Un article récent dans les ASH…
Un article récent d’un consultant que j’apprécie, Laurent Barbe, psychosociologue (auteur du très intéressant Une autre place pour les usagers ?, de 2006, aux Éditions La Découverte), est paru dans les Actualités Sociales Hebdomadaires (ASH) du 11 septembre 2009. Il s’intitulait « Évaluation : faire le pari de l’intelligence ».
… qui prolonge mes derniers
apports dans ce même blog, en août 2009
L’article est fort intéressant : il est parti du constat que j’évoquais le 22 août 2009 dans plusieurs textes et que je vous propose de relire :
- > notamment un premier billet sur les longues
hésitations des pouvoirs publics sur les fondements de l’évaluation (entre
examen de la conformité à des standards ou référentiels, prôné par les « qualiticiens »,
et l’examen de l'efficience ou atteinte des effets/impacts des actions, prôné par les « évaluationnistes »),
- -
mais aussi un deuxième billet sur la récente
victoire du clan des « évaluationnistes » (peut-être
une victoire à la Pyrrhus disais-je…) consacrée par les dernières
recommandations de bonnes pratiques pour l’évaluation interne, publiées par
l’ANESM fin juillet 2009.
Laurent Barbe propose une critique relativement sévère de l’une ou l’autre des approches, en tous les cas de leurs possibles dérives, et prône une troisième voie : celle de l’abord de « la complexité des questions mises en jeu », misant sur « les processus de travail et l'intelligence des parties prenantes de l'action pour enclencher des dynamiques positives ». « Ce pari de l’intelligence » n’est pas un « pari stupide » selon lui…
Bravo tout d’abord Laurent, pour cet article, et merci d’avoir fait
référence à mes analyses.
Je m’étais en effet permis en août d’analyser une réalité, celle de
deux visions de l’évaluation, rattachées à deux catégories d’experts qui
s’opposent farouchement depuis 7 ou 8 ans pour le monopole de la vision
(c’est-à-dire du marché) de l’évaluation des établissements et services sociaux
et médico-sociaux. Mon analyse, nouvelle, sur cette guerre d’influence n’avait pas été développée jusqu’ici. Si donc, je l’ai initiée,
le classement
des experts que j'ai avancé utilise les termes
« évaluationniste » et « qualiticien », que j’ai mis
en avant pour les différencier et qui ne sont pas de moi : le terme « qualiticien » correspond à
un métier (bénéficiant de formations certifiées) maintenant connu, le terme « évaluationniste » a lui été
initié par J-A. Miller (dans un entretien avec E. Favereau : « Se replier serait mortel pour la
psychanalyse », paru dans Libération les 19-20 février 2008).
… et une position
Je comprends, j’épouse, une partie des remarques de Laurent Barbe sur
les dérives des deux écoles.
Mais il ne me semble pas juste (une question de vocabulaire, puisque
sur le plan des idées, je suis d’accord avec lui) de parler de troisième voie.
Il me semble au contraire que la réalité à promouvoir serait celle-ci :
non une troisième voie avec refus des deux précédentes (une sorte de règle du « ni-ni mais ailleurs »), mais
une approche reliant les deux (ce serait une règle du « et-et avec une sélection »), dans leurs aspects positifs
uniquement, avec discernement.
Car après tout, j’apprécie que l’évaluation sociale et médico-sociale traite de certaines questions sous l’angle de l’effectivité des pratiques, mais également que l’évaluation sociale et médico-sociale puisse traiter de certaines autres questions sous l’angle de l’efficience des activités et des pratiques. Donc je préfère parler d’utilisation ciblée de l’une et de l’autre. Par ailleurs, il me semble peu judicieux de prôner une (3ème) voie qui se situerait en dehors des recommandations de l'ANESM, même si elles sont « évaluationnistes ».
Par contre, j’affirme comme Laurent Barbe l’idée d’une construction
stratégique avec des contenus limités (on remplacerait la pléthore des
indicateurs et le mythe de l’exhaustivité par le choix de priorités), sans « usines à gaz » (se limiter à
50 processus clés dans l’une ou l’autre des approches). Attention aux idées
reçues néanmoins, cette approche fait bien partie de la dernière recommandation
de l’ANESM, pourtant « évaluationniste » !
L’objet de l’évaluation sociale et médico-sociale serait ainsi de
permettre à chacun de participer à une production de connaissances et d’axes de
progrès, sans entrer dans une demande individuelle de démonstration de sa
conformité ou de sa performance et en s’impliquant dans le développement d’une
intelligence collective (c’est aussi un contenu de la recommandation de
l’ANESM…).
Tout un programme, plus facile à énoncer qu’à réaliser, mais j’espère,
comme Laurent Barbe, chercher et contribuer à le faire…
Daniel GACOIN
Bel article encore une fois et position médiane, donc intéressante et constructive.
Un détour par la Grande Bretagne, pays oû l'évaluation est "culturelle", quotidienne et entrée dans les moeurs, montre que le débat entre qualiticiens et évaluationnistes existe quand même toujours. Le problème est tout aussi aigü : que faire des évaluations systématiques ? Avec ce constat qu'il est devenu impossible de "dépouiller" et de tenir compte de toutes les évaluations, et que finalement trop d'informations ne rend plus possible leur traitement et les vide de sens...
Pour tout ce qui concerne la protection de l'enfance ou les questions de jeunesse, le site du Youth Justice Board est très éclairant de ce point de vue (http://www.yjb.gov.uk/en-gb)
Rédigé par : Pierre FERRERI | 23 septembre 2009 à 11:21
Bonjour,
Je lis souvent avec intérêt vos billets et pour faire suite à ceux qui portent sur l'évaluation, j'aurais voulu vous faire part d'un article que je viens de faire sur la question, histoire d'entamer un dialogue. J'en mets juste un extrait ci-dessous mais où puisse vous l'envoyer sous un format plus agréable à lire ?
Cordialement
Anne Dusart
L’évaluation interne de la qualité :
un véritable espace de réflexion ?
par Anne DUSART, conseillère technique du CREAI de Bourgogne
Depuis une douzaine d’années, j‘accompagne des structures dans l’évaluation de la qualité des interventions qu’elles offrent aux personnes handicapées ou en difficulté sociale. Cet accompagnement consiste à fournir une aide méthodologique et technique aux équipes conduisant leur évaluation interne .
Bien que l’évaluation dispose d’atouts dans le secteur social et médico-social, les dispositions légales initiales et de récentes évolutions sur cette question me conduisent à douter qu’elle prenne le meilleur chemin qui soit. Réflexion que cet article se propose de faire partager en ces temps « d’évaluationnite » aiguë, ici et ailleurs...
Rédigé par : anne dusart | 28 septembre 2009 à 17:07