.
Une revue de culture générale éditée depuis plus de 152 ans par la Compagnie des jésuites, la revue Études, présente chaque mois un ensemble d’articles géopolitiques, sociaux, philosophiques, historiques, de réflexion spirituelle, sans oublier des critiques de livres, de spectacles et de cinéma (d’une rare qualité, même si leurs habitués, comme moi, y regrettent encore les textes de Jean Collet…). Pas besoin d’être chrétien pour goûter l’intérêt de ces articles de très grande qualité et même parfois aux contenus originaux.
Le numéro de juin présente un article bien intéressant sur les paradoxes de la parentalité écrit par J-P. Lebrun, psychiatre et psychanalyste. Ce texte me paraît important puisque l’accompagnement à la parentalité devient un nouvel horizon des politiques d’action sociale. Rappelant que le terme n’est pas présenté dans le Dictionnaire historique de la langue Française d’Alain Rey (du coup, il serait « anhistorique », révélateur du « présentisme » actuel), l’article fait un long détour par la mythologie pour évoquer le paradoxe de l’avènement du « politiquement correct de la parentalité », dans la foulée de la chute de tout modèle patriarcal.
Le terme de « parentalité » mis en avant, en programme, à la place de celui de « parenté » (qui est davantage porteur d’une notion de « lien imposé » ou de « conflictualité »), menacerait en effet d’entraîner un renversement dont les conséquences seraient insuffisamment mesurées :
- Non préparés à la rencontre de l’altérité, les sujets se montreraient de plus en plus démunis pour y faire face, demandant que l’instance collective les préserve du risque d’être victime de l’inattendu.
- Dans ce cadre, les adeptes de la « parentalité » plutôt que de la « parenté » risquent de ne plus transmettre les outils psychiques nécessaires pour affronter les aléas, les désaccords, les risques de la relation.
Une leçon à méditer à l’heure où « le soutien à la parentalité » envahit les projets des établissements et services sociaux… au point que le gouvernement vient même de créer un site sur les moyens d’accompagnement à la parentalité (possibilité d’y accéder pour le commun des mortels et possibilité de s’y inscrire dans un espace destiné aux professionnels…). Sur le thème, et avec une approche historique plus spécialisée, on lira avec un grand intérêt un autre article (une vraie mine !) du sociologue David Pioli paru récemment dans la revue Sociétés et jeunesses en difficulté.
Le numéro d’Études de juin propose aussi un article de l’historien J-C. Ruffin sur la « crise de la psychiatrie » dont je recommande la lecture. Derrière cette présentation d’une « crise », affleure, nous dit l’article, une nostalgie particulière après 50 années de mise en place, progressive, de la « politique de secteur » en psychiatrie, une nostalgie cachant mal les bouleversements en cours. Il s’agirait notamment, après le « désaniénalisme », de l’avènement d’une « psychiatrie des inadaptations sociales », d’une « médicalisation généralisée basée sur des considérations plus sociales que cliniques ».
J’en profite pour indiquer que la Revue vient d’inaugurer la nouvelle formule de son site Web, que je vous engage à rejoindre par le lien ici créé, parce qu'il est particulièrement riche et utile : allez-y sans hésitation... Merci à toutes les personnes qui y ont travaillé (avec, en particulier, un petit clin d’œil à l’une d’entre elles, Pauline Gacoin).
Commentaires