Un pas
décisif…
Après le vote de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux
patients, à la santé et aux territoires dite loi HPST (Hôpital Patients Santé Territoires) présentée par Madame Bachelot-Narquin au Parlement, la réforme proprement dite entre dans sa phase décisive de mise en œuvre avec la nomination des 26 directeurs « préfigurateurs » des Agences Régionales de Santé, les ARS.
On le
sait maintenant, les agences seront les nouvelles autorités responsables du
pilotage et de la régulation du système de santé au niveau régional, que ce
soit à l'hôpital, en ville ou dans les établissements pour personnes âgées et
handicapées. Pour ces derniers, dénommés établissements et services médico-sociaux,
cela signifie :
- Formalisation d’un
schéma régional de l’offre en établissements et services pour personnes
handicapées et âgées, financés par l’assurance maladie, au regard des besoins
sur le territoire de référence, la région,
- Articulation de ce
schéma avec les programmes nationaux chargés de développer des financements
pour des places nouvelles, via la Caisse Nationale de Solidarité pour
l’Autonomie, la CNSA, dans le cadre de processus dénommés PRIAC,
- Organisation,
management, mise en ordre de marche, gestion d’une administration
(essentiellement des agents issus des DDASS et DRASS) permettant le contrôle et
la fixation des budgets annuels des établissements (éventuellement dans le
cadre de Contrat Pluri-annuels d’Objectifs et de Moyens, les CPOM),
- Développement de la procédure
d’appel d’offres pour la création des places ou établissements nouveaux, après
la fin annoncée des Comités régionaux de l’Organisation Sociale et
Médico-Sociale, les CROSMS (à composition pluraliste), qui seront dissous
courant 2010.
Par cette mission, nouvelle et innovante pour les uns, inquiétante
pour les autres, un interlocuteur unique par région va piloter, réguler les
professions de santé (et notamment la planification des formations), la
médecine ambulatoire, les structures hospitalières, publiques ou privées, le
médico-social (personnes handicapées, personnes âgées), la prévention et la
promotion de la santé, la veille et la sécurité sanitaires : une responsabilité
immense à terme, dans chaque région de France.
… à travers des nominations qui
comportent des surprises
Les 26 « préfigurateurs »
nommés ce matin en Conseil des ministres comportent des noms attendus et
médiatiques : celui de Claude Evin
pour l’ARS d’Ile-de-France par exemple. Mais il existe des surprises
importantes… des personnes pressenties qui ont disparu… des noms surprises.
Rappelons d’abord ce qui avait été annoncé au départ :
- Un appel à candidatures ouvert : 944 candidats,
puis une pré-sélection sur dossier, l’avis d’un cabinet de recrutement sur les
compétences pour 208 candidats pré-sélectionnés, 84 candidats auditionnés, une
sélection finale.
- L’idée de recruter à la fin du processus un tiers
de directeurs venant des administrations (dont des DDASS), un tiers de
directeurs venant des anciennes Agences Régionales d’Hospitalisation (ARH), un
tiers de directeurs venant de la
société civile ou d’organismes de sécurité sociale.
Des noms avaient circulé : C. Evin
(ex-ministre socialiste de la Santé) en Ile-de-France, D. Deroubaix (actuel directeur de l’ARH
Nord Pas de Calais) pour la région PACA, P. Calmette
(actuel DG de la FEGAPEI) en Bretagne. Seul ce dernier ne fait pas partie des
personnes nommées finalement, il reste donc à la FEGAPEI, fortement engagée
dans des négociations sur la refonte, difficile, de la convention collective
dite convention 66.
Les 26 candidats retenus sortent un peu du schéma et des prévisions
initiales :
- 50 % viennent des DDASS, préfectures ou autres
administrations. Parmi eux, notons quelques noms connus dans le secteur
médico-social : la très jeune Cécile Courrèges
(34 ans !) venant de l’IGAS et engagée dans le projet ARS au ministère des
affaires sociales, nommée à l’ARS de Bourgogne, Michel Laforcade, actuel DDASS du Périgord, très impliqué dans les questions de
qualité et d’évaluation dans le secteur médico-social (voir son livre « Penser
la qualité dans les institutions sociales
et médico-sociales » chez Seli Arlan, qui en est à sa 3ème
édition) nommé à l’ARS du Limousin, Christian URSULET, DDASS de
Martinique qui reste en Martinique mais maintenant à la tête de l’ARS. On
trouve également des préfets, des responsables d’administration au ministère
des Affaires sociales ou de la Santé etc.
- 27 % sont actuellement directeurs d’Agences
Régionales d’Hospitalisation : D. DEROUBAIX passe du Nord-Pas-de-Calais à
la région PACA, F. DUMUIS (Auvergne) et J-Y GRALL (Lorraine) restant dans leur
région, d’autres DARH changent de région. Ainsi, Jean-Christophe PAILLE (j’ai
apprécié il y a peu ses qualités humaines) qui passe de l’ARH Pays de Loire à
l’ARS Champagne-Ardennes.
- 23 % ont exercé des responsabilités dans un
organisme de sécurité sociale : CPAM, MSA, etc.
- 15 % viennent d’autres structures, voire du
privé : c’est le cas bien sûr de Claude EVIN (président de la Fédération
Hospitalière de France), mais également de Xavier CHASTEL (venant d’une
entreprise sidérurgique, mais qui a été membre du cabinet de Martine Aubry au Ministère de l’Emploi et de la
Solidarité), de Daniel LENOIR (venant de la Mutualité Française), et de Chantal
de SINGLY (Directrice de l’Institut du Management à
l’École des Hautes Études de Santé Publique, ancienne directrice de l’Hôpital
Saint-Antoine à Paris), etc.
Un vœu…
A l’heure de l’événement du management stratégique par des
« super plans », certes établis sur des chiffres probants, mais aussi
parfois instrumentalisés, à l’heure des restructurations assénées, reformulées
parfois, annulées puis transformées éventuellement à la dernière minute, je
formule le vœu suivant : que les futurs ARS ne jouent pas au Meccano
car, derrière les chiffres et les institutions, il y a des hommes et des
femmes : ceux qui sont accompagnés et ceux qui les accompagnent.
… et sa déclinaison
Dans ce cadre, 5 petites pistes méritent d’être gardées en mémoire
pour le médico-social :
- Il est nécessaire de partir d’un travail sérieux d’évaluation des besoins, tant qualitatifs que quantitatifs, avant tout arbitrage. Si tout n’est pas possible en effet, si des choix sont à faire certes, cela n’est envisageable qu’à partir des réalités, d’une appréciation réelle de besoins, sans tour de passe-passe ou données tronquées.
- Il est important de développer un travail d’écoute
des innovations, des propositions, des perspectives réfléchies sur le
terrain : ceci suppose que les instances (Conférences régionales, Commissions
de coordination, Conférences de territoire) prévues par les textes soient des
lieux de réelle réflexion et que les administrations des ARS ne fassent pas
barrage aux projets possibles, mais organisent une véritable instruction, non
une sélection, et que cette instruction soit lue par le directeur de l’ARS.
- Pensons également à la mise en place de commissions
d’appels d’offres dignes de ce nom : égalité de traitement (non des dés
pipés en amont), sélection sur des critères de coût certes, mais également de
compétences et de qualité.
- Avançons vers une contractualisation effective entre établissements (ou groupes d’établissements) et l’ARS dans le cadre des CPOM, après un travail sérieux de diagnostic, formalisation qualitative, chiffrage, engagement, et non après un simple énoncé d’injonctions par l’ARS. Pour avoir eu l’occasion récemment, notamment avec la DDASS de l’Ardèche, de monter un dossier rigoureux et riche de contenus pour un groupe de 6 services, je crois pouvoir affirmer qu’un partenariat est possible dans cette approche. Espérons que les ARS se situent dans cette perspective.
- Enfin, le management stratégique (voir les problèmes actuels dans des entreprises comme France Télécom ou dans des administrations) ne peut se concevoir qu’en sortant de la première sacro-sainte règle édictée par la facheuse doctrine du New Public Management : celle de la stricte séparation du management stratégique et du management opérationnel. Rappelons-nous les leçons de Louis Gallois, quand il était à la SNCF : modestie, faible train de vie, temps de présence de terrain et parfois limitation des échelons intermédiaires qui font écran, dialogue y compris avec des personnes réticentes ou opposées, implication et connaissance des réalités de terrain comme base de l’intelligence stratégique.
Daniel GACOIN
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