La dernière livraison d’ESF-Éditeur (ex Édition Sociale Française) avec
le livre « Réussir l’évaluation
interne en action sociale » vient apporter une pierre supplémentaire
aux nombreux ouvrages sur l’évaluation interne… Nous n’en manquions pas !
Les auteurs sont connus, François Charleux, directeur d’un cabinet de conseil
sérieux et reconnu, et Daniel Guaquère, directeur de l’ANDESI, organisme de
formation de cadres du secteur social et médico-social qui fait autorité. Les
deux ont déjà produit des ouvrages sur le thème de la qualité, de l’évaluation
ou du management. Des auteurs sérieux, porteurs, sur le fond, de la démarche de
« management par la qualité ».
Compte-tenu des nombreux ouvrages déjà parus, qu’apporte ce nouveau
livre ?
Sur le fond, rien de fondamentalement nouveau, sinon, à partir d’une
vision très optimiste, très militante, une construction complète d’une vision
installée, avec la déclinaison d’une démarche et des outils qui vont avec. La
présentation historique est parfaite, les définitions, les supports, l’esprit
général d’une démarche, ses étapes et son management, tout est expliqué,
présenté clairement, transposable. Chacun peut critiquer tel ou tel détail,
mais la construction globale est irréprochable.
Et pourtant, un malaise m’a saisi progressivement… Ce livre,
vraisemblablement écrit au printemps 2009, ne prend absolument pas en compte
les recommandations nettes proposées par l’ANESM en juillet 2009. Il propose
deux héritages pour les démarches d’évaluation (l’héritage issu des démarches
qualité et celui issu de l’évaluation des politiques publiques), mais très
vite, il s’ancre sur une phrase issue des travaux de la DGAS de 2004 (« on ne peut imaginer d’évaluation
sans référence à un standard auquel on peut se comparer »), justifiant
le centre des apports (le sempiternel modèle par construction d’un référentiel,
sur lesquels les auteurs ont établi leur pratique). Le problème, c’est qu’ils
ne se réfèrent pas aussi nettement aux travaux postérieurs à 2004, qui ont mis
en cause cette approche par comparaison à des standards. Par exemple :
> Un travail préalable et nécessaire sur les caractéristiques,
besoins de la population d’un établissement et les objectifs ciblés qu’il
permet de formuler est totalement ignoré.
> L’approche centrée sur les effets et impacts (l’efficience) des
actions est également totalement ignorée. La construction d’un référentiel
qualité, l’approche par la qualité y sont privilégiées.
Ainsi, il
me semble que cet ouvrage est un bon exemple des efforts que vont continuer à
déployer, dans les années à venir, de nombreux experts de démarches qualité
déjà rôdées (parce que c’est leur produit majeur, avec, dans le cas présent,
toute la batterie de référentiels, d’indicateurs, de cotations, de tableaux
récapitulatifs,…). Il s’agira pour eux de pousser une vision, de privilégier leurs
outils, en ignorant, parfois même en transformant les orientations des pouvoirs
publics et de l’ANESM sur le thème de l’évaluation. Je n’ai pas de doute,
compte tenu de leur qualité, sur l’évolution des auteurs vers une pratique plus
conforme, à terme, à ces orientations. Mais je crains que leur propos ne serve
la pratique et les arguments très prévisibles d’autres experts, notamment à
l’occasion des évaluations externes : contrairement à l’esprit et à la
lettre du décret de mai 2007, ces derniers arriveront dans les structures avec
un référentiel unique (leur produit phare, parfois même un produit peu adapté,
au langage abscons), qu’ils appliqueront au mépris de toute spécificité des
structures.
Daniel GACOIN
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