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La réforme des collectivités locales …
Le président de la République vient de relancer l’idée de réformer avec ambition les collectivités locales. Le rapport de la commission Balladur, publié début 2009 redevient ainsi une base de travail sérieuse.
… sur une problématique identifiée …
Les données du casse-tête sont largement connues :
- Des finances locales (20 % de l’ensemble de la dépense publique), ayant crû plus vite que la richesse nationale au cours des 20 dernières années, notamment du fait des transferts de compétences par l’Etat, les ressources propres des collectivités finançant de manière incomplète ces dépenses, d’autant qu’est annoncée la suppression de la taxe professionnelle.
- Des compétences des collectivités locales enchevêtrées à l’excès : à des exceptions près, aucune compétence n’est spécialisée par niveau d’administration territoriale, la plupart étant partagées entre collectivités locales ou, encore, entre celles-ci et l’État.
- Des structures d’administration territoriale trop nombreuses et trop morcelées : communes, communautés de communes, communautés d’agglomération, communautés urbaines, départements et régions.
- Des collectivités territoriales posant des problèmes particuliers : les régions d’outre-mer (même territoire pour les départements et les régions), la Corse, l’Ile de France.
… et une base de premières propositions institutionnelles
Les propositions de la Commission Balladur, qui ont fait débat, concernent :
- Une simplification s’articulant autour de deux niveaux d’administration avec des compétences distinctes. Un niveau de compétence regarderait le pilotage du développement des territoires et des activités et un autre les services à la population,
- La diminution du nombre de régions. Il s’agirait de favoriser le regroupement des régions, sur une base volontaire.
- Sans suppression des conseils généraux, l’incitation à des regroupements volontaires de ces derniers comme pour les régions. À partir de 2014, Une élection de conseillers départementaux (remplaçant les conseillers généraux et régionaux) serait mise en place avec un scrutin de liste proportionnel à deux tours (d’où suppression des 4.039 cantons), les élus premiers de liste siégeant au département et à la région, les suivants siégeant uniquement au département,
- L’achèvement de l'intercommunalité. 92% des 36.600 communes françaises étant regroupées en communautés urbaines, agglomérations ou syndicats de communes, il s’agirait d’inviter, jusqu’en 2013, les communes à rejoindre une intercommunalité (« Passé ce délai, il appartiendra au préfet d'y pourvoir », ajoute le texte),
- La transformation des grandes communautés urbaines. Les 11 communautés urbaines ou d'agglomérations de plus de 400.000 habitants (Lyon, Lille, Marseille, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Nice, Strasbourg, Rouen, Toulon et Rennes) deviendraient des « métropoles », dotées de certaines compétences des villes et des départements, comme pour l'action sociale, le médico-social, les collèges ou l'environnement. Le sort de Paris serait particulier : un retour à l'ancien département de la Seine.
… avec des conséquences, notamment pour l’action sociale
La presse reprenant essentiellement les débats politico-institutionnels, il me semble important de penser à l’autre partie du rapport Balladur concernant des propositions pour de nouvelles répartitions des compétences des collectivités, prononcées avec une grande prudence.
Pour l’action sociale par exemple (36 milliards d’euros, dont près de 30 pour les départements) sont évoqués : le maintien des missions des communes et agglomérations, en charge de l’action sociale facultative (CCAS, secours, etc.), ainsi que la poursuite de l’organisation et de la réalisation de l’action sociale obligatoire (ASE, PMI, RMI-RSA, APA, Service social départemental, etc.) par les départements. Toutefois, la commission propose de possibles appels à délégation de compétences vers les agglomérations ou métropoles (l’exemple existe déjà dans la Communauté urbaine de Strasbourg en Protection de l’Enfance). La redistribution des cartes évoque ainsi pour l’action sociale : des missions renforcées pour les collectivités locales « garantes des solidarités territoriales et sociales, confortant leurs responsabilités », mais aussi des missions redistribuées entre CCAS, CIAS et communes, certaines missions des conseils généraux déléguées (par appel au volontariat) aux agglomérations (transfert de responsabilités) ou confiées sans transfert de responsabilités. Le rapport ajoute que le redécoupage ne sera complet que « si l’Etat transfère aux départements de nouvelles compétences (handicap, médecine scolaire, enfance en difficulté prise en charge par la protection judiciaire de la jeunesse, agrément et contrôle des centres de vacances) pour compléter leur bloc actuel de compétences et si les rôles sont plus clairement répartis entre les organismes de sécurité sociale et les départements dans les domaines de la politique familiale ou de la prise en charge de la dépendance des personnes âgées ». Bref, en matière d’action sociale et médico-sociale, les propositions sont tout sauf claires…
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Le rapport Balladur récemment contredit …
Intéressant dans ce contexte : un rapport sénatorial (mission Bélot) publié le 17 juin 2009 avance 85 propositions concrètes, contredisant le rapport Balladur. Il réaffirme la nécessaire responsabilité des conseils généraux en matière d’action sociale : « préserver la capacité d'initiative des différentes collectivités territoriales sur le fondement de leur intérêt territorial respectif », avec des départements ayant le rôle de « chef de file de l'action sociale ». Il propose :
- De nouveaux transferts de compétences aux conseils généraux : financement de l'allocation adulte handicapée (AAH) et des établissements et services d'aide par le travail (ESAT).
- Des contrats entre départements et autres acteurs sur les modalités d'exécution des orientations fixées par le schéma départemental médico-social,
- Une « commission de concertation réunissant des représentants des communes, des EPCI [établissements publics de coopération intercommunale], du conseil général et des caisses d'allocations familiales ».
- Une « lisibilité plus forte du rôle du département dans la prise en charge des personnes handicapées ».
… dans un contexte de croisées des chemins
Les domaines d’activités du secteur social sont très diversifiés au point qu’il est très difficile d’en fixer les frontières : petite enfance (dont PMI), enfance (placement, AEMO, etc.), soutien aux personnes âgées, RSA, insertion, action de proximité, action sociale de secteur, soutien de la vie sociale des adultes handicapés, etc. Les derniers rapports de l’ODAS, l’Observatoire National De l’Action Sociale décentralisée (voir les rapports 2007 et 2008) en donne une illustration chiffrée, tout en montrant que les budgets d’action sociale ont vécu en 2008, c’est une première, une forte limitation dans leur progression, sans lien avec des conceptions politiques claires.
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Quelles perspectives avancer ?
Il convient, me semble-t-il, d’aller à contre courant des rapports pour éviter un premier défaut (Balladur : complexification accrue alors qu’il s’agissait de simplifier), ou un deuxième (Bélot : alourdissement de compétences des Conseils généraux, États dans l’État sans lisibilité mais avec suffisance, étant à la fois décideurs de politiques, gestionnaires de structures, acteurs de terrain, contrôleurs, financeurs, etc.).
Pour ma part, je propose de retenir 3 principes pour les répartitions des compétences en action sociale et médico-sociale :
- La planification, la définition de grands programmes (actions et financements) au niveau national ou régional (État central ou déconcentré, Conseils régionaux, ARS), avec une méthodologie par organisation de grandes conférences thématiques,
- La gestion des dispositifs, la mise en œuvre des actions, la primo-analyse des besoins, la mise en pratique des programmes au niveau des départements, communes, établissements publics, etc.
- Entre ces deux niveaux, des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens mettant les Conseils généraux et toute collectivité gestionnaire en obligation contractuelle, en obligation de conduite de projets soumis à arbitrage externe, en obligation d’une véritable mobilisation des ressources humaines, en obligation d’objectifs qualité évalués par des opérateurs externes.
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