La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et
des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées avait
indiqué (dans son article 6, c’est-à-dire dans ses premiers principes) que « la recherche sur le handicap fait l'objet de
programmes pluridisciplinaires associant notamment les établissements
d'enseignement supérieur, les organismes de recherche et les
professionnels ». Dans le même article,
cette loi a institué un Observatoire National sur la Formation, la Recherche et
l'Innovation sur le Handicap (ONFRIH) chargé de se prononcer sur la
coordination des politiques de prévention et de dépistage des problèmes de
santé, chargé d’établir tous les trois ans un rapport remis au ministre en
charge des personnes handicapées, au conseil scientifique de la Caisse
nationale de solidarité pour l'autonomie et au Conseil national consultatif des
personnes handicapées.
L’ONFRIH
est présidé par Jean-Louis Faure, ancien inspecteur général de l’INSEE,
fin
connaisseur des questions du handicap, le secrétariat général de l’ONFRIH étant
assuré jusqu’en 2009 par le délégué interministériel
aux personnes handicapées (Patrick Gohet, ancien directeur général de l’UNAPEI,
Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées et de
leurs amis), puis après la suppression de cette fonction au profit d’un Comité
interministériel du handicap (CIH), par le secrétaire général du CIH, également
Président du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) :
il s’agit toujours du même Patrick Gohet !!
L’ONFRIH
a été installé en avril 2007, avec un programme de travail triennal 2008 – 2010,
et la charge d’un rapport final, mais avec des rapports intermédiaires (en 2009
pour son activité 2007-2009, en 2010 pour son activité 2009).
Au-delà
de son Conseil d’orientation (53 représentants
d’organismes ou acteurs majeurs du monde du handicap), l’ONFRIH a mis en place
3 groupes de travail :
> Un premier consacré aux questions de recherche, est présidé par Jean-François RAVAUD, Directeur de recherche à l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM),
> Un deuxième consacré aux questions de formation, est présidé par Marcel JAEGER, ancien directeur général de l’Institut régional du travail social d’Ile de France (IRTS Ile-de-France) et professeur titulaire de la Chaire de Travail social et d’Intervention sociale du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM),
> Un troisième consacré aux questions de prévention, est présidé par Jacques ZEITOUN, membre du Conseil d’Administration de l’Association des Paralysés de France.
Le
rapport qui vient de paraître (cliquer ici pour y accéder) concerne l’activité
2009, est essentiellement consacré aux travaux du groupe recherche-innovation
et du groupe formation, les travaux du groupe prévention devant être présentés
en 2011 dans le rapport triennal final.
L’ensemble (138 pages) est très intéressant, tant en termes de constats
que de préconisations.
Pour la recherche et de l’innovation en
faveur du handicap
L’ONFRIH
avait prévu d’orienter ses travaux en 3 étapes, une première consacrée aux
sciences de l’homme et de la société en 2008 (voir le rapport 2008), une
deuxième consacrée aux sciences de l’ingénieur (y compris les technologies de
l’information et de la communication) en 2009 (qui font l’objet du présent
rapport), une troisième consacrée aux sciences biomédicales en 2010.
Pour les recherches (sciences de
l’ingénieur) ayant comme finalité explicite l’amélioration de l’autonomie et de
la participation sociale des personnes handicapées (aides techniques,
individuelles ou collectives, ou aménagement de l’environnement pour contribuer
à l’autonomie des personnes présentant des incapacités), la recherche française
en sciences de l’ingénieur concernant le handicap et l’autonomie se développe
de façon incontestable mais inégale : une réalité dynamique pour les
technologies de l’information et de la communication, pour la robotique, mais
une grande faiblesse dans le domaine du handicap psychique et du handicap
mental, d’autant que l’approche est plus individuelle (aide technique)
qu’environnementale. Selon le rapport, dans ce domaine, la recherche est à
l’image de toute la recherche en Europe : son « talon d’Achille » n’est pas son inexistence, mais plutôt,
malgré une réalité indéniable, une difficulté à traduire des connaissances en
innovations.
Pour progresser dans ces domaines,
l’ONFRIH propose 4 objectifs :
> Élever le handicap au rang de grand défi scientifique et de grand domaine applicatif pour les sciences de l’ingénieur : rencontres à forte visibilité entre les acteurs de la recherche et de l’innovation, expression globale et intersectorielle des enjeux liés au handicap lors de l’élaboration de la prochaine Stratégie nationale de recherche et innovation, Institut thématique multi-organismes (ITMO) - Technologies pour la santé, création d’une chaire d’excellence,
> Renforcer les coopérations entre opérateurs à tous les niveaux de la recherche et de l’innovation : plate-forme nationale légère sur les sciences du handicap, couvrant tous les champs disciplinaires et assurant la transversalité entre les approches, Pôle national de recherche technologique pour l’accessibilité, plates-formes technologiques mutualisées de prototypage, d’essais et d’évaluation, consortiums régionaux de recherche technologique,
> Encourager l’expression des besoins des usagers dans le processus de recherche et d’innovation : ouverture des ITMO, en l’occurrence l’ITMO - Technologies pour la santé, aux associations représentant les personnes handicapées, adéquation des innovations technologiques aux besoins des personnes handicapées en intégrant leur expertise dans le processus d’évaluation et des besoins et de mise au point des produits),
> Favoriser l’accès des personnes handicapées à ces innovations (développement d’une véritable offre industrielle et commerciale, méthodes d’évaluation des aides techniques, amélioration de leur prescription et de leur adaptation individualisée).
Pour le développement de la formation en
faveur du handicap
Le
rapport présente une réflexion autour de 3 catégories de professionnels
(personnels des MDPH, professionnels de santé, architectes et autres
professionnels du cadre bâti) et des aidants familiaux.
Les premiers
constats sont importants : un développement fort de la formation pour les
professionnels des Maisons départementales des personnes handicapées
(essentiellement assurée par la CNSA, l’EHESP, le CNFPT), une forte insuffisance
de la formation auprès des médecins (y compris les étudiants en troisième cycle
de médecine), une sensibilisation des architectes et des professionnels du
cadre bâti lors de leur formation initiale faisant l’objet de beaucoup
d’intentions et même de décisions, mais avec une très grande insuffisance dans
les mises en place. Pour la formation des
aidants familiaux, le rapport indique « qu’elle
ne va pas de soi car leur rôle fait débat », même « si un changement d’attitude est en cours » : « on attend maintenant des familles
qu’elles soient présentes, proches, disponibles, alors qu’il y a peu, elles
étaient perçues comme perturbatrices, peu fiables, voire pathogènes ! ».
Dans le prolongement sont constatées des initiatives intéressantes et diversifiées :
programme Prospect de formation des familles par les familles dans le domaine
du handicap psychique, pistes ouvertes par le plan Alzheimer, plan
Bientraitance.
Le rapport 2009 présente également
un premier recensement, très instructif, des formations qu’offrent les
différentes universités sur la thématique du handicap dans les domaines
suivants : autisme, surdité, activités physiques adaptées.
Pour progresser dans ces domaines,
l’ONFRIH propose 4 objectifs :
> Agir sur les représentations
> Recentrer les formations des professionnels sur un socle commun, avec une place essentielle pour l’analyse des pratiques, pour les questions de positionnement et d’éthique, pour la prise en compte des bénéficiaires des accompagnements dans les formations,
> Faire évoluer les formations actuelles,
> Appuyer la formation sur la recherche.
Au-delà des actions à court et
moyen terme, le rapport propose de donner à plus long terme (trois à cinq ans) « une structure cohérente à toutes les formations
concernant le domaine du handicap : construire des référentiels pour ces
formations ; repenser l’ingénierie de formation ; développer des logiques de
tronc commun pour créer une culture partagée et permettre un véritable travail
interprofessionnel centré sur la personne handicapée ».
Mes petites conclusions après cette lecture
Tous ces travaux sont bien
intéressants, montrant combien l’articulation entre recherche, formation et
accompagnement constitue un axe majeur des évolutions à soutenir. J’ajouterai
le champ de l’évaluation, sachant que ni Jean-Louis Faure, le président de
l’ONFRIH, que j’apprécie, ni M. Jaeger, président du groupe de travail
formation de l’ONFRIH et rédacteur de la préface de mon dernier ouvrage (le « Guide de l’évaluation en action
sociale et médico-sociale », aujourd’hui en librairie), ne me
démentiront.
J’ai l’intuition en effet que ces
4 approches croisées constituent l’ossature d’une approche ambitieuse,
indispensable pour une politique du handicap. Reste à savoir la suite qui sera donnée
par les pouvoirs publics à ces réflexions, tant en termes d’attention et
d’intérêt réels (j’ai quelques doutes du fait des comportements récents de la
Secrétaire d’État concernée) qu’en termes de mobilisation de moyens (là aussi
j’ai de nombreux doutes du fait du plan massif de rigueur qui se profile pour
les 4 ou 5 années à venir, avec application indifférenciée, sans mise en avant
de choix et de priorités !).
Daniel GACOIN
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