Depuis un dernier billet indiquant mon étonnement devant la publication différée du rapport d‘activité 2010 de l’ANESM, cet organisme a publié deux jours plus tard le document cité. Ceci ne m’empêchera pas d’en reparler dans un billet à suivre. Toutefois, aujourd’hui, je propose plutôt d’éclairer la question des démarches qualité, et leurs différences avec les démarches d’évaluation.
Des présentations erronées…
Depuis la loi du 2 janvier 2002 et l’affirmation d’une nécessité d’évaluation régulière, interne et externe, des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS), nombreux sont les organismes experts, vendeurs de démarches, de référentiels et autres supports « clés en mains » qui insistent pour vanter leurs produits ou modes d’accompagnement. Chacun se présente comme au top de la prise en compte des intentions des pouvoirs publics, beaucoup mettant en avant un label obtenu auprès de l’ANESM, etc. etc. Je l’ai déjà dit bien souvent, ces positionnements sont mensongers… et cela pour deux raisons : 1. La loi puis les recommandations des pouvoirs publics ne demandent pas de démarches qualité ou de certification, 2. L’ANESM ne délivre aux organismes habilités pour des évaluations externes qu’une autorisation d’activité et non une attestation de compétences, et / ou de ses méthodes.
… sur des contenus précis
Certains vendeurs de référentiels et accompagnements mettent en avant le texte législatif et les propos des pouvoirs publics qui demanderaient des démarches qualité, à l’instar de ce qui se réalise dans le monde hospitalier :
> Concernant le texte législatif (article L.312-8 du Code de l’action sociale et des familles), il n’a jamais parlé de « démarche qualité ou de certification », mais de démarche « d’évaluation des activités et de la qualité des prestations »,
> Concernant les repères des pouvoirs publics (à part en 2004 dans des travaux de la DGAS), il a systématiquement été indiqué depuis 2006 et 2007 qu’une démarche qualité n’est pas une évaluation. Relisons ensemble les propos de l’ANESM, consultables sur son site
Concrètement donc, la démarche qualité ou de certification examine la conformité des pratiques et modes d’organisation à des procédures, référentiels, alors que la démarche d’évaluation examine l’atteinte des objectifs par étude des effets et impacts des actions.
Il existe néanmoins une intersection dans la mesure où certaines démarches qualité ou de certification examinent certains effets et impacts, sous l’angle de la satisfaction des « usagers/clients ». Attention ! il est abusif de penser que la mesure de la satisfaction d’usagers, au même titre que d’une clientèle, est fidèle à l’examen de l’atteinte de objectifs et des effets voulus ou attendus des actions (la satisfaction n’est pas forcément l’objectif… notamment en cas d’accompagnement contraint).
> Seul un texte de loi (loi du 21 juillet 2009 dite loi HPST) avait indiqué que « En cas de certification par des organismes visés à l’article L. 115-28 du code de la consommation, un décret détermine les conditions dans lesquelles cette certification peut être prise en compte dans le cadre de l’évaluation externe ». Beaucoup d’organismes évaluateurs rêvent que cet article puisse à terme légitimer leur action…
Et bien, sur ce thème, l’extrait du rapport d’activité 2010 de l’ANESM, paru en mai, comme le rapport final diffusé le 12 juillet 2011, indiquent clairement que :
La certification repose « sur un contrôle de la mise en œuvre de moyens prédéterminés dans un référentiel ». L'ANESM a noté que pour la certification, au cours de sa réalisation et « au regard du cahier des charges de l’évaluation externe, un certain nombre de pré-requis était pris en compte notamment en matière de droits des usagers ou de procédures mises en œuvre pour garantir la prévention de certains risques génériques ». Ainsi selon l’ANESM, pour des ESSMS ayant bénéficié d’une certification, sa « prise en compte dans l’évaluation pourrait s’opérer au niveau national par arrêté » (une publication de cet arrêté est donc à prévoir). Mais attention, les bémols sont importants :
- Il sera nécessaire, selon l’ANESM de prévoir, dans le texte réglementaire visant la prise en compte des démarches de certification, la mise en œuvre d’un calendrier périodique de révision des référentiels et des démarches et de mettre en place une expertise indépendante pour cet examen,
- Il sera également nécessaire de faire un tri car l’examen de multiples référentiels issus de démarches qualité a montré, selon l’ANESM, que moins d’une dizaine de référentiels étaient susceptibles d’être pris en compte : et ceci alors que, comme le précise très subtilement l’ANESM, « les candidats (NDLR : à la reconnaissance de leur référentiel) étaient potentiellement beaucoup plus nombreux au vu de l’argument commercial et du levier de croissance que cette reconnaissance constituera pour un organisme certificateur ».
- Cette reconnaissance de référentiels et démarches de certification permettra de réduire, de manière conséquente, le volume de travail de l’évaluation externe. Ainsi l’obligation d’évaluation externe sera maintenue, même pour des ESSMS ayant bénéficié d’une démarche de certification, mais allégée en s’intéressant : à l’analyse des effets des actions, à la rédaction d’un rapport final complet.
Mes conclusions provisoires
Pour quelqu’un qui, comme moi, plaide pour un allègement des démarches d’évaluation (certains processus vu sous l’angle de la conformité, d’autres sous l’angle de l’atteinte des objectifs et de l’étude des effets et impacts des actions, avec une limitation du nombre de points à regarder pour éviter les « usines à gaz »), les propos de l’ANESM sont rassurants :
- des travaux à venir allégés,
- une non-confusion enfin actée entre démarches qualité / certification et démarches d’évaluation,
- la limitation des propos mensongers de certains promoteurs de référentiels pourtant manifestement inadaptés.
Je doute que cela suffise à calmer ces discours offensifs et ces stratégies marketing, à la limite parfois de l’honnêteté intellectuelle, d’où mon appel à une plus grande sévérité de la part de l’ANESM.
Mais l’essentiel sera la suite à donner à cette affaire : elle sera peut-être assez rapide (un texte réglementaire proche), mais nul doute qu’elle comportera une nouvelle étape en 2012 (correction des dérives vers la standardisation ou la performance, ou approfondissement de ces orientations problématiques, selon le résultat des élections nationales de 2012).
Daniel GACOIN
Merci pour vos articles toujours pertinents .
Je voudrais juste vous signaler que l'un des derniers rapports remis au Ministre de la santé ( groupe 3 sur la prise en charge des personnes âgées -libellé exact à vérifier) dans sa recommandation no 18 indique comme objectif : production d'un référentiel national EHPAD , en vue de faciliter l'évaluation externe . Une sorte de grille Angélique enrichie . Donc comme pour l'accréditation HAS version 1 devenue entre temps certification hospitalière , les référentiels ne sont pas éloignés de l'évaluation , ni de l'harmonisation des pratiques évaluatives, ni de la lisibilité attendue du travail des évaluateurs habilités par l'ANESM ; il serait intéressant de suivre la suite donnée à cette recommandations no 18 .
sentiments cordiaux - Pierre YEREMIAN
Rédigé par : Pierre YEREMIAN | 17 juillet 2011 à 17:13
Bonjour
En effet cette proposition est notable (à intégrer dans un ensemble de propositions, comme vous l'aurez noté, visant une articulation / différenciation entre certification et évaluation) et d'ailleurs, j'en ferai un des thèmes d'un billet à suivre (le N° 4 de la présente série). Mais attention, il ne s'agit pas d'une grille Angélique enrichie, au contraire, d'un vrai référentiel, unique, d'évaluation : ce sera très différent avec notamment des indicateurs d'effets ou résultats.
Bien cordialement
Daniel Gacoin
Rédigé par : Daniel Gacoin en réponse à Pierre Yeremian | 17 juillet 2011 à 17:42