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Plusieurs personnes m’ont interpellé sur mon article paru le 22 mai 2009 dans les ASH (Actualités Sociales Hebdomadaires), article se voulant équilibré et critique à l’égard des recommandations de bonnes pratiques professionnelles sur les thèmes de la bientraitance et de la maltraitance. J’y évoquais des contenus intéressants, mais m’interrogeais sur la rigueur méthodologique de leur élaboration (notamment l’appui sur une littérature autorisée et réellement analysée), sur l’intérêt de contenus « consensuels et lénifiants », sur l’inflation, dans ces recommandations, de nombreux « repères pour agir » (à raison de 40 par recommandation et de 8 à 10 recommandations par an, cela pourrait faire 4000 repères en 10 ans !!).
Les recommandations de bonnes pratiques professionnelles, dans leur présentation, par leur nombre, par leur contenu parfois, renforcent des paradoxes ressentis par les professionnels des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS) :
- elles insistent, comme l’idéologie ambiante, sur l’implication et l’initiative des acteurs de terrain, mais aussi en parallèle sur une nécessaire rationalisation des organisations et une limitation des jeux des acteurs,
- elles avancent des incantations généreuses (usagers co-acteurs) mais parallèlement ne parlent que des responsabilités des équipes des ESMS, rarement de celles des pouvoirs publics (limitant pourtant les moyens et codifiant en permanence la prévention du risque),
- elles participent à la demande faite aux agents des ESMS, réputés profiter abusivement de leur position ou d’argent public, de prouver leur efficience, la qualité et l’utilité de leur action, dans un univers ambiant de forte dilution de la responsabilité des décideurs publics, d’impuissance visible de l’État, et surtout de non-sanction des abuseurs du monde financier ou entrepreneurial.
Je préconise, pour utiliser ces recommandations avec pertinence, de :
- Ne pas prendre à la lettre ni de manière exhaustive ces contenus,
- Commencer par interroger leurs positionnements fondamentaux… Je prends l'exemple de la bientraitance où nous est proposée une définition à rallonge : elle serait « démarche positive et mémoire du risque avec une culture inspirant les acteurs et les relations collectives gardant présent à l’esprit le risque de maltraitance, un mouvement d’individualisation et de personnalisation de la prestation, une interprétation spontanée et momentanée d’une série d’exigences dans le croisement et la rencontre des perspectives de toutes les parties en présence, une démarche à 4 composantes (culture du respect de la personne, manière d’être, valorisation de l’autre et de son expression, aller-retour permanent entre pensée et agir… etc.) ». Vous comprendrez que je pense salutaire de sortir de ce galimatias impossible à comprendre pour une définition plus simple : « une approche participative avec la personne reposant sur son égalité et son respect dans la relation, ayant pour objectif de favoriser l’émergence de ses capacités de résilience » (voir les travaux des années 1980 sur la bientraitance en Petite Enfance). J’admets que l’on ne soit pas d’accord avec cette définition, mais franchement, ce qui nous est dit dans la recommandation est quand même peu entendable.
- Puis discuter la logique des démarches proposées… à nouveau sur l’exemple de la bientraitance, on nous propose : 1. de mettre l’usager en position de co-auteur de son parcours, 2. de mettre ensuite en avant la nécessaire qualité du lien (entre professionnel et usager), 3. puis de recommander des interventions et structures ouvertes, 4. enfin de soutenir les professionnels. Il me semble logique de s’interroger sur la pertinence de ces 4 approches pour promouvoir d’autres points fondamentaux ou pour inverser leur ordre (pour la bientraitance, je mettrais le point 2 en premier).
- Enfin, ne prendre, dans la quarantaine de « repères pour agir » de la recommandation concernée, qu’à peine 5 à 8 points (pour éviter le piège de l’exhaustivité ou de la répétition appliquée, mais détachée de tout sens) pour les introduire dans les contenus (indicateurs) de son évaluation interne, après traduction en actions ou engagements précis.
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