Une thématique sensible
Je le disais ici début avril, mais également en décembre 2008, la scolarisation des enfants handicapés est devenu un des thèmes de l’évolution des politiques publiques :
- Pendant les années (les Trente Glorieuses) de création des structures spécialisées pour les enfants handicapés, la priorité publique était l’accueil des enfants et la construction des places, jusqu’à l’adoption de la loi 75-535 du 30 juin 1975 (dite loi d’orientation en faveur des personnes handicapées)
- Pendant les années 1980-1990, la priorité a été le développement de ces structures et leur réorientation (un projet pluridisciplinaire, une dimension pédagogique mise en œuvre, mais sans qu’il soit systématiquement obligatoire de l’inscrire dans une réalité scolaire), avec éventuellement le lien avec l’intégration scolaire,
- La fin des années 1990 a vu apparaître le thème de l’intégration scolaire, dans les structures de l’Éducation Nationale notamment (voir le plan Handiscol),
- Les années 2000 ont vu l’adoption de la grande loi du 11 février 2005 « sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ». Trois thèmes majeurs y sont développés à propos de la scolarisation :
C’est dans ce contexte qu’était attendu depuis 2 ans le décret sur la coopération entre structures spécialisées et Éducation Nationale. Je le redis : ce décret et l’arrêté qui l’accompagne ne révèlent aucun surprise, mais ils existent, constituant un plus sur certains points, restant insuffisants sur d’autres. Merci Fabien Darne, avec votre regard de spécialiste, avec l’humour discret que nous vous connaissons, de nous en faire une lecture détaillée.
Une attente résolue ?
On l'attendait depuis bientôt 2 ans, le décret relatif à la scolarisation des enfants, des adolescents et des jeunes adultes handicapés, et à la coopération entre les établissements de l’Éducation Nationale et les établissements et services médico-sociaux est enfin paru le 4 avril 2009 au Journal Officiel ! Fruit de longues et âpres discussions entre les services du Ministère de la Santé et ceux de l'Éducation Nationale, ce décret, suivi de l'arrêté du 2 avril précisant les modalités de création et d’organisation d’unités d’enseignement dans les ESMS, est une avancée certaine vers la nécessaire clarification des relations entre secteur médico-social et Éducation Nationale.
Le décret tout d'abord …
- On regrettera que le législateur ait cru bon d'inventer un nouvel acronyme, le P.I.A. pour « Projet Individualisé d'Accompagnement ». Ce retour au terme « individualisé » à la place de « personnalisé » n'est pas anodin tant le terme d'individu ne recouvre pas le même sens que celui de personne... Dans tout les cas, il sème la confusion alors même que le décret de 2005 puis la circulaire de 2007 sur les Instituts Éducatifs, Pédagogiques et Thérapeutique (ITEP) avaient très bien défini le Projet Personnalisé d'Accompagnement (PPA) et son articulation avec le « projet personnalisé de scolarisation » (PPS). De même l'ANESM, dans ses recommandations concernant les attentes et le projet d'accompagnement avait bien défini et confirmé le terme de « projet personnalisé ».
- « La mise en œuvre du PPS […] constitue l’un des volets du projet individualisé d’accompagnement. » Il s'agit bien de la mise en œuvre du PPS, c'est à dire sa dimension pratique et concrète, qui constitue l'un des volets du PIA, le PPS continuant à présider à la rédaction du PIA.
- La mise en œuvre du PPS d'élèves d'ESMS scolarisés dans « l'école ordinaire » fera l'objet d'une convention précisant les modalités pratiques, cette convention devant être conclue entre le représentant de l'organisme gestionnaire et l'inspecteur d'académie pour le premier degré ou le chef d'établissement pour le second degré.
- Les démarches et méthodes pédagogiques employées au sein d'un ESMS donnent lieu à une concertation entre les enseignants des établissements scolaires et les enseignants des unités d’enseignement. Ce sont des choses qui gagneront à être développées même si cela peut paraître un peu illusoire...
- Les autorités académiques peuvent avoir recours à des professionnels qualifiés des ESMS dans le cadre de la mise en œuvre d'actions de formation concernant l’accueil et l’éducation des élèves et des étudiants handicapés. Reconnaissance de la compétence des professionnels du secteur ou gestion de la pénurie ?
- Un Groupe Technique Départemental de suivi de la scolarisation des enfants, des adolescents ou des jeunes adultes handicapés sous la double autorité du DDASS et de l'Inspecteur d'Académie est mis en place, l’avis de ce GTD étant crucial dans l'affectation des moyens enseignants à l'Unité d'Enseignement. Un point à suivre …
- L’évaluation des unités d'enseignement sera réalisée en lien avec l’ANESM. Le ministère de la santé va donc avoir une action sur les moyens attribués à l'UE et l'enseignement dispensé au sein des ESMS, replacé dans une logique de qualité, au même titre que les autres accompagnements.
- Une grande nouveauté, le bilan semestriel : « L’équipe médico-psychopédagogique de l’établissement ou du service fait parvenir à la famille, au moins tous les semestres, des informations détaillées sur l’évolution de l’enfant ou de l’adolescent et chaque année un bilan pluridisciplinaire complet de sa situation. »
- L’unité d’enseignement a pour mission de dispenser un enseignement général ET un enseignement professionnel intégrant l'initiation et la première formation professionnelle pour les adolescents déficients intellectuels. Les éducateurs techniques sont donc intégrés dans l'Unité d'Enseignement !
- Les enseignements professionnels sont dispensés dans le cadre des programmes de l’Éducation Nationale. Faut-il en conclure que les contenus seront ceux de la formation professionnelle des SEGPA ?...
- L'article 10 enfin, entérine l'existence de classes « externalisées ». Une avancée importante…
… l'arrêté ensuite …
- Le gros morceau de cet arrêté est son article 2. Il détaille le contenu de la convention signée entre les représentants de l’organisme gestionnaire et l’État, représenté conjointement par le préfet de département et l’inspecteur d’académie, qui prévoit la création d'une Unité d'Enseignement.
- Le projet pédagogique de l’unité d’enseignement, élaboré par les enseignants de l'UE, est un volet du projet d'établissement ou de service. Il est bâti en fonction « des besoins des élèves dans le domaine scolaire, définis sur la base de leurs projets personnalisés de scolarisation. » Il y a donc obligation pour les MDPH qui ne le font encore pas de rédiger de manière détaillée et formelle les PPS, puisque c'est sur les besoins scolaires ainsi définis que reposera le projet pédagogique de l'UE, lui-même à la base de la convention de moyens signée avec l'Etat. On a un peu de mal à voir ce que cela pourrait donner concrètement mais c'est un vaste chantier en perspective !
- Les moyens attribués à l'Unité d'Enseignement seront définis dans le cadre du Groupe Technique Départemental mais fixés par l’inspecteur d’académie sous la forme d’une dotation globale en heures d’enseignement, la fameuse DHG des établissements scolaires du secondaire. Il n'y aura donc plus 1 classe / 1 enseignant au sein des établissements mais un volume d'heure tenant compte de différents paramètres...
- La convention est révisée dans sa totalité tous les trois ans. Elle est annexée au projet d’établissement ou de service et au projet des établissements scolaires concernés et transmise pour information aux Maisons Départementales des Personnes Handicapées.
- L'article 3 précise que les enseignants exerçant dans le cadre des unités d’enseignement sont détenteurs du CAPA-SH ou du 2CA-SH. Dire que bientôt, les établissements ne verront plus arriver à la rentrée de jeunes collègues, débutants et non spécialisés, affectés d'office ! On ne peut réprimer un léger sourire...
- L'article 5 institue une nouvelle fonction (un nouveau métier ?), le coordonnateur pédagogique d'unité d'enseignement, avec fiche de fonction précise. C'est une avancée importante et une reconnaissance attendue. Son rôle dans l'organisation interne de l'UE mais surtout dans le soutien à la scolarisation est affirmé très fortement.
… et des premières conclusions
On notera des avancées certaines sur les modalités de création des Unités d'Enseignement, le rôle des coordonnateurs pédagogiques, la place prise par la santé dans la question de l'enseignement spécialisé. Mais on soulèvera des manques quant à la formation professionnelle en établissement, aux questions budgétaires pour les élèves scolarisés à temps partagé, aux relations entre l'équipe de suivi de la scolarisation animée par l'enseignant-référent et la réunion de projet individualisé d'accompagnement, à l’organisation de service des coordonnateurs pédagogiques (décharge ou autre)... On aimerait bien maintenant qu'une circulaire vienne préciser et compléter tout cela, mais l’heure semble plutôt à refondre les textes sur les UPI et les CLIS. À suivre donc…
Coordonnateur Pédagogique,
IME Yves Farge à Vaulx-en-Velin, OVE
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