La nouvelle est tombée ce matin : après
des débats qu’il était possible de suivre sur Internet depuis hier 13 h (heure américaine),
la Chambre des représentants, avec une majorité de 7 voix (219 contre 212), a
voté hier soir à minuit (heure américaine), le
texte de la réforme de l'assurance maladie voté par le Sénat fin décembre. Ce
dernier doit encore se prononcer à la majorité simple via un processus de réconciliation
sur une version unifiée du texte dans les prochains jours. Si tout va bien, B. Obama
pourra ensuite le promulguer en loi.
La sortie d’un système bancal…
Alors que les Etats-Unis consacrent 16 % de leur PIB aux
dépenses de santé (consommation bien supérieure à la France), l’assurance
médicale est privée pour une majorité d’Américains. Un système public de
couverture des soins appelé Medicare existe pour les retraités ayant cotisé et
un autre appelé Medicaid pour les handicapés, les anciens combattants et les
très faibles revenus. Ce système est en forte dette (plus de 2 000 milliards de
dollars soit 1 450 milliards d'euros). En outre, la crise ayant aggravé le
système, près de 50 millions d’Américains se trouvent sans couverture de leur
frais de santé (16 % de la population). J’avais déjà présenté dans un précédent
billet (cliquer icipour y accéder) les problématiques de ce système où les compagnies d’assurance faisaient
la pluie et le beau temps et participaient à une surenchère.
… vers une solution de compromis
Le nouveau projet vise à offrir une couverture maladie
aux Américains qui en sont dépourvus avec des principes qui ne sont pas ceux
d’une Sécurité sociale généralisée (pour se renseigner, il suffit de consulter
le site de la Maison Blanche, en cliquant ici) :
- Pas de création d’une caisse publique d'assurance maladie,
- Création d’une Bourse des polices d'assurance pour promouvoir la concurrence et tenter ainsi de faire baisser les prix des primes d'assurance,
- Limitation des dépenses que les ménages consacrent à leur assurance maladie. Pour les revenus les plus modestes, ces dépenses ne devront pas dépasser 2 % à 3 % du revenu, le reste étant compensé sous la forme d'un crédit d'impôt. L'Etat prendra à sa charge jusqu'à 94 % des primes versées aux assureurs par les ménages les plus modestes,
- Versement aux entreprises de moins de cinquante salariés d’un crédit d'impôt de 40 milliards de dollars pour abonder la prime de leurs employés. Les autres entreprises devront verser une somme forfaitaire de 2 000 dollars par an et par salarié non couvert,
- Investissement de 11 milliards de dollars sur cinq ans dans les dispensaires qui soignent actuellement 20 millions d'Américains,
- Limitation des hausses de tarifs "déraisonnables ou injustifiées" imposées aux assurés par des compagnies privées. Une autorité fédérale sera créée pour obliger le cas échéant les assureurs à réduire leurs primes,
- Taxation des entreprises de santé avec, pour les assureurs, (bénéficiant d’une augmentation des assurés) 67 milliards de dollars d'impôts nouveaux sur dix ans, pour l’industrie pharmaceutique, 23 milliards de dollars d’impôts, et pour les équipements médicaux, 20 milliards de dollars,
- Taxation des assurés les plus riches : pour les couvertures individuelles dépassant 27 500 dollars par an pour une famille,
- Interdiction posée aux laboratoires pharmaceutiques de payer des fabricants de médicaments génériques pour qu'ils renoncent à vendre des produits.
Pour faire passer la pilule,
notamment auprès des républicains les plus ouverts ou des conservateurs les
plus réticents, le président a du passer des compromis. Il a du aussi démontrer
que, si le projet coute cher (940 milliards de dollars sur dix ans), il sera
facilement financé, y compris d’ailleurs qu’il permettra de réduire le déficit
américain de 138 milliards de dollars en dix ans. Certes, ces compromis créent un
système d’assurances privées régulées et non une Sécurité Sociale, mais
l’important, c’est qu’il ait été créé, de manière adaptée à la culture et aux
problématiques des États-Unis (surconsommation médicale, comportement
inflationniste des industries pharmaceutiques et des assurances privées).
Daniel GACOIN
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