret du 30 janvier 2012 : un évaluateur devra prendre en compte, dans certaines conditions, la certification, mais en procédant néanmoins et réellement à une évaluation. Ce décret crée en effet un article D. 312-206 du Code de l’Action Sociale et des Familles qui indique : « L’organisme habilité (…) qui procède à l’évaluation externe prend en compte la certification obtenue par l’établissement ou le service pour les activités et prestations qui font l’objet de l’évaluation externe dans les conditions prévues au présent article. Cette prise en compte ne dispense pas l’établissement ou le service de l’obligation de faire procéder à l’évaluation externe prévue à l’article L. 312-8 »
Attention ! Prendre en compte la certification ne signifie pas ne pas réaliser une évaluation externe : le contenu de l’évaluation sera allégé, en étant ainsi essentiellement consacré à l’étude de l’atteinte des objectifs, avec examen des effets et impacts des accompagnements (la certification ayant travaillé la conformité de pratiques à des référentiels ou obligations).
Les conditions de cette prise en compte de la certification
Les conditions sont précises. Une prise en compte par l’évaluateur externe de la certification obtenue par un ESSMS suppose que :
- la certification a été réalisée par « un des organismes mentionnés à l’article L. 115-28 du code de la consommation conformément à un référentiel de certification en application de l’article L. 115-27 du même code »,
- la « certification est en cours de validité » (sous-entendu à la date butoir de l’évaluation externe) « lorsque le référentiel prévoit que la certification est obtenue pour une durée limitée »,
- la « personne ayant qualité pour représenter l’établissement ou le service soumis à l’évaluation produit auprès de l’organisme habilité qui procède à l’évaluation les pièces attestant que les conditions mentionnées aux deux alinéas précédents sont remplies »,
- cette prise en compte est réalisée dans les limites de « la correspondance définie, pour chaque référentiel de certification, par arrêté du ministre chargé des affaires sociales pris après avis de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux sur la base d’un tableau de correspondance entre le référentiel de certification et les dispositions de l’annexe 3-10 du CASF ».
Les conditions sont donc multiples : organisme certificateur reconnu, accrédité par le Cofrac (Comité français d’accréditation), validité de la certification, prise en compte du référentiel sur les thèmes identifiés pour leur correspondance avec les contenus de l’évaluation (correspondance actée par arrêté ministériel, après avis de l’Anesm).
Quelles certifications sont concernées ?
A ce stade, il n’existera aucune reconnaissance automatique de certification à prendre en compte en évaluation externes des ESSMS : tous les certificateurs devront présenter individuellement les référentiels utilisés pour étude de leur correspondance. Néanmoins, il est possible d’affirmer aujourd’hui que seuls les 3 principaux organismes certificateurs que sont le groupe Afnor, le SGS et le Bureau Veritas bénéficient de l’accréditation du Cofrac (Comité français d'accréditation) en application de l’article L. 115-27 du code de la consommation.
Les normes ISO (International Standardizing Organisation), quant à elles, ne correspondent pas aux impératifs spécifiques de la consommation française (elles sont des normes internationales), et les organismes qui les certifient ne sont pas accrédités par le Cofrac. Donc à ce stade, les certifications ISO ne seront pas concernées par la correspondance établie pour les évaluations externes (ce qui n’empêchera pas des évaluateurs externes de tenir compte du travail réalisé dans le cadre d’une certification ISO).
Conclusion : peu de certificateurs seront concernés, mais pourtant de nombreux organismes voudront faire reconnaître leur référentiel par l’ANESM. En effet, l’ANESM donnant un avis sur les correspondances, référentiel par référentiel, il s’agira d’un vrai soutien, aidant à la stratégie commerciale du responsable de ce référentiel (argument de vente, associée à des produits dérivés de type action de conseil, supports informatiques, etc.).
Il y a donc fort à parier que des démarches de pression (fausses rumeurs, campagne de presse via des clients, interventions individuelles, réseaux d’influence, appui des pouvoirs publics) soient développées par des cabinets certificateurs sur l’ANESM. Il sera donc particulièrement important que la correspondance soit étudiée avec une garantie d’absence de conflit d’intérêts : or, des organismes ayant lancé un référentiel, voire une labellisation / certification au titre de ce référentiel, sont fortement présents au sein du Comité d’orientation stratégique (COS) de l’ANESM, notamment parmi les 17 membres représentant des groupements ou fédérations au plan national d’institutions sociales et médico-sociales : je pense à des fédérations dans l’aide à domicile ou les structures pour personnes âgées.
Il serait judicieux que l’ANESM communique sur ce thème et en outre confie cette mission d’étude des correspondances à une instance indépendante, par exemple son Conseil scientifique. Cela tombe bien : après plus d’une année de vacance, ce conseil vient d’être relancé. Un arrêté du 28 mars 2012 (publié au JO du 5 avril) nomme à sa tête Annie Fouquet, Inspectrice générale des affaires sociales, présidente de la Société Française d’Évaluation. Sur les 15 nouveaux membres du Conseil scientifique (en réalité, 8 anciens membres sont maintenus), les conflits d’intérêts restent possibles pour deux membres (un qui vient de créer un cabinet conseil, un autre fortement présent dans le réseau des CREAI), mais sont bien plus limités qu’au sein du COS.
Pour le reste, voici les différents cas de figure sur la question de l’évaluation externe et la certification :
- Premier cas de figure : l’ESSMS est un établissement autorisé, ayant réalisé une évaluation interne sans entrer dans une certification. Alors, l’évaluateur externe n’a pas à se poser la question d’une prise en compte de ce type de référentiel et de démarche (de certification), construisant son projet évaluatif en fonction de la réglementation et des éléments transmis.
- Deuxième cas de figure : l’ESSMS est un établissement autorisé, ayant réalisé une évaluation interne avec une certification. Alors, l’évaluateur externe prend formellement en compte la certification, pour éviter des doublons dans les contenus examinés sous l’angle de la conformité à un référentiel, à condition que ... la certification soit réalisée par un des organismes accrédité (par la Cofrac) selon L. 115-28 du code de la consommation, avec un référentiel de certification en application de l’article L.115-27 du même code, qu’elle soit en cours de validité (à la date de l’évaluation externe) lorsque le référentiel prévoit une certification à durée limitée et enfin que le représentant de l’ESSMS produise la preuve des deux éléments précédents.
> Si ces conditions sont acquises, l’évaluateur externe établit son projet évaluatif, en prenant en compte les correspondances établies par l’ANESM et donc, sans faire de recherche (contenus, recueil de données sur le terrain) sur les thèmes qui feraient doublons.
> Si ces conditions ne sont pas acquises (par exemple, il s’agit d’une certification ISO), l’évaluateur externe établit son projet évaluatif, sans tenir compte formellement du référentiel de certification, même s’il peut s’inspirer de certains contenus.
- Troisième cas de figure : l’ESSMS concerné est un service à domicile agréé qualité, mais qui n’a pas bénéficié d’une certification. L’évaluation externe, à réaliser tous les 5 ans, est nécessaire pour obtenir le renouvellement de l’agrément (c’est ce qui peut expliquer la prédominance des évaluations externes pour des services à domicile en 2011).
- Quatrième cas de figure : l’ESSMS concerné est un service à domicile agréé qualité et ayant bénéficié d’une certification. Il est dispensé de l’évaluation externe si toutefois le référentiel de certification est conforme à ce qui est attendu (voir plus haut).
- Cinquième cas de figure : l’ESSMS concerné est un service à domicile autorisé (n’ayant pas opté pour le régime d’agrément). Il est concerné par le régime commun des ESSMS (3 évaluations internes, 2 évaluations externes par période d’autorisation de 15 ans) et relève du premier ou du deuxième cas de figure cités plus haut.
Rien n’est simple… mais tout peut quand même s’éclairer !
Daniel GACOIN
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