Un projet global, en période de
crise…
Le 14 octobre,
le Conseil des ministres a adopté le Projet de Loi de Financement de la
Sécurité Sociale (PLFSS) qui comme tous les ans depuis 1995, permettra au
Parlement de valider, après son enrichissement puis son vote, les prévisions de dépenses et leur financement pour notre Sécurité sociale dans 4 branches
(maladie, vieillesse, accidents du travail-maladies professionnelles, famille).
L’affaire est importante même si l’ensemble des comptes de la Protection
sociale n’y est pas examiné (notamment la part de la Protection sociale gérée
par l’État et par les collectivités locales et la part gérée par l’ancienne
UNEDIC, devenue Pôle Emploi, depuis sa fusion avec l’ANPE).
… et une traduction concrète, pour
l’ensemble de la « Sécu » …
> Des efforts de réduction des dépenses
(plan d’économies par de « nouveaux instruments de maîtrise
médicalisée », baisse de tarifs de spécialistes et de produits de santé,
modification des taux de remboursement de médicaments au « service médical
rendu faible » avec mise en place de 4 taux de remboursement,…).
Est
acceptée d’abord l’idée d’un déficit important de plus de 10 % du budget du
régime général (appréciation approximative, le dossier communiqué par le
Gouvernement ne permettant pas d’avoir tous les chiffres, ne prenant pas en
compte l’ensemble des régimes obligatoires de base). Ce déficit est énorme…
Est-ce acceptable sans un plan d’engagement dès aujourd’hui, non seulement de
retour à l’équilibre, mais de gestion de la dette cumulée (or le PLFSS
n’annonce aucune mesure dans ce sens) ?
Le
Gouvernement annonce ensuite qu’il taxera davantage les revenus du capital (CSG
pour les cessions de valeurs mobilières, « forfait social » sur les
revenus annexes, etc.). A mon sens, il ne va pas au bout de cette logique,
préservant une faible contribution de la taxation des revenus du capital au
budget de la Sécurité sociale… Certes, une telle taxation contribuerait à
éloigner la Sécurité sociale de son fondement originel (une assurance sociale
liant des cotisants / bénéficiaires), et pourrait également limiter une reprise
économique... Mais des réalités choquent : ainsi la contribution de
remboursement de la dette sociale (CRDS), ponction sur l’ensemble des revenus,
est considérée comme un impôt et entre ainsi
dans le calcul du « bouclier fiscal » (pas de versement au fisc d’impôts
directs et de contributions sociales, dont la CSG et CRDS, de plus de 50% de
ses revenus), certains hauts revenus se voyant de fait exonérés de CRDS. Nous
verrons si le Gouvernement est en capacité de repenser la question et d’aller
au bout de la logique annoncée en intégrant le dernier rapport parlementaire (cliquer ici pour le télécharger)
sur la question, du président UMP de la
commission des Lois de l'Assemblée nationale,
Jean-Luc Warsmann, qui parmi 52 propositions, conseille un retrait de la CRDS
dans le calcul du « bouclier
fiscal ».
Mais surtout, ce budget n’est précédé d’aucune
approche évaluative : des chiffres nous sont certes donnés, notamment la satisfaction
d’une contraction des dépenses d’Assurance Maladie pendant les 2 dernières
années (je serais plus prudent que le Gouvernement et attendrais les chiffres
définitifs après le début de l’hiver et de la possible pandémie de grippe A),
mais je constate que ce budget 2010 est présenté :
- sans rapport de la Mission d’évaluation et de
contrôle des lois de financement
de la sécurité sociale (M.E.C.S.S.), pourtant
prévue par la loi,
- sans
prise en compte apparente du dernier rapport de la Cour des comptes (cliquer ici par le télécharger) paru il y
a 15 jours, et qui donne de nombreuses indications dont un vrai point d’alerte
sur le déficit engagé et cumulé de la « Sécu ».
La partie apparemment positive du
PLFSS concernant le secteur médico-social...
J’ai
évidemment été intéressé par la partie du PLFSS qui concerne le secteur
médico-social financé par l’assurance maladie (établissements et services pour
personnes âgées ou handicapées). Les prévisions sont intéressantes : alors
que l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) est de + 3 % en
2010 (+ 3,4 % en 2009), il est prévu pour le secteur médico-social une forte
hausse de moyens : + 5,8 % (contre + 2,8 % pour l’hospitalier et le
sanitaire).
> 550
millions d’euros de financement supplémentaire sont prévus en faveur des
personnes âgées : déploiement du plan
Alzheimer, création de places d'accueil et d'hébergement, accélération de la
médicalisation des maisons de retraite et renforcement des moyens en personnels
sont annoncés. La traduction chiffrée : 140 unités d'hébergement
renforcées (UHR) accueillant nuit et jour les résidents ayant des troubles
sévères du comportement, 600 pôles d'activité et de soins Alzheimer
(PASA : fonctionnant en journée pour des personnes ayant des troubles du
comportement modérés), 170 équipes mobiles pluridisciplinaires (500 à l'horizon
2012) dans le cadre de la politique de maintien à domicile, 6 000 places de
services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), 7 500 places nouvelles en
maisons de retraite, 2 125 places d'accueil de jour et 2 215 places
d'hébergement temporaire pour aider notamment les proches de personnes
atteintes d'Alzheimer, 5 000 emplois soignants dans le cadre du financement de
la médicalisation renforcée de 80 000 places en Ehpad avec 100 millions d'euros
d'aides à l'investissement engagés dans cette optique
> 360 millions d'euros sont également
mobilisés pour la création de 5 500 places en faveur d’enfants ou adultes
handicapées (il faut se rappeler la promesse du Président de créer 50 000
places, 38 000 pour adultes et 12 000 pour enfants, de 2008 à 2015) avec :
15 nouveaux centres d'action médico-sociale précoce (CAMSP), 12 centres médico-psycho-pédagogiques
(CMPP), 1 000 places de services d'éducation spéciale et de soins à domicile
(SESSAD), 300 nouvelles places en IME et en SESSAD pour des enfants autistes,
140 places en SESSAD pour des enfants déficients visuels, 100 places en IME et IMPRO pour des enfants polyhandicapés et 150
places pour des enfants déficients intellectuels.
…
mais les questions non travaillées
2 thématiques semblent oubliées dans la
communication gouvernementale :
- la prise en compte des recommandations de
la Cour des comptes. Son rapport sur la Sécurité sociale publié en septembre
2009 fait en effet apparaître une étrangeté qui interroge… L’objectif général
des dépenses (l'OGD, comprenant l’Objectif National des Dépenses d'Assurance Maladie, l’ONDAM, et l’apport financier de la Caisse nationale de Solidarité
pour l’Autonomie, la CNSA) n’a pas été totalement respecté en 2008 avec 539
millions d’euros dépensés en moins, par rapport aux programmes envisagés, pour
les personnes âgées et 30 millions dépensés en plus pour les personnes
handicapées. En clair, 509 millions n’ont pas été utilisés, constituant ensuite
une réserve qui sera gérée sans programme formalisé par la CNSA !! Pour le
secteur personnes âgées, ces sommes non utilisées en 2008 correspondent à
l’augmentation des moyens pour 2010 (tiens, tiens…) !! On aimerait une
véritable clarté : notamment pour la gestion des réserves par la CNSA), pour
le respect des programmes, pour l’arrêt des politiques trop exclusivement
restrictives et les sommes non utilisées à la sortie, etc.
Daniel GACOIN
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