Depuis plus de 5 ans, je tente d’apporter ici des nouvelles régulières de la mise en place et des repères réglementaires de l’évaluation dans les établissements et les services sociaux et médico-sociaux (ESSMS), rendue obligatoire depuis 2002. Un véritable feuilleton s ’est déroulé depuis 2002, avec une accélération des épisodes depuis 2007 :
> La confirmation de l’obligation globale : elle a été imposée par la loi initiale de 2002, interrogée un temps, puis réaffirmée par la loi du 21 juillet 2009, l’article L.312-8 du Code de l’Action sociale et des familles (CASF), demandant que, par période d’autorisation de 15 ans, chaque ESSMS réalise des évaluations internes régulières avec transmission des résultats aux autorités tous les 5 ans, et fasse procéder à 2 évaluations externes par un organisme habilité, une au plus tard sept ans après l’autorisation, l’autre au plus tard deux ans avant le renouvellement de l’autorisation.
> La clarification de l’objet et des contenus des évaluations : jusqu’en 2006, les méthodes préconisées se rapprochaient d’un regard sur la conformité des pratiques à un référentiel, comme dans des démarches qualité. Puis après le décret du 15 mai 2007 (sur l’évaluation externe) et les textes de l’ANESM de 2008 et 2009 (sur l’évaluation interne), a été affirmé, réaffirmé, martelé même, que l’évaluation regarde la pertinence, la cohérence et surtout l’efficience des actions, en étant centrée sur l’interrogation de l’atteinte des objectifs, et des effets et impacts des actions plutôt que sur l’effectivité de ces actions.
> La confirmation d’un calendrier de première réalisation des évaluations : les dates butoirs des premières évaluations ont été annoncées, puis reculées, et finalement, ce n’est qu’en 2009 qu’il a été établi que les établissements autorisés et créés avant le 21 juillet 2009, n’ont à réaliser qu’une évaluation interne et une évaluation externe pour la première période d’autorisation. Plus précisément, ce sont les établissements les plus anciens (autorisés et ouverts avant le 2 janvier 2002) qui ont la date butoir la plus proche : celle du 1er janvier 2014 pour la première évaluation interne et celle du 1er janvier 2015 pour la première évaluation externe.
> La confirmation des exceptions à ce calendrier pour certains ESSMS (la dernière nouvelle en date du 3 novembre 2010 avec un décret de la DGAS) :
- pour les établissements et services mettant en oeuvre des mesures éducatives ordonnées par l'autorité judiciaire (ordonnance du 2 février 1945 pour l’enfance délinquante, ou mesures d’investigation ou d’assistance éducative pour des mineurs et jeunes majeurs en situation de danger – protection de l’enfance), la première évaluation interne se réalisera au plus tard le 23 juillet 2014 (cinq ans après la promulgation de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 dite HPST).
- pour les établissements et services assurant l'accueil et l'accompagnement de personnes confrontées à des difficultés spécifiques en vue de favoriser l'adaptation à la vie active et l'aide à l'insertion sociale et professionnelle ou d'assurer des prestations de soins et de suivi médical, dont les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie, les centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogue, les structures dénommées " lits halte soins santé " et les appartements de coordination thérapeutique, la réalisation de l’évaluation interne interviendra au plus tard deux ans après la date du renouvellement de leur autorisation.
Des précisions non encore prises en compte par tous…
L’idée que les évaluations soient centrées sur l’interrogation des effets et impacts des actions, sur l’atteinte des objectifs, est encore loin d’avoir été intégrée par tous. Même si le décret du 15 mars 2007, et l’ANESM dans ses recommandations, étaient explicites sur ce point, de nombreux opérateurs (notamment parmi les évaluateurs externes) continuent à parler de méthodes de type démarches qualité.
C’est assez étonnant : j’ai encore vu, dans un programme actuel de formation sur l’évaluation interne d’une URIOPSS, qu’était ignoré le principe ajusté de toute évaluation (interrogation de l’atteinte des objectifs, des effets et impacts des actions), au profit d’une liste de 4 domaines examinés sous l’angle de l’effectivité et de la conformité à des engagements de pratiques. Comble, dans ce programme est fait référence à des domaines correspondant à des recommandations ANESM, alors que les contenus présentés se rapportent uniquement au guide du CNESMS de 2006 !
De même, pendant des débats internes à l’ANESM sur la recommandation pour l’évaluation interne dans les EHPAD, certaines fédérations très présentes dans les maisons de retraite mettent en place un travail de sape énorme pour contrer toute avancée vers l’examen de l’efficience.
… des compléments réglementaires qui manquent…
Pour compliquer le tout, la DGCS devait publier, selon la loi du 21 juillet 2009, un décret indiquant comment, à compter du 1er janvier 2011, « les conditions dans lesquelles une certification peut être prise en compte dans le cadre de l'évaluation externe » (pour les structures concernées). Il n’est toujours pas paru : incroyable ! J’espère que ce vide sera vite comblé, avec une clarification comportant, je le souhaite, le rappel que des cabinets accompagnant des certifications dans des établissements ou services ne sauraient être évaluateurs externes de ceux-ci. Si tel n’était pas le cas, nous serions devant des contradictions flagrantes et inquiétantes.
… ou qui interrogent…
Concernant les structures mettant en œuvre des mesures éducatives ordonnées par l'autorité judiciaire, j’indiquais dans un billet du 25 novembre 2010 que des indiscrétions diffusaient une perspective poussée par des responsables à la Direction de la Protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) : ces structures n’étant pas soumises à une procédure de renouvellement de leur autorisation, elles n’auraient pas d’obligation d’évaluation externe, cette disposition pouvant même à terme concerner les établissements et services ASE / PJJ. Depuis cette date, une circulaire de la DPJJ du 2 décembre 2010 (surtout consacrée aux appels à projets) est venue illustrer, en la limitant, cette perspective étonnante. Pour les établissements et services PJJ (du secteur public ou du secteur associatif habilité), les obligations seraient donc :
- Une évaluation interne tous les 5 ans,
- Une seule évaluation externe dans les 7 ans suivant leur autorisation.
L’ensemble a été repris dans un tableau, présenté dans l’annexe de la circulaire :
Vous noterez la dimension aléatoire de l’affirmation « la PJJ a toute latitude pour exiger ou non… » : sur quels critères ?
Conclusion : il est maintenant confirmé que les évaluations externes régulières, 2 par période de 15 ans concernent tous les ESSMS, sauf ceux de la PJJ. Je ne comprends pas bien : ils seraient les seuls à ne pas en avoir besoin ?
Daniel GACOIN
Cher Daniel
Il me semble que la restriction dont vous parlez dans le décret du 3 novempre est plus large que cela et ne concerne pas que les services de la PJJ
en effet, le 4 du L312-1 du CASF est ainsi libellé :
4° Les établissements ou services mettant en oeuvre les mesures éducatives ordonnées par l'autorité judiciaire en application de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ou des articles 375 à 375-8 du code civil ou concernant des majeurs de moins de vingt et un ans ou les mesures d'investigation préalables aux mesures d'assistance éducative prévues au nouveau code de procédure civile et par l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ;
Du coup, c'est tout le champ de la protection de l'enfance qui est échappe provisoirement à l'obligation d'évaluations
Rédigé par : jean marie Vauchez | 19 janvier 2011 à 12:08