Mon billet du 7 novembre - sur le décret du 3 novembre 2010 relatif au calendrier des évaluations et aux modalités de restitution des résultats des évaluations des établissements sociaux et médico-sociaux - a suscité beaucoup de réactions et de questions. J'y présentais un tableau récapitulatif des échéances d’un établissement ou service social ou médico-social, tableau qui, après plusieurs corrections (merci à tous les contributeurs !), donne un aperçu des obligations et échéances à venir.
Toutefois, il me semble avoir insuffisamment repris dans cet article un petit changement concernant l’évaluation interne…
Jusqu’ici, celle-ci concernait une interrogation des pratiques, dans une dynamique forte à une période donnée (tous les 5 ans) avec une démarche "chronophage" (même si était évoquée une démarche continue) :
- Les approches de type démarches qualité (très envahissantes, mais décalées par rapport aux obligations et recommandations officielles *) préconisaient une dynamique très coûteuse en temps et en énergie (mobilisation sur plusieurs mois avec comité de pilotage, groupes de travail et d’expression, comités de suivi et référents qualité etc.).
- La recommandation officielle de l’ANESM de juillet 2009, tout en affirmant la forte différence avec une démarche qualité, évoquait une démarche également très coûteuse en temps et en énergie (construction d’un cadre évaluatif, recueil d’informations, analyse des informations, pilotage des suites de l’évaluation).
Avec le décret du 3 novembre 2010, les pouvoirs publics insistent très fortement sur le fait que l’évaluation est une démarche continue et que, tous les 5 ans, il s’agit d’une formalisation des résultats. En clair, il s’agira d’acter, sur des indicateurs (effets attendus et donc atteints au regard des besoins et attentes) travaillés en permanence, des évolutions (impacts) à long terme. En terme d’écrits, le décret précise que le travail d’évaluation sera retracé dans les rapports d’activité annuels et que ses résultats seront retranscrits dans un rapport tous les 5 ans : l’évaluation va devenir une démarche plus précise, exigeante et permanente, et non plus un examen complet tous les 5 ans…
Si la prégnance d'une recherche de nouvelle efficience des structures publiques se poursuit sur son versant actuel (la performance et les méthodes concurrentielles) ** je prédis *** que ce petit changement sera significatif. Il sera la porte d’entrée vers une recherche nouvelle : l’évaluation avec construction d’indicateurs de performance (résultats définis a priori et suivis en permanence, avec des normes à atteindre posées par les pouvoirs publics), privilégiés à terme par rapport à des indicateurs d’effets ou d’effectivité / conformité à des standards de pratiques.
Une première preuve de cette porte d’entrée : l’ANESM vient de passer une convention de partenariat avec l’ANAP (Agence Nationale d’Appui à la Performance des Établissements sanitaires et médico-sociaux) pour la réalisation finale de la recommandation de bonnes pratiques professionnelles dans la conduite de l’évaluation interne dans des EHPAD (établissements d’hébergement pour personnes âgées). Une petite explication de texte s’impose :
- La recommandation pour l’évaluation interne travaillée d’abord à l’ANESM a suscité beaucoup de résistances de la part de fédérations qui souhaitaient n’entendre parler que de référentiel qualité labellisant (le leur) ou du référentiel ANGELIQUE (référentiel utilisé pour instruire le dossier de renouvellement des conventions avec les pouvoirs publics) : via un journal mensuel menant une campagne très agressive, leur réaction a atteint des sommets.
- Elle a ensuite rencontré la volonté de la Secrétaire d’État aux personnes âgées (Nora Berra) de lutter contre la maltraitance dans ces établissements, en voulant mettre en place des indicateurs (de qualité et de performance) lisibles et communiqués au grand public.
- Après un petit test sur une petite trentaine d’indicateurs, réalisé par l’ANESM il y a quelques semaines auprès d’un échantillon de structures, la recommandation est censée être améliorée.
- Et voici qu’arrive l’intervention de l’ANAP dans l’élaboration de cette recommandation : clairement, une liste d’indicateurs de performance (comme dans les hôpitaux) est à l’horizon pour les EHPAD, avec un travail retracé chaque année dans des rapports d’activité et des résultats transmis tous les 5 ans, permettant à terme des classements connus du grand public.
Une préfiguration de ce qui attend l’ensemble des établissements et services sociaux et médico-sociaux ? Je crains des changements (encore !) à venir...
Daniel GACOIN
* Pour ceux qui souhaitent avoir une réponse précise sur la différence entre démarche qualité ou de certification et démarche d’évaluation, voici deux textes bien explicites de l’ANESM.
** Sur le sujet des méthodes managériales des pouvoirs publics, je propose à chacun de lire avec attention l’excellent billet de Roland Janvier, Jean Lavoué et Michel Jezequel dans les ASH du 19 novembre 2010 intitulé « Entreprendre autrement »
*** Bien sûr, la prévision d'une modification se réalisera, selon moi et si le courant néo-managérial des pouvoirs publics se poursuit dans les années à venir, dans des modalités qui comprendront des régimes différents entre branches de l’action sociale et médico-sociale : d’un côté les secteurs du handicap et des personnes âgées fortement mobilisés sur ces indicateurs de performance avec une priorité aux questions de maltraitance, d’un autre côté le secteur de la protection de l’enfance peu mobilisé sauf sur des thèmes précis comme l’évaluation des situations et la transmission de données, enfin les secteurs de la protection judiciaire de la jeunesse, de la protection juridique des majeurs et de l’inclusion sociale préservés dans un premier temps de sollicitations trop fortes.
Bonjour Daniel,
Je réagis à tes 2 billets sur l'évaluation et te livre 2 réflexions :
• S'agissant des CSAPA dans ton billet du 7 novembre, tu t'interroges sur le point de départ et la rythmicité des évaluations internes : "une évaluation interne au plus tard après la date de renouvellement de leur autorisation". Si effectivement le point de départ est le 1er janvier 2010, leur renouvellement étant prévu dans 3 ans(autorisation provisoire), ces CSAPA auraient à conduire :
- une évaluation interne
- 2 évaluations externes !!!
• Dans ton dernier billet, tu indiques que la transmission des résultats de l'évaluation interne tous les 5 ans à l'autorité ayant délivré l'autorisation pourrait se traduire par une formalisation basée sur des indicateurs d'effets, d'impacts, de résultats.
Cette évolution (possible) semble impliquer le développement d'outils de pilotage (de type tableaux de bord de suivi) chers à l'ANAP et encore très peu développés dans notre secteur. Au final, le risque n'est-il pas de perdre de vue le sens et les finalités d'une évaluation ? Il sera tout de même nécessaire, dans cette période de 15 années, de ré-engager un travail de fond permettant réellement d'interroger l'adéquation missions / pratiques / fonctionnement / effets. La rythmicité quinquennale me paraissait intéressante de ce point de vue.
En la forme, cette évolution vers la transmission de résultats sous forme de tableaux de bords, n'irait-elle pas à l'encontre de la recommandation ANESM de juillet 2009 (relative à la conduite de l'évaluation interne dans les établissements et services). Cette recommandation, qui parle tantôt de rapport d'évaluation, tantôt de "document de transmission des résultats" nous donne un plan très détaillé du contenu du rapport allant au-delà du "plan d'amélioration du service rendu".
Si ces évolutions sont possibles, il me semble qu'une évaluation interne globale tous les 5 ans, de façon complémentaire à une démarche continue plus segmentée, reste le principe à ce jour. Qu'en penses-tu ?
Karine Le Maguet
Rédigé par : Karine Le Maguet | 24 novembre 2010 à 14:38
Autre réflexion suite au décret du 3 novembre 2010 qui indique que "les résultats de l'évaluation reposent sur une démarche retracée chaque année dans le rapport d'activité des établissements et services concernés" :
- Même si la majorité des ESMS formalisent des rapports d'activités annuels, il en est encore qui n'en disposent pas à ce jour.
- Partant de là, je me suis posée la question : est-ce une obligation légale ? réglementaire ? Ou une "coutume" ? Depuis le 3 novembre 2010, c'est une obligation réglementaire qui vaut pour tous les ESMS relevant de l'article L 312-1 CASF mais avant ?
Je n'ai pas trouvé à ce jour de texte légal imposant cette pratique. Si tel est le cas, c'est un autre impact de ce décret. Peut-être que tes lecteurs ont des références antérieures ?
Karine Le Maguet
Rédigé par : Karine Le Maguet | 24 novembre 2010 à 15:25
bonjour,
pour répondre à Karine que je salue après plusieurs années, le rapport d'activité est une obligation légale posée par l'article 49 du décret du 22 octobre 2003 devenu depuis avec la codification du CASF art R314-50.
Mais il est vrai que dans notre secteur les lois ont parfois du mal à être appliquées...
Merci à Daniel pour sa réactivité et son éclairage sur ce thème.
alexandre Hausknost
Rédigé par : alexandre hausknost | 25 novembre 2010 à 15:49
Merci Alexandre pour tes précieuses références juridiques.
Rédigé par : Karine Le Maguet | 29 novembre 2010 à 14:25
Bonjour Karine
Effectivement, A. Hauscknost, toujours affuté a été beaucoup plus rapide que moi.
En réponse à toutes tes questions, je confirme que les structures ayant une durée d'autorisation plus réduite que 15 ans (3 ans par exemple) relèvent d'un régime réduit (par exemple une évaluation interne, une évaluation externe) mais où l'évaluation externe conserve son caractère décisif pour le renouvellement de l'autorisation.
Quant à l'avenir, comme toi, je ne suis pas sûr que nous allions vers un progrès si des indicateurs de performance deviennent prédominants sur la pertinence d'une interrogation plus approfondie tous les 5 ans.
A +
Daniel
Rédigé par : Daniel Gacoin en réponse à Karine Le Maguet | 29 novembre 2010 à 17:21