Un secteur en fort développement…
Les
services à la personne sont présentés, depuis 10 ans, comme un axe majeur du
développement de l’emploi en France : demande importante et croissante, création effective de services, nouvelles modalités de règlement (via le Chèque
Emploi Service Universel, le CESU, créé par la loi Borloo de 2005) facilitant
les liens contractuels et l’appel aux prestataires, financement facilité
(allègements fiscaux, préfinancement, acceptation du financement du CESU par
les entreprises avec exonération des cotisations sociales), mesures
complémentaires (création de la PCH, la prestation de compensation du handicap,
par exemple).
Les
projections sont évidentes pour le grand public : une perspective majeure de
création d’emploi, les projections évoquant 100 000 emplois supplémentaires par
an, cette perspective étant soutenue par l’Agence Nationale des Services à la
Personne (ANSP).
… mais un secteur difficile à cerner…
On y trouve
bien sûr les services à domicile classiques avec une partie proche de l’action
sociale ou médico-sociale (aide à domicile aux personnes âgées et
handicapées), une partie proche de l’action sanitaire (soins médicaux à
domicile), et une partie plus centrée sur des prestations utilitaires (garde
d’enfants, soutien scolaire, ménage, conduite de véhicule, aide à la mobilité
et transports, soins et promenades des animaux de compagnie, etc.).
On y
trouve aussi de nouveaux services : assistance informatique, gardiennage,
assistance administrative, soins esthétiques à domicile (personnes âgées), livraison
de courses, etc. Cette part des services à la personne est en constant
développement, avec une ouverture vers des services de type bricolage, collecte
et livraison de linge repassé, télé et visio-assistance, jardinage etc. Les
pouvoirs publics prévoient même de rendre possible les audits éco-habitat,
l’assistance informatique à distance, etc. etc.
… et surtout un secteur en tension
Les arguments avancés pour expliquer
l’accroissement des services à la personne sont multiples (contraintes nouvelles
d’organisation de la vie quotidienne, allongement des trajets du domicile au
travail, vieillissement de la population, diversification des besoins de garde
d’enfants, souhait de travaux ménagers à la carte,
appétit pour les nouveaux services comme le gardiennage, etc.). Mais,
l’exigence de consommation est inscrite dans une approche problématique :
> Une tendance générale à
l’individualisation des services, soutenue de fait par les politiques
publiques,
> La
non-acceptation, par les bénéficiaires, de la « valeur » (donc du juste prix) du service,
> Le
développement en milieu rural, plus lent, plus difficile,
> L’exigence,
de la part des ménages, de prestations de services « n’importe quand, à n’importe quelle heure » et la demande
fréquente « d’immédiateté »,
> Les
problèmes récurrents de professionnalisation, de recrutement et de stabilité
des personnels,
> Le
problème de la concurrence et de la frontière avec l’artisanat : cadre fiscal
et règlementaire, statut des salariés, gestion de l’urgence,
> Le fait de transformer potentiellement
les domiciles en « halls de gare »,
> Le développement des enseignes (des
banques, des assureurs, des distributeurs) qui se sont lancées dans des plates
formes référençant des prestataires, avec un développement non ciblé, tous
azimuts, plates formes qui sont loin d’être une panacée et favorisent l’idée
d’une possible consommation effrénée.
Des tensions spécifiques existent aujourd’hui, qu’il
convient de souligner (déjà signalées par le rapport 2008 du Conseil de
l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale, le CERC, téléchargeable par en cliquant sur ce lien, via la Documentation Française). Elles sont de trois
niveaux :
1. La réalité concurrentielle ne
contribue pas forcément à la lisibilité, faisant essentiellement apparaître la
question du coût : le coût apparent (service premier) n’est pas le coût
réel, le coût apparent n’intègre pas immédiatement le coût des services
annexes, que les plates-formes incitent à « consommer ».
J’ai été impressionné, de ce point de vue, par la désagréable impression qui se
dégageait du dossier publié cette semaine par l’hebdomadaire Le Point. Cette
concurrence peut trouver un développement nouveau avec la transposition de la
directive Services de l’Union Européenne, si une frontière précise n’est pas
développée entre les services en général et l’aide médico-sociale à domicile en particulier.
2.
La qualité est aujourd’hui très inégale. Le recours à des certifications n’est
pas de nature à rassurer : elle favorise des discours apparents, sans
s’attacher aux processus effectifs. Cela se voit notamment dans l’aide
médico-sociale à domicile : la
valorisation des formations professionnelles, pourtant en cours, pourrait vite
être oubliée, l’appui sur des accompagnements effectifs pourrait être noyé dans
un discours général de type mot d’ordre, très commercial, peu compatible avec
la fonction.
3.
Les situations financières deviennent très tendues pour l’aide
médico-sociale à domicile : il est clair
que la réduction de l’engagement de l’État (de 50 à 30 %) dans l’Aide
Personnalisée pour l’Autonomie (APA) ou la PCH, le niveau de financement des
actes, la concurrence accrue, etc. deviennent problématiques. Nous avons été
témoins depuis 6 mois de nombreuses situations de quasi liquidation financière,
notamment pour des associations reconnues par des grandes fédérations comme l’Aide à Domicile en Milieu Rural (ADMR),
l’Union Nationale de l’Aide, des soins et des services à domicile (UNA), la
fédération d’associations baptisée ADESSA (terme venant du latin « adesse » : « être à côté de ») : parmi ces liquidations on trouve l’Association d'Aide à Domicile aux Retraités (ADAR) de
Lille, l'ADMR du Finistère, l'Association Aide Soins Services à domicile
(ASSAD) 77, l'Association Aide à Domicile et Emplois Familiaux de l'Eure (ADEF
27), etc..
… et la nécessité d’une solution
L’État dit
être conscient des difficultés, il est même prêt à échanger sur le sujet, lors
d’une rencontre des fédérations dès décembre, c’est bien, mais il est plus que
temps d’avancer. Je ne vois que quatre solutions :
> La
différenciation des régimes entre les services divers à la personne et l’aide
médico-sociale à domicile (tout n’est pas soluble dans des grandes
plates-formes multi-services),
> Une
mise à plat des coûts tenant compte, pour l’aide médico-sociale à domicile, des
nécessités de formation, d’encadrement, de suivi des accompagnements, de
rémunération et de sécurisation des parcours des professionnels,
> La prise en charge effective,
sérieuse, par l’État de ses engagements de financements, comme c’est la loi,
via la CNSA notamment, de l’APA et de la PCH, et plus globalement, une avancée
sérieuse vers le financement du risque dépendance (le 5ème risque),
> L’harmonisation des tarifs entre les
Conseils généraux et les CRAM (certaines associations appliquant le tarif fixé
par un Conseil général se voyant déconventionnées ensuite par la CRAM).
Daniel GACOIN
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