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Une réforme majeure…
J’évoquais dans un billet de ce blog en août 2008 la mise en place de la réforme des tutelles
(loi du 5 mars 2007) : elle concerne les mesures de protection pour
personnes handicapées ou âgées en situation de perte de capacité, ayant besoin
d’être soutenues dans la bonne gestion de leurs biens ou
- La sortie
du statut « d’incapable majeur » au profit de celui de « personne vulnérable » ayant des droits : mise sous tutelle
(perte des droits civils) ou curatelle (conseil et contrôle par curateur)
réservée à l’altération des facultés constatée par certificat médical,
suppression de mesures de tutelle ou de curatelle liées à des motifs de «
prodigalité, intempérance ou oisiveté », durée limitée des mesures (avec
modalités de renouvellement, non automatique), la personne systématiquement
entendue par le magistrat.
- La diminution
du nombre (et du coût) des mesures (tutelle et curatelle) : personnes en
exclusion sociale soutenues par une mesure d'accompagnement social personnalisé
(MASP) avec aide à la gestion des revenus sous forme de contrat passé avec le
Conseil général, passage à une mesure d'assistance judiciaire (MAJ) en cas
d'échec, sous le contrôle d'un juge.
- La création d’un
« mandat de protection future » : prévoir son éventuelle protection
future, en désignant à l’avance la personne chargée de veiller sur ses intérêts
et sa personne en cas de besoin, prévision ouverte aux parents d’un enfant
handicapé pouvant ainsi organiser sa prise en charge après leur mort ou
lorsqu’ils deviendraient eux-mêmes incapables (application dès que l’altération
des capacités est médicalement constatée, sans qu’un juge n’ait à intervenir).
- Le développement
du nombre de tutelles assurées par les familles plutôt que par des organismes,
- La poursuite de
l’encadrement et la qualité de travail dans les services de tutelles :
formation obligatoire des délégués, comptes-rendus plus effectifs et annuels,
prédominance de la protection de la personne sur la protection de ses biens,
association de la personne à la gestion de sa vie et de sa protection.
… rapidement engagée par les
organismes concernés
La loi du 5 mars 2007 qui s’applique à partir du 1er
janvier 2009, s’est appuyée pour les services des tutelles gérés par des
organismes (associations) sur le fait que ces organismes deviennent
organisations sociales et médico-sociales (champ de la loi de 2002 rénovant
l'action sociale et médico-sociale). La conséquence concrète : avant 2011
(délai décalé à 2012) ces organismes devaient déposer une demande
d’autorisation de fonctionner selon la procédure en vigueur : dépôt d’un
dossier en CROSMS, avis favorable du CROSMS, arrêté d’autorisation du préfet.
Très rapidement, de nombreux organismes ont travaillé d’arrache pied
pour construire le complexe dossier CROSMS et obtenir leur autorisation. Cette
rapidité a été d’autant plus importante qu’une part de ces organismes voyaient
bien que les CROSMS allaient être supprimés avec la loi HPST qui a été adoptée
le 21 juillet 2009, et qu’après cette suppression, l’arrivée des procédure
d’appels d’offre laissait places à de nombreuses inconnues.
Bref une part importante a mobilisé ses équipes, construit des
dossiers, bousculé ses pratiques, organisé de nouvelles manières de
fonctionner, en attendant l’examen de leur dossier, tout étant a priori prêts
pour le passage en CROSMS cet automne (ou au plus tard au printemps 2010 lors
des dernières séances des CROSMS, disparaissant en juin 2010)
… pour aboutir à une situation
ubuesque
Et puis, la situation se renverse : le directeur de la Direction Générale des Affaires Sociales (DGAS) a publié en août 2009 un courrier au préfets régionaux :
- Pour qu’un avis des CROSMS soit possible, qu’un
arrêté préfectoral de création soit publié par le Préfet Régional, il faut
qu’ils s’appuient sur un critère légal : la compatibilité du projet de
création (ou de renouvellement de l’autorisation) sur les objectifs et les
besoins fixés par le schéma régional. Et pour le DGAS, il ne saurait être
dérogé à cette règle… Ainsi, certaines DDASS peuvent être fondé à refuser des
dossiers ou à demander aux organismes de retirer leur dossier. Le DGAS
recommande en effet aux DDASS d'inviter les mandataires qui souhaiteraient être
autorisés ou agréés à reporter le dépôt de leur dossier. Les demandes qui
seraient néanmoins déposées « devront
être instruites au fur et à mesure de leur dépôt, mais aucune réponse ne devra
être donnée tant que le schéma n'est pas finalisé ».
- Paradoxalement, il n’existait pas de schéma
régional des activités de tutelle avant 2009 et c’est la loi du 21 juillet 2009
(loi Hôpital Patients Santé Territoire) qui crée cette obligation. Le DGAS a
donc, dans son courrier d’août, demandé au préfet de produire en urgence, dans
les 6 mois qui viennent (soit au plus tard avant fin janvier 2009).
La conclusion et la situation folle qui apparaît :
- Les services de tutelle ont en grande partie
présenté un dossier complet pour qu’il soit examiné fin 2009 ou début 2010 par
les CROSMS avant la dissolution de ces comités, afin notamment de ne pas
présenter des dossiers dans le cadre d’appels à projet,
- Les autorités vont devoir refuser toute
autorisation tant qu’un schéma régional n’est pas publié,
- Aucune préfecture régionale ne s’est encore engagée
dans la construction de ces schémas, elles vont devoir le faire en urgence,
alors qu’elles ont en parallèle à gérer la création des ARS, la gestion du
passage des personnels DDASS/DRASS dans les ARS, etc.,
- Tout est fait pour que les schémas ne soient pas
réalisés en janvier, et que légalement, aucune autorisation ne puisse être
délivrée, après avis des CROSMS en 2010,
- Les organismes devront alors entrer dans un
processus nouveau (appel d’offres) pour de simples raisons de retard des
administrations publiques dans leurs obligations.
Une petite consolation : le DGAS rappelle que « la règlementation actuelle relative à
la procédure d’autorisation continue à s'appliquer à tous les projets qui
seront déposés avant le 1er juillet 2010, date de mise en place des
commissions d'appel à projet prévues par la loi "HPST" du 21 juillet
2009. Les dernières « fenêtres » de dépôt de projets pourront avoir
pour date limite le 30 juin 2010. Les demandes peuvent ainsi être examinées par
le CROSMS (prolongation des mandats de ses membres prévue par la loi) au cours
du deuxième semestre 2010 (décision expresse ou implicite du préfet de
département dans un délai de 6 mois suivant la date de fermeture de la fenêtre
au cours de laquelle la demande a été déposée) ». Ainsi, le DGAS
semble officialiser un nouveau rapport des dates butoirs pour les dossiers
CROSMS (juin 2010 et non décembre 2009 comme indiqué dans une instruction de
février 2009).
Quelques conseils aux organismes
- Surtout ne retirez pas les dossiers que vous avez déposés cette année,
- Exigez des DDASS/DRASS qu’ils maintiennent le
passage de votre dossier en CROSMS,
- Participez rapidement à toutes les concertations
possibles pour des schémas régionaux en faisant valoir la nécessité de services
collectifs de qualité, et en n’acceptant pas une course en avant vers des
tuteurs familiaux ou privés indépendants,
- Demandez au préfet de prononcer des autorisations
provisoires, dans l’attente du schéma régional,
- Soyez très attentif aux agréments qui seraient
prononcés, en parallèle, à des mandataires personnes physiques (à titre
individuel), afin d’être sûrs qu’ils soient conformes à la réglementation
(compétences, inscription dans les objectifs du schéma régional). En effet, le
texte de la DGAS introduit, mais c’est aussi la loi du 5 mars qui le permet), des
formules différentes entre les organismes (un régime d’autorisation), les
mandataires personnes physiques (un régime d’agrément) et les agents des
établissements préposés à des mesures judiciaires de protection des majeurs
(régime de déclaration). Pour les préfets, il risque d’y avoir de nombreuses
confusions. En outre, n’hésitez pas à rappeler aux préfets la limitation nécessaire
du nombre des préposés des établissements aux MJPM : une possibilité créée
par les loi qui n’est pas éthiquement acceptable (des établissements qui
deviennent juge et partie)…
Daniel
GACOIN
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