La loi Hôpital Patients Santé Territoire (HPST) du 21 juillet 2009 a
officialisé la création, déjà prévue bien en amont, de l’Agence Nationale
d’Appui à la Performance des établissements de santé et médico-sociaux, l’ANAP.
Dotée d’un budget de 50 millions d’euros (20 fois plus que celui de l’Agence
Nationale de l’Évaluation Sociale et Médico-sociale, l’ANESM), elle a été
installée en octobre 2009. Le gouvernement, dans le cadre du troisième rapport
d'étape de la révision générale des politiques publiques (RGPP) du 17 février
2010 a d’ailleurs fait part, parmi les « avancées
concrètes » de cette RGPP, de la création de l’ANAP.
En consultant le site de l’ANAP (cliquer ici pour y accéder) on constate
que l’un des dix projets du programme 2010 de l'ANAP vise à « développer le pilotage » des
établissements et services médico-sociaux (ESMS), avec un premier chantier en
trois étapes :
1. Une phase d'observation sur le terrain (jusqu'à la fin du premier trimestre) permettant l'analyse de l'organisation et des enjeux du pilotage des ESMS au travers d'entretiens menés auprès des structures représentatives de la diversité du secteur médico-social et d'acteurs institutionnels,
2. L'organisation d'un « système de pilotage ciblé » grâce à l'organisation de groupes de travail et à des expérimentations par les ESMS afin de parvenir à un « système opérationnel »
3. La définition des conditions du déploiement du système de pilotage, grâce à la formalisation de plans d'action s'appuyant sur les enseignements de l'expérimentation.
Concrètement, l’ANAP prévoit pour fin 2010, après une phase dite de
concertation, la promotion :
> « D’indicateurs de pilotage pertinents, afin de faciliter l'adhésion des acteurs et permettre leur appropriation par un grand nombre d'ESMS »,
> De l’organisation des informations significatives sur chaque ESMS sous la forme d'un tableau de bord « multidimensionnel », avec suivi des personnes accompagnées ou prises en charge, des activités proposées et des ressources mobilisées,
> De l'utilisation de référentiels communs, afin de contribuer à la description des activités et à l'harmonisation des données.
L’accent est ainsi porté, pour l’avenir, sur des outils lisibles, harmonisés,
sur le suivi des personnes accompagnées et la qualité, voire l’efficience
(articulation coût / résultat) des ESMS. On croit rêver : après le
pilotage par les schémas, après les contrats pluriannuels d’objectifs et de
moyens, après les indicateurs socio-économiques mis en place depuis 6 ans
(toujours pas exploités de manière sérieuse), après l’évaluation interne et
bientôt externe, après les recommandations de bonnes pratiques, l’État nous
promet un nouveau dispositif, peut-être pas une usine à gaz en soi, mais avec
tous ces éléments mis bout à bout et surtout superposés (puisqu’ils doivent
l’être), l’inflation des outils de suivi et d’amélioration s’accélère alors
même que les premiers dispositifs ne sont pas encore totalement mis en place
(et évalués). Il faudra bientôt plus de professionnels pour remplir toutes ces
démarches et ces outils que pour accompagner les personnes en difficulté…
Quant à la concurrence avec l’ANESM, elle n’est pas clarifiée, même si
un arrêté du 10 décembre 2009 nomme, parmi les 16 membres du Conseil scientifique
de l’ANAP, Didier Charlanne (directeur de l’ANESM) et Jean-François Bauduret,
rédacteur de la loi du 2 janvier 2002, fin connaisseur du secteur, directeur
honoraire de la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie, la CNSA. Il existe également dans ce conseil
scientifique un directeur de groupement
d’établissements gérontologiques (Val-de-Marne) mais aucun spécialiste du
secteur du handicap.
Élément à retenir : l’ANAP ne concerne que les établissements et
services médico-sociaux (handicap, grand âge, dépendance).
A quand un prochain épisode ? et lequel ? Pour ma part, je
pronostique dans la forme une avancée vers un processus proche de
l’accréditation, et je ne m’en réjouis pas… Sur le fond, se généralise surtout
l’idée d’un secteur encore et toujours impossible à maîtriser, dépensier, à
corriger sérieusement, et d’une multitude d’outils nécessaires pour y parvenir.
Je reviendrai dans peu de temps sur cette image, davantage une fiction qu’une
réalité.
Daniel GACOIN
Bonjour Daniel,
En réponse à votre article, je souhaite porter un regard décalé sur "les péripéties" de la loi HPST, qui me pousse à présumer (oh, certes de façon un peu hâtive) que le secteur public hospitalier est en voie de disparition. Je m'explique ; le 16 mars dernier, le JO publiait divers décrets, arrêtés et autres textes réglementaires, dont certains concernent les directions dans la fonction publique. En effet, l'un de ces textes modifie considérablement et de manière très directive, c'est à dire sans concertation, - mais cela on y est de plus en plus habitué ! - la gouvernance des EPH. Dorénavant, les "non fonctionnaires" (donc sans la culture propre à ce secteur), peuvent accéder à des postes de direction, pour une durée maximale de trois ans, renouvelable dans la limite maximale de six ans, il est vrai.
Vous qui nous éclairez fréquemment, et je dois le dire avec bonheur, n'est-ce pas là un signe (de plus) de la toute puissance de l'état qui à n'en pas douter veut imposer "une nouvelle race de Directeurs" et donc de management ? Une réflexion de votre part, serait un plus pour nous…
En tout cas, le débat est ouvert
Rédigé par : Olivier GENTILLEAU | 18 mars 2010 à 12:26
Bonjour Olivier,
Le document auquel vous faites référence s'inscrit en effet dans un ensemble de dispositions qui transforment la fonction de direction. Sur le fond, en référence à la doctrine du New Public Management, il s'agit de différencier nettement les managers stratégiques des managers de proximité. Cela rend ainsi possible, pour la première catégorie, des recrutements de personnes qui n'ont pas d'expérience de la fonction publique hospitalière et des questions cliniques, pourvu que ces personnes soient tendues vers des conduites stratégiques et des méthodes managériales renouvelées.
Deux erreurs dans cette approche : l'absence de connaissance du secteur favorise une vision macro, créant ensuite des tensions dans les modes d'application des options stratégiques, l'absence de connaissance du terrain favorise des profils de managers intelligents, mais sans intuition/valeur/curiosité de la clinique. Rappelons nous le livre de H. Minzberg : Des managers, des vrais, pas des MBA !
Pour autant, la transformation de la fonction de direction par apport de savoirs extérieurs ne signifie pas strictement "disparition d'un secteur", simplement un bouleversement... et vous savez que je ne m'en réjouis pas.
A très bientôt Olivier
Rédigé par : Daniel Gacoin en réponse aux questions de Olivier Gentilleau | 29 mars 2010 à 05:57