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Une décision récente …
J’ai été interpellé par deux petites bombes lâchées, dernièrement, par le Ministère de la Justice à travers un décret (n° 2009-285 du 12 mars 2009 modifiant l’encadrement et le mode d’agrément des personnes ou des services habilités à réaliser des enquêtes sociales en matière civile au profit de magistrats), et un arrêté (décidé le même jour, paru un peu plus tard et portant sur l’article 12 du décret, relatif à la tarification de ces enquêtes).
… qui suscite de nombreuses protestations
Préparées sans concertation, ces décisions sont peu connues du grand public. Seules pourraient s’émouvoir les familles qui ont pu, à un moment ou à un autre, avoir affaire à ce type d’enquêtes, pour s’en réjouir ou pour les maudire. Du côté du secteur social ou médico-social, le rejet est violent et le tollé important, malgré la faible diffusion de ces textes.
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Les enquêtes sociales : des actions particulières …
Ces enquêtes sociales en matière civile sont des décisions judiciaires conçues comme un préalable à une autre décision judiciaire. Le regard d’experts sur les problématiques familiales existe depuis bien longtemps, au moins depuis l’existence des tribunaux pour enfants (1919), mais s’est développé avec l’augmentation des séparations de couples parentaux ou encore de formes particulières de revendications de droits de certains adultes (grands-parents, beaux-parents, familles d’accueil) sur des enfants dont ils sont séparés. Au départ, des personnes privées, mi assistantes sociales – mi juristes, agissaient auprès des juges des enfants, peu à peu les fonctions se sont professionnalisées, donc institutionnalisées, surtout en protection de l’enfance. Ailleurs, les situations sont plus aléatoires.
Les enquêtes sociales en matière civile, d’une durée de 3 mois, rémunérées entre 1100 et 1300 euros, aident le magistrat à prendre une décision (confier l’enfant à un tiers, à un des parents, imposer une mesure de protection, imposer un droit de visite, etc.) :
- quand le Juge des Enfants, doit prendre rapidement une décision de protection d’un mineur (danger, difficultés des parents, situation sociale complexe),
- quand le Juge des Affaires Familiales est saisi de demandes complexes ou conflictuelles dont les enfants sont devenus les enjeux.
Le texte de base de ces enquêtes : l’article 373-2-12 (relatif à l’autorité parentale) du Code civil, alinéa 1er :
« avant toute décision fixant les modalités de l’exercice de l’autorité parentale et du droit de visite ou confiant les enfants à un tiers, le juge peut donner mission à toute personne qualifiée d’effectuer une enquête sociale. Celle-ci a pour but de recueillir des renseignements sur la situation de la famille et les conditions dans lesquelles vivent et sont élevés les enfants ».
… exercées de manière très diverse …
Le principe : rencontrer les 2 parents (ou d’autres adultes de la vie de l’enfant) au moins 2 fois (à l’extérieur et à leur domicile), recueillir des renseignements et faire un état de la réalité psychologique, environnementale, culturelle, économique et matérielle des familles, au regard des conséquences pour l’enfant, faire un rapport précis de ces recueils, avec éventuellement des hypothèses possibles pour les décisions à prendre.
La réalité est plus complexe :
- En protection de l’enfance, la « personne qualifiée » est souvent un service d’une association gérant d’autres services socio-éducatifs (Investigation et Orientation Éducative – IOE, Action Éducative en Milieu Ouvert - AEMO, médiation, etc.). L’action est menée surtout par des travailleurs sociaux (assistant social, éducateur spécialisé), avec regard sur la dimension sociale, les aspects relationnels, personnels, d’autant qu’un travail en équipe peut aider à l’approche pluridisciplinaire, soutenir le recul personnel devant les situations,
- En matière d’affaires familiales, la « personne qualifiée » est une association ou une personne privée (souvent psychologue, rarement assistant social). La conséquence chez les « experts » privés : garanties de sérieux et d’objectivité non établies, faible différence (ou différence non maîtrisée) entre intervention de médiation/investigation psychologique et recueil de données à multiples dimensions (sociale, éducative, etc.), difficulté à mettre une fin à l’intervention, absence d’interrogation des avis, souvent péremptoires, situations extrêmes parfois (poursuite d’une intervention en cabinet privé, etc.).
… et pour lesquelles l’idée d’un meilleur encadrement était judicieuse
Tout cela plaidait pour un renforcement des conditions de qualification, d’agrément et de contrôle de ces « personnes qualifiées », avec notamment des garanties en termes d’objectivité, de pluralité des approches, de sérieux des rapports : plus de pluridisciplinarité, une structure institutionnelle de contrôle, une pratique encadrée et des écrits rigoureux.
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Des décisions qui interrogent …
Le décret annonce une approche exigeante dans la procédure d’agrément (par l’AG des magistrats du siège de chaque cour d’appel), avec parution d’une liste dans chaque cour d’appel. Les conditions sont néanmoins très floues : prêter serment et ...
« avoir exercé suffisamment longtemps dans une profession ou une activité, notamment dans le domaine social ou psychologique, en relation avec l'objet des enquêtes sociales. »
Mais d’emblée, le bât blesse sur un point majeur : si la personne qualifiée est une personne morale, ne pourront ...
« faire l'objet d'une inscription, les établissements et services habilités par la protection judiciaire de la jeunesse pour l'exercice de mesures d'investigations en Assistance Éducative. »
Ainsi les services d’IOE ou d’AEMO, comprenant souvent une équipe spécifique pour les enquêtes, largement qualifiés en protection de l’enfance, sont exclus du champ des enquêtes.
Pis encore (arrêté du 13 mars 2009) :
« Le tarif de l'enquête sociale mentionnée aux articles 1072 et 1248 du code de procédure civile est fixé à 500 euros. »
Les conséquences de ces décisions :
1. Les services d’IOE et d’AEMO ne pourront plus exercer des enquêtes, ceci entrainant concrètement l’obligation de constituer un service spécifique, une nouveau dossier, etc.
2. La diminution de 62 % du tarif d’une enquête va rendre impossible l’exercice de ces dernières par des organismes (frais de gestion, travail collectif), seules des personnes privées vont pouvoir, pour un tarif très réduit compte tenu du travail à fournir, réaliser ces enquêtes.
… et qu’il est difficile de relier à un esprit de réforme …
Cette réforme de la qualité des professionnels des enquêtes va donc aboutir à l’amplification des situations les plus délicates : quasi majorité d’intervenants libéraux, faible garantie de qualité chez les intervenants, faible prévention du dévoiement possible des missions, faible éclairage des magistrats.
… mais juste une logique comptable à courte vue
Certains pourront penser à une réforme inspirée politiquement : la fascination pour les experts, les professions libérales. J’ai peur, je suis même sûr, que la situation soit encore plus atterrante… une simple logique comptable inconséquente : dépenser moins en pensant exiger et gagner plus, mais finalement en perdant sur de multiples tableaux.
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Revenir à une véritable construction …
Il aurait été pourtant indispensable de se tenir à une approche pragmatique : l’étude des besoins (avec écoute des acteurs de terrain), la construction des orientations, le travail conjoint (acteurs de terrain – ministère), l’investissement dans la qualité et l’exigence. Sur le fond, j’aurais tendance à proposer des orientations fermes : des personnes morales à privilégier, des personnes privées à limiter ou en les rattachant à des exigences beaucoup plus fortes, avec notamment des normes de bonnes pratiques et l’obligation d’un suivi – supervision de son action.
Il est encore temps pour le Ministère de changer d’avis, pourvu qu’il le fasse, et vite !
Daniel GACOIN
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