Le sujet fait l’objet d’une forte polémique,
notamment depuis 2003. Au départ en effet, se trouvait la nécessité, selon certains
responsables publics, de mieux contrôler l’activité des psychothérapeutes.
Les données étaient simples :
l’activité psychothérapeutique pouvait être revendiquée par les 12 000 à 13 000
psychiatres (une démographie déclinante), les 40 000 à 50 000 psychologues (des
spécialités très différentes, une démographie en hausse constante), les 5 000 à
6 000 psychanalystes, les 20 000 autres personnes s’intitulant « psychothérapeutes ». Dans
cet ensemble pouvaient se trouver le meilleur, mais également le pire (activité
sectaire, pratique de domination ou d’influence, etc.). Et bien sûr… avec une très
grande susceptibilité de tous ces acteurs à l’égard de toute démarche de
contrôle : crainte de la domination médicale chez certains, désir d’indépendance
dans des activités libérales sans contrôle pour d’autres (notamment chez les
psychanalystes), soupçon permanent d’une mainmise étatique ou d’une progression
des thérapies cognitivo-comportementalistes ailleurs, etc.
L’étincelle en 2003 : le dépôt
d’un amendement par le Docteur Accoyer au sein d’un texte
législatif a dynamité
les débats. Le texte était grossier : « 1.
Les psychothérapeutes désignés comme des outils thérapeutiques, 2. Agissant
uniquement dans le cadre de traitements prescrits par des médecins, 3. Pour des
malades mentaux, 4. Devant à terme être uniquement des médecins ou des
psychologues (exit les psychanalystes, ou les psychothérapeutes relevant de
spécialités ou d’écoles particulières), 5. Devant être agréés par une agence de
Santé, 6. Après accréditation par un jury (de médecins et d’universitaires) ». Les protestations ont été immenses, à la hauteur de la provocation…
Les conséquences ?
>
L’amendement Accoyer, très aménagé, a été intégré dans une version édulcorée au
sein de la Loi N°2004-806 du 9 août 2004 de Santé publique, avec renvoi vers un décret à venir du
Conseil d’État, mais sur des principes simples : « 1. L'usage du titre de
psychothérapeute est réservé à des professionnels inscrits au
registre
national des psychothérapeutes, 2. L'inscription sur ce registre
est de droit pour les titulaires d'un diplôme de docteur en médecine, les
personnes autorisées à faire usage du titre de psychologue et les
psychanalystes régulièrement enregistrés dans les annuaires de leurs
associations, 3. Un décret du Conseil d’État précisera les conditions de
formation théoriques
et pratiques en psychopathologie clinique ». La
simplicité apparente du texte ne réglait rien du tout, car elle faisait
apparaître en filigrane, sans aborder sa réalité, la quatrième catégorie :
les psychothérapeutes non médecins, non psychologues et non psychanalystes. Par
ailleurs, les pouvoirs publics voulait promouvoir, dans la formation théorique
et pratique, un équilibre entre « les quatre approches de
psychothérapie validées scientifiquement (analytique, systémique, cognitivo-comportementaliste,
intégrative) » : les débats ont alors été
nombreux, entre notamment les « défenseurs d’une psychanalyse
honteusement attaquée », les « accusateurs de
charlatanisme », les « dénonciateurs d’une psychologie
d'Etat », etc.
> En 2006, les
tractations pour la formalisation d’un décret vont bon train, avec une position
ambiguë du ministre de la Santé de l’époque : publier un décret, coûte que coûte, même insuffisant, parce que
le moins contraignant possible et le plus acceptable par chaque profession.
>
En 2009, la loi du 21 juillet 2009 apporte une ouverture : 1. L'usage du titre de psychothérapeute est réservé à des professionnels
inscrits au registre
national des psychothérapeutes, 2. L'inscription sur
ce registre se réalise pour des titulaires
d'un diplôme de niveau doctorat donnant le droit d'exercer la médecine en
France ou d'un diplôme de niveau master dont la spécialité ou la mention est la
psychologie ou la psychanalyse, et ayant suivi une formation théorique et
pratique en psychopathologie clinique, 3. Un décret du Conseil d’État précisera les
conditions dans lesquelles ces personnes peuvent bénéficier d'une dispense totale ou partielle pour la formation
en psychopathologie clinique, 4. Un
décret du Conseil d’État précisera
également les dispositions transitoires dont peuvent bénéficier les
professionnels justifiant d'au moins cinq ans de pratique de la psychothérapie
à la date de publication du décret ». Clairement, les pouvoirs
publics ont créé une situation de résolution, à terme, de la situation de ceux
qui s’intitulent psychothérapeutes au nom d’une pratique (au moins cinq ans en
juillet 2009), mais sans formation doctorante ou de niveau master en
psychologie puis en psychopathologie clinique.
> Le décret vient donc
de paraître le 22 mai 2010 (daté du 20). Il indique
d’abord que, pour obtenir le titre de psychothérapeute :
- Les psychologues cliniciens devront suivre une formation complémentaire. Elle portera sur la psychopathologie (150 h de théorie, dont 50 h de « discernement des grandes pathologies psychiatriques ») et comportera également 2 mois de stage.
- Les psychologues non cliniciens devront suivre une formation complémentaire. Elle portera sur la psychopathologie (300 h de théorie, dont 100 h de « discernement des grandes pathologies psychiatriques ») et comportera également 5 mois de stage.
- Les psychiatres seront dispensés d’une formation complémentaire.
- Les médecins non psychiatres devront suivre une formation complémentaire. Elle portera sur la psychopathologie (200 h de théorie, sans les heures de « discernement des grandes pathologies psychiatriques ») et comportera également 2 mois de stage.
- Les psychanalystes (régulièrement inscrits dans l’annuaire d’une association) devront suivre une formation complémentaire. Elle portera sur la psychopathologie (200 h de théorie, dont 100 h de « discernement des grandes pathologies psychiatriques ») et comportera également 2 mois de stage.
- Les personnes exerçant la psychothérapie, n’appartenant à aucune des professions précédentes, exerçant leur activité depuis plus de 5 ans, devront suivre une formation complémentaire. Elle portera sur la psychopathologie (400 h de théorie, dont 100 h de « discernement des grandes pathologies psychiatriques ») et comportera également 5 mois de stage. Attention ! Il est bien rappelé qu’il s’agit d’une dérogation dans une disposition transitoire : elle entrainera le passage devant un jury, et surtout, une demande à faire dans un délai d'un an (avant le 22 mai 2011). Passé ce délai, c’est le passage par une formation initiale (master de psychologie, diplôme de médecin, enregistrement comme psychanalyste) et la formation complémentaire décrite ci-dessus qui sera de rigueur.
La pertinence du décret ?
On trouvera à terme de nombreux
commentaires sur ce décret : des grands cris pour certains, une
clarification nécessaire pour d’autres, du soulagement, de l’inquiétude, voire
une poursuite des propos comminatoires sur fond de victimisation face à une
progression de l’hydre étatique.
Pour ma part, je pense qu’il résout les
situations problématiques (psychothérapeutes sans garanties minimales) sans
entrer dans une validation ou exclusion d’orientations dans les théories et
concepts de référence.
Mais il ne résout qu’en partie la question
des lieux de formation : ce sera donc le prochain épisode des débats et
des éventuelles passions (notamment autour des commissions régionales
d’agrément créées et composées sur décision des directeurs d’Agences Régionales
de Santé). Je vois déjà poindre la volonté déjà très engagée depuis 2 ans par
certains psychanalystes ou spécialistes de faire valider leurs organismes de
formation hors du cadre universitaire, avec les éventuelles dénonciations de
positions idéologiques des commission s d’agrément en cas de refus.
Je m’intéresse néanmoins à la
clarification des situations dans les structures comme les CMPP, les IME,
etc. : a priori s’intituler psychothérapeutes et exercer des psychothérapies
nécessitera de respecter de cadre. L’employeur sera en droit de l’exiger, mais
qui paiera les éventuelles formations ?
Daniel GACOIN
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