.
Le ministère de la Santé montre depuis quelques semaines une activité soutenue autour de la pandémie de grippe A liée au virus H1N1, envisagée à l’automne prochain. La communication développée : « Nous sommes sur le pont ! Demain, le monde de la santé devra être mobilisé pour faire face à cette pandémie ! » (les adjectifs « importante » ou « exceptionnelle » repris dans certains articles de presse sont inutiles, une pandémie étant précisément « une épidémie touchant une part exceptionnellement importante de la population et sur une large zone géographique »). Pour le ministère, il est maintenant question de passer en septembre d’un niveau d’alerte 5 A à un niveau 6 (voir tableau ci-contre et plus globalement le site gouvernemental sur le thème).
Dans cette mobilisation, les établissements et services sociaux et médico-sociaux devront prendre leur part, et cela dans 3 directions :
- Limiter la transmission du virus : application de consignes (isolement des malades, lavage des mains, entretien et aération des locaux, élimination régulière des déchets, port de 2 types de masques chirurgicaux, etc.),
- Assurer la continuité du service : notamment en période de fort absentéisme du personnel, du fait de la maladie,
- Être éventuellement réquisitionné, pour certains, afin d’accueillir du public en cas de pandémie : soutien des personnes fragiles, prise en charge éventuelle d’enfants isolés pour des cas de familles monoparentales où le parent est malade, d’enfants dont l’aidant familial et la famille sont indisponibles, soutien ou prise en charge de personnes dépendantes non malades (mais avec un entourage malade et indisponible).
Néanmoins, il convient de revenir à une certaine raison devant la sur-médiatisation de l’évènement … Tout est, en effet, construit autour d’une dramatisation : l’arrivée d’un « virus très virulent et très contagieux », le virus H1N1 associé au terme grippe porcine afin de faire un parallèle abusif avec le précédent risque d’épidémie de 2004 concernant le virus H5N1, associé au terme de grippe aviaire. Or, le virus H5N1 avait la particularité d’être un virus très virulent, mais très rarement transmissible de l’animal à l’homme. Pour le virus H1N1, c’est tout le contraire : peu virulent (un taux de mortalité de 0,1 à 0,4 % alors qu’il est de 0,3 % dans le cas de la grippe saisonnière annuelle), mais très rapidement transmissible de l’homme à l’homme. Ne faisons pas de cette future pandémie le signe d’une invasion énorme d’un virus étrange et particulièrement dangereux, il s’agira d’une grippe, ni plus ni moins.
Sa seule particularité sera sa transmission plus rapide que d’autres : devant une polémique récente avec Bernard Debré, la ministre, Madame Bachelot-Niarquin en a d’ailleurs convenu évoquant « un virus, certes peu sévère pour l'instant, mais doté d'une très forte capacité de contamination liée, en particulier, au fait qu'il touche des populations qui ne l'ont jamais rencontré ». La prévision de 30 % de la population touchée est avancée, certes, mais reste aléatoire. La sur-médiatisation sert essentiellement à nourrir une embellie commerciale pour certains laboratoires.
En fait, le risque économique est bien supérieur au risque sanitaire, ainsi que l’évoquait le 21 juillet dans Libération l’économiste Pierre-Yves Geoffard, rappelant :
- le coût direct : nombre de consultations, traitements, etc.,
- le coût indirect : pertes de productivité dues aux arrêts de travail, pertes de bien-être entraînées par la souffrance endurée par les personnes contaminées,
- le coût des excès de prudence : des parents inquiets garderont leurs enfants à la maison, des crèches refuseront des enfants avec une simple rhinopharyngite, certaines écoles où des cas auront été détectés fermeront leurs portes, des entreprises choisiront d’activer leur « plan de continuation de l’activité » en demandant à leurs salariés de travailler à distance depuis leur domicile, de nombreux déplacements touristiques ou professionnels seront annulés ou reportés, les transports en commun seront désertés, au profit des véhicules privés, des concerts, des expositions, seront désaffectés, des restaurants désertés…
Bref, nous est-il indiqué, plus que le virus H1N1 ou la pandémie, ce sont des réactions individuelles, peu coordonnées, les comportements engendrés par la panique qui risquent bien de « gripper » profondément la marche de l’économie et d’affecter l’activité productive, de perturber le fonctionnement des sociétés.
Dans les établissements sociaux et médico-sociaux, c’est une raison de plus pour éviter de communiquer n’importe comment, pour expliquer la réalité (y compris aujourd’hui avec les résidents) et appliquer avec mesure, sans panique, les mesures qui s’imposent dans les 3 directions prévues : limitation de la transmission, continuité du service, réquisition éventuelle …
Les commentaires récents