Depuis deux mois, l’axe de travail du
gouvernement et les débats publics sont envahis par le tournant sécuritaire qui
a été adopté dès le mois de juin, puis dans le désormais tristement fameux discours
du président de la république à Grenoble, le 30 juillet 2010.
Les commentaires s’accélèrent aujourd’hui et
il me semble utile, non pas d’apporter mon point de vue, mais d’éclairer les
questions posées par quelques apports ciblés…
> Concernant la responsabilisation des parents, je vous renvoie à l’article que j’avais publié dans ce blog (cliquer ici
pour y accéder), concernant un colloque organisé par le Centre d’analyse
stratégique (organisme placé sous la responsabilité du Premier ministre) le 21
janvier 2008 sur le thème « la
responsabilisation des parents : une réponse à la délinquance des mineurs ».
Vous pouvez télécharger les actes du
colloque (portant l’en-tête du Premier ministre !) en cliquant ici. Ces
conclusions étaient éloquentes :
- l’association concrète de la délinquance à un défaut d’éducation, de direction ou de surveillance se traduit par des mots stigmatisants (défaillance, démission, etc.)
- les regards sur les parents d’enfants délinquants disqualifient, délégitiment de manière temporaire et sélective, favorisent l’amplification de ruptures sociales (perte d’emploi, divorce, déménagement, décès, transfert d’autorité, amplification du glissement des normes des jeunes vers la déviance, la rue…).
- les exemples étrangers sur les « parental orders » (désignant, en Angleterre, les mesures de responsabilisation et de contrainte auprès des parents) n’ont pratiquement aucun impact sur le comportement des enfants à long terme, ces dispositifs n’ont qu’une faible incidence sur la prévention de la délinquance.
- les nouveaux outils (pour responsabiliser les parents) ont donné lieu à des discours enflammés, ils sont pourtant restés lettre morte (aucune suppression d’allocation familiale depuis 2004, des contrats de responsabilité parentale très exceptionnels, aucun stage de responsabilité parentale).
- les politiques de responsabilisation, avec leurs défauts (vision mécaniste, infantilisante ou stigmatisante) sont essentiellement symboliques, elles « servent plus à afficher des valeurs qu’à prévenir réellement la délinquance ».
> Concernant la situation des gens du voyage, je vous renvoie à la lecture de
deux articles publiés sur le site La Vie
des idées (toujours une mine pour la réflexion)
- Le plus récent date du 7 juillet 2010 (cliquer ici pour y accéder) et s’intitule : « La France contre ses tsiganes ». Écrit par Emmanuel Filhol, spécialiste de l’histoire tsigane, il montre combien la discrimination à l’égard des populations tsiganes est ancienne (dès le XVIIe siècle) en France entre accueil et rejet, puis avec une recherche d’identification par fichage des personnes, qui sera fortement utilisée lors des deux démarches d’internement de ces populations pendant les deux guerres mondiales (dont l’envoi et le génocide dans les camps de concentration), jusqu’à « l’anti-tsiganisme » d’aujourd’hui justifiant (selon l’auteur) une politique systématique de contraintes, obligeant les personnes à se sédentariser.
- Le précédent datait du 23 octobre 2008 (cliquer ici pour y accéder) et s’intitule : « Ces Roms qui font peur à l’Europe ». Écrit par Jean-Baptiste Duez, un anthropologue de l’EHESS, il décrit le mouvement qui s’est accéléré depuis la chute du mur de Berlin, d’une migration des populations dites Roms vers l’Europe de l’Ouest. Les gens du voyage y sont identifiés à hauteur de 200 000 personnes, possédant un carnet de circulation. Il convient en outre de prendre en compte les 300 à 400 000 personnes d’origine tsiganes vivant en France et largement sédentarisées. Une accélération des discours xénophobes et violents se développe, dans un contexte d’hospitalité européenne affichée et de duretés nationales (larvées ou assumées, notamment en France depuis 2007). Selon l’auteur, il semble utile de garder un discours ferme sur les questions de droit et de délinquance, tout en développant une action sociale affirmée : suivi et soutien scolaire auprès des enfants, démarches permettant aux adultes de subvenir aux besoins de leur famille, promotion de l’accès au logement des personnes et familles en difficulté à travers les maîtrises d’œuvre urbaines et sociales (MOUS) utilisées pour les populations des gens du voyage, soutien de l’intégration professionnelle et sociale dans des métiers compatibles avec l’identité Rom, développement d’initiatives architecturales pour des ensembles permettant de remplacer les bungalows.
> Toujours concernant la situation des gens du voyage, je vous renvoie surtout à la lecture d’un rapport (cliquer ici pour y
accéder puis le télécharger) qui a été remis au Premier
ministre par un
sénateur UMP (pas un milliardaire de gauche donc !), Pierre Hérisson, en mai
2008 : tout y était dit, en 18 pages, sur la question du « stationnement des gens du
voyage ».
- La nécessité de poursuivre l’effort engagé sur ce dossier et d’améliorer l’accueil et la cohabitation avec les gens du voyage sur les communes.
- Le constat d’une atténuation des « crispations » liées à cette question, permettant d’appréhender l’avenir avec pédagogie, mais aussi avec fermeté, dans le respect des droits et des devoirs de chacun.
- Le contexte de révision des schémas départementaux d’accueil qui devrait permettre d’impulser une nouvelle dynamique.
- La nécessité de réalisation d’aires d’accueil aménagées pour les nomades comme seule garantie viable aux élus en réponse aux stationnements illicites dans la mesure où l’aire n’est pas seulement construite mais requiert une gestion de proximité dans un respect strict du règlement intérieur, notamment en termes de durée de séjour.
- Le besoin de déterminer des politiques sociales adéquates, en lien étroit avec les conseils généraux dans le cadre des plans départementaux d’action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD), afin de répondre aux besoins en habitat alternatif d’une partie de cette population ancrée territorialement et qui ne voyage presque plus.
- L’intérêt d’une mise en œuvre d’un régime unique de déclaration permettant d’instaurer en amont et en direct entre les protagonistes, leur organisation limitant ainsi le nombre de stationnements irréguliers.
- Pour les terrains de grands rassemblements, la nécessité de conforter la compétence de l’Etat en pré-affectant certains grands terrains, propriétés de l’Etat.
Le site des sénateurs UMP lui-même
indiquait (voir le site en cliquant ici) ainsi en 2009, en appuyant le contenu
du rapport, que « seul le respect
strict de la vocation initiale des aires d’accueil réservées aux itinérants
permettra de garantir l’équilibre et le succès de l’ensemble du système ».
Je continue à ne pas comprendre
l’incohérence en matière de construction politique : tout est dit et
analysé, tout est construit, mais tout est ensuite contredit. La constance (et
parfois la morale) des politiques semble être l’ingrédient qui nous manque…
Daniel
GACOIN
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