Le début de l’année 2012 est décisif pour une partie des établissements et services sociaux et médico-sociaux : les services d’aide à domicile. En effet, ces services ont été l’objet, depuis 2005, d’un discours très volontariste de la part des pouvoirs publics : développement fortement souhaité, régime fiscal incitateur pour le recours du public à leurs services. Mais malgré les discours optimistes, de nombreux cris d’alerte ont été lancés depuis deux ans : difficultés financières, parfois du fait d’investissements coûteux dans des systèmes de suivi qualité, mais aussi du fait de la réduction de l’engagement de l’État pour l’Allocation Personnalisée pour l’Autonomie (APA) à la charge des départements ou de la limitation du niveau de financement des actes, concurrence accrue, progression de services « low cost », complexité réglementaire dans les obligations d’évaluation ou d’agrément qualité, etc.
Une clarification de certaines règles est attendue pour ce début d’année : pour la gouvernance de ce secteur d’activité, pour l’évolution de son financement, pour les garanties de qualité et d’efficience de leurs activités.
Le puzzle à résoudre : un régime réglementaire très compliqué
Difficiles à appréhender sur le plan réglementaire, l’activité des services d’aide à domicile a évolué avec le temps. Au départ, il n’existait que les services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) pour personnes en situation de handicap, ou de dépendance liée à l’âge, visant à faciliter leur maintien à domicile (assistance dans les actes quotidiens de la vie, ou prestations de soins, ou aide à l'insertion sociale). Dans ce cadre, les SAAD sont inclus dans l’ensemble des établissements et services sociaux et médico-sociaux (les ESSMS) dont la liste a été précisée par la loi du 2 janvier 2002, dans l’article L.312-1 du Code de l’action sociale et des familles (CASF) : les SAAD y sont répertoriés au 6° (personnes âgées) et au 7° (personnes handicapées) du I de cet article. Ils ont une autorisation de fonctionner pour 15 ans, un contrôle / financement par les conseils généraux.
La loi Borloo de 2005 a voulu développer un nouveau secteur d’activité (les services à la personne), porteur d’emploi. Elle a donc créé la possibilité de développer toute une gamme de services proches de l’aide à domicile (garde d’enfants, courses, entretien des locaux) ou plus éloignés (gardiennage, assistance administrative, soins esthétiques à domicile, bricolage, collecte et livraison de linge repassé, télé et visio-assistance, jardinage, etc.). Grâce à la Loi Borloo, ces services sont financés par leurs clients avec un régime fiscal avantageux via les Chèques Emploi-Service Universels (CESU). Pour exister, ces services doivent être agréés, pour une durée de 5 ans, par une administration qui suit les régimes spécifiques adaptant le droit du travail : autrefois les directions du Travail et de l’emploi, aujourd’hui les Direccte (directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi). L’agrément est en effet lié à l’application de l’article L. 7232-1 du Code du Travail. Il existait au départ un agrément simple (déclaration d’activité) ou un agrément qualité (déclaration et engagement dans une démarche, notamment du fait d’une intervention auprès de publics "fragiles" ou "vulnérables").
Ces dispositions ne posaient pas de difficulté, bien sûr, pour les services à la personne, mais posaient un problème quand même pour les services proches de l’aide à domicile (aide aux personnes en situation de handicap, ou de dépendance liée à l’âge) qui, pour certaines activités, avaient un régime d’autorisation, et pour certaines autres (services plus larges à la personne : ménages, courses, etc.), relèvaient du régime d’agrément. Dès 2005 (ordonnance N°2005-1477 du 1er décembre), le principe a été le suivant : les SAAD (pour personnes âgées, pour personnes handicapées, ou pour familles fragilisées) ont la possibilité d’opter soit pour le régime d’autorisation (pour 15 ans), soit pour le régime d’agrément avec démarche qualité (pour 5 ans, avec présentation d’une évaluation externe 6 mois avant le renouvellement de l’agrément), sans cumuler les deux donc.
Les conséquences de tout cela pour l’aide à domicile : un financement pluriel et complexe (aide à domicile avec tarifs plafonds, souvent insuffisants, pas toujours respectés, soutien de l’autonomie de personnes dépendantes avec l’APA versée par les départements, services divers financés par la loi du marché, mais avec des incitations fiscales et le CESU), des autorités de contrôle diverses et pas toujours cohérentes, un régime spécifique de contrôle de la qualité.
La simplification de l’autorité de référence
Côté gouvernemental, un rapport récent (Rapport Poletti publié début janvier 2012 : cliquer ici pour y accéder), met en avant un principe nouveau : supprimer l’autorité des Direccte et transférer leur responsabilité sur les Agences Régionales de Santé. Cela aurait l’avantage de favoriser une meilleure coordination avec les conseils généraux. Ces derniers avaient d’ailleurs avancé dans ce sens, au dernier trimestre 2010, en proposant une coordination plus effciente. Il faut dire qu’à l’époque, nous sortions du traumatisme d’un rapport IGAS qui avait plaidé dans un sens totalement différent : suppression du régime d’autorisation, rattachement de tous les services à la tutelle des directions régionales du travail et de l’emploi.
Je ne suis pas sûr que le rapport Poletti ait raison : je plaide de mon côté pour une tutelle précise et cohérente des Conseils généraux (au titre de l’aide à domicile et de l’action sociale de proximité), avec intervention des Direccte uniquement sur le thème du respect de la réglementation adaptée du travail. La coordination avec les ARS ne s’entend, à mon sens, que quand il est question de soins (SSIAD, SPASSAD).
Dans le cadre de ses propositions, le rapport Polletti maintient le principe de l’option des services entre agrément ou autorisation, tout en mettant en avant un élargissement des perspectives d’autorisation (publics fragiles au delà des personés âgées ou handicapées).
La rénovation des financements
Sans surprise, le rapport Poletti confirme une nécessaire réforme des financements publics, avec résolution des règles de tarification hétérogènes d’un département à l’autre, en mettant l'accent sur une meilleure solvabilisation des plus fragiles (par exemple expérimentation des exonérations de charges sociales pour l’aide à domicile en direction d’un public fragile plus large que les seules personnes âgées et handicapées – solution en cours d’expérimentation en 2012). Il souhaite une approche « plus dynamique » de la négociation budgétaire entre SAAD et conseils généraux. On s’approche d’une négociation autour d’indicateurs de performance… Pas sûr qu’il soit bien raisonnable d’avancer n’importe comment dans cette voie !
Pour la tarification des services autorisés (pour les services agréés, le régime en place est celui de la liberté des prix), la tarification établie par les conseils généraux ne tient pas toujours compte des dotations fixées par les CNAV. L’Association des Départements de France (ADF) avait proposé (avec les grandes associations du secteur de l’aide à domicile) un forfait prévisionnel. L’IGAS était campée sur l’idée d’une tarification horaire. Il est question dans le Rapport Polettit de repenser le versement d’une dotation dans le cadre d’un montant établi sur la base d’un contrat, en gardant une tarification horaire, mais en l’évaluant à partir « des prestations rendues selon les besoins des personnes accompagnées », y compris pour les services agréés, dans un prix de responsabilité opposable à l’usager, avec réalisation d’indicateurs de suivi. La mise en place d’un référentiel des coûts viendrait conforter le dispositif. A voir donc, si cela est praticable de manière simple !
La question de l’évaluation externe
Il a été dit beaucoup de bêtises, il s’en dit encore, ici ou là, (j'ai moi-même mis du temps pour être au clair) sur les obligations d’évaluation externe des services agréés. Il existe en fait trois cas de figure pour l’aide à domicile et les services à la personne :
> Si les SAAD sont autorisés (pour 15 ans) comme services sociaux et médico-sociaux : ils sont tenus à 3 évaluations internes (une tous les 5 ans) pendant les 15 ans d’autorisation et 2 évaluations externes (une au bout de 7 ans, une 2 ans avant la date de renouvellement). Exceptionnellement, les services autorisés et ouverts avant le 21 juillet 2009 (loi HPST) n’ont, pour les premiers 15 ans d’autorisation, qu’une évaluation interne (3 ans avant la date de renouvellement) et une évaluation externe (2 ans avec cette même date) à réaliser : pour un service créé avant le 2 janvier 2002, les dates butoirs sont ainsi les 2 janvier 2014 (évaluation interne) et 2 janvier 2015 (évaluation externe).
> Si les SAAD ou services à la personne sont agréés (sous entendu agréés qualité) : ils n’ont pas d’évaluation interne à faire (inscrite dans l’agrément qualité), mais néanmoins une évaluation externe à faire réaliser par un cabinet habilité par l’ANESM (6 mois au plus tard avant la date de renouvellement de l’agrément). C’est ce qui explique que ces services ont été les plus forts sollicitateurs d’évaluations externes au premier semestre 2011 (environ deux tiers des plus de 1 350 évaluations réalisées ou en cours). Attention ! Un cahier des charges sert de guide pour le renouvellement de l’agrément des structures pratiquant la garde d’enfant, l’assistance aux personnes âgées de soixante ans et plus, aux personnes handicapées ou autres personnes dès lors qu'elles ont besoin d'une aide personnelle à leur domicile ou d'une aide à la mobilité dans l'environnement de proximité favorisant leur maintien à domicile. Un nouveau cahier des charges vient d’être publié (arrêté du 26 décembre 2011, publié au JO le 30 décembre). En vue de son renouvellement d’agrément, la structure doit montrer un respect de :
- Prescriptions générales,
- Prescriptions concernant :
la prestation d’accueil et d’information,
l’analyse de la demande et la proposition d’une intervention individualisée,
l’intervention,
le suivi de l’intervention,
- Prescriptions concernant l’organisation (recrutement et qualification du personnel, sensibilisation et formation du personnel, continuité des interventions et coordination, amélioration de la prestation en continu,
- Obligations spécifiques au mode mandataire,
- Prescription pour la composition du dossier d'agrément et de renouvellement.
Élément original : dans la composition du dossier à présenter pour la demande de renouvellement de l’agrément, il n’est pas demandé d’annexer le rapport d’évaluation externe (il est censé avoir été transmis auparavant), ni fait allusion à ce dernier (par exemple, la production d’un plan de prise en compte des résultats de l’évaluation externe).
> Si les SAAD ou services à la personne sont agréés et ont bénéficié d’une certification : ils sont dispensés de toute évaluation externe si la certification est reconnue comme valable, or, attention… à ce stade, seules 3 grandes certifications (AFAQ/AFNOR-NF Services, SGS Qualicert et Bureau Véritas) l’ont été : les certifications ISO ne l’ont pas été par exemple. En outre, un décret vient de paraître le 30 janvier 2012 (que je commenterai en détail très prochainement), décret qui pose, en direction des structures sociales et médico-sociales, des exigences pour toute prise en compte de certifications dans leurs évaluations externes :
- que ces certifications soient réalisées par un des organismes mentionnés à l’article L. 115-28 du code de la consommation et conformément à un référentiel de certification en application de l’article L. 115-27 du même code ;
- que ces certifications soient en cours de validité lorsque le référentiel prévoit que la certification est obtenue pour une durée limitée ;
- qu’un correspondance soit définie, pour chaque référentiel de certification, par arrêté du ministre chargé des affaires sociales pris, après avis de l’ANESM, sur la base d’un tableau de correspondance, entre le référentiel de certification et les dispositions de l’annexe 3-10 du CASF sur le thème de l’évaluation. Il sera intéressant de voir si ces obligations sont tenues pour les SAAD à domicile. En toute logique : oui !
On le voit, les voies de la complexité sont impénétrables, celles de la simplification bien nécessaires, mais ardues.
Daniel GACOIN
bonjour
si j'ai bien compris concernant la certification, AFAQ/AFNOR-NF Services est en cours d'être reconnue par l'anesm. non ?
Rédigé par : laurent | 29 février 2012 à 17:02
notre association est certifiée depuis février 2012 et pour 3 ans. Le renouvelement devrait intervenir a l'échéance soit février 2013. On nous a expliqué qu'étant certifiée notre association avait son renouvellement automatique.....2013 2018. Mais nous avons depuis quelques temps des relances très peu agréables qui nous demandent de fournir statuts-comptes annuels- composition du CA etc...Tout cela est-il normal ? ou cet organisme depasse-t-il ses obligations.
merci de nous donner une réponse afin d'y voir plus clair.
C.BRUN
Rédigé par : C.BRUN | 28 novembre 2012 à 11:59