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Une nouvelle qui a surpris …
En décembre 2008, est née « l’Union Nationale des Instituts de Formation et de Recherche en Intervention Sociale » (UNAFORIS). Le grand public aura du mal à percevoir son importance… d’autant que cette union lie 2 groupements déjà existants et « concurrentiels » : le Groupement National des Instituts régionaux du travail social (le GNI) et l’Association Française des Organismes de Formation et de Recherche en Travail Social (l’AFORTS). Un véritable plus ? À la hauteur des enjeux ?
… qui affirme une dynamique …
Le 21 janvier 2009, la nomination du président d’UNAFORIS, confirmée, signale l’ambition. Pierre Gautier, ancien directeur d’administration centrale (la Direction générale de l’action sociale, DGAS) au Ministère, prend la tête politique de l’union et confirme les visées fortes : le développement de l’action sociale, y compris dans les services d’aide à la personne, par la professionnalisation initiale et continue accrue, la défense de l’intérêt des écoles de travail social et de leur place dans l’enseignement supérieur européen, sur le modèle de grandes écoles.
… arrivant au bon moment…
Il faut se rappeler que, de tout temps, les écoles de formation du travail social, en ordre dispersé certes, ont été à la pointe des engagements militants ou institutionnels pour l’expansion de l’action sociale et médico-sociale : développement des métiers et diplômes, ou des fédérations institutionnelles, soutien des négociations avec les pouvoirs publics, recherches et publications, etc. Ce n’est que dans les 10 dernières années que ces centres ont été regardés avec doute (inefficacité, formatage de professionnels non adaptés aux besoins, etc.) alors que le paysage institutionnel changeait et que la concurrence pointait. Leur défense unitaire est donc importante.
… après 80 ans de construction …
Trois étapes ont marqué l’histoire du travail social et des structures de formation * :
- De 1910 à 1970 : gestation du travail social. Les assistantes sociales se créent (2 influences : les surintendantes d’usine, les infirmières à domicile) au début du XXe avec des écoles et leur comité d’entente en 1927, facilitant le lobbying pour le diplôme d’AS (1932) et des références du métier. Les écoles d’éducateurs, après l’appui de ce métier par Vichy, progressent après 1945 (en parallèle aux structures pour jeunes en difficulté) : 3 écoles en 1943, 24 en 1965, toutes reliées à l’éducation populaire (influence d’E. Mounier et du scoutisme, ou de l’éducation active). Les centres de formation, liés à l’Association nationale des éducateurs de jeunes inadaptés (ANEJI), participent aux négociations pour les conventions collectives (accords UNAR-ANEJI de 1958, convention de 1966) et la reconnaissance du métier (diplôme en 1967, revu régulièrement). Un comité d’entente de écoles d’éducateurs naît en 1966. Diverses écoles se créent pour les métiers du travail familial, de l’animation. La mode des comités d’entente est liée à la défense des diplômes par filière. La gestation se termine par la diversification des métiers initiaux (EJE, etc.), sous un même concept, celui du travail social, et par la création d’une fédération nationale des comités d’entente en 1972.
- De 1970 à 2000 : diversification des métiers et unité impossible. Le social se structure en 2 pôles : 25 à 30 000 établissements et services sociaux et médico-sociaux constituent le « social installé », alors que des services diffus dans la cité (services d’insertion, de développement social) constituent le « social fragilisé ». Les métiers se décomposent, des métiers nouveaux se créent. Les structures de formation se développent, souvent par filière ou par regroupement et lien entre filières. Leur unité reste impossible : la fédération de 1972 échoue, comme d’autres tentatives fédératives qui suivront (Union nationale des Instituts de formation du travail éducatif et social, UNITES, en 1991, regroupée en 1996 avec d’autres dans une organisation nationale des formations au travail social, ONFTS), on y perd son latin. Des Instituts régionaux de formation au travail social (IRTS) s’ajoutent aux écoles en place : initiatives privées dans les années 70 (exemple à Canteleu en Normandie en 1976 : une fusion difficile de Peuple et Culture et de l’Institut G. Heuyer), volontarisme public à partir de 1986 (création par décret des IRTS comme écoles multi filières à dimension régionale). La diversité nourrit 2 regroupements, le GNI (en 1983, visant les IRTS), l’AFORTS (en 2000, visant les autres écoles, mono ou multi filières)… mais rien n’est simple, on trouve des IRTS à l’AFORTS et des écoles moins régionales au GNI, les oppositions / ambitions des hommes étant parfois plus dures que celles des idées. L’AFORTS représente 143 établissements (taille diverse), le GNI en représente 22 (taille importante).
- Après 2000 : la déstabilisation. Les évolutions externes s’accélèrent. Parallèlement à l’ouverture et la structuration du pilotage du secteur (exigence qualité, planification, contrôle des structures) les organismes de formation sont confrontés à de nouvelles donnes : ouverture de filières de formation supérieure (université, grandes écoles), concurrence accrue (université, Éducation nationale, opérateurs lucratifs), régionalisation des financements liée à la Décentralisation Acte II, réforme de la qualification des directeurs (CAFDES ou diplôme de niveau 1), formation initiale par validation des acquis et de l’expérience, limitation des financements (obligeant à développer des produits annexes, passant souvent de 10 ou 20 % à 40 % des budgets), réforme européenne des formations supérieures (LMD). La division n’est plus de mise : le premier terrain des défenses solidaires fut le CAFDES avec la création d’un réseau unique pour être l’interlocuteur de l’École des Hautes Études en Santé Publique. Tout cela a entrainé la constitution d’UNAFORIS.
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Il existe des enjeux nombreux…
UNAFORIS est clairement pensée comme réponse à des enjeux, souvent immédiats :
- La promotion de modèles de centres de formation conçus comme des pôles ressources, au niveau des territoires,
- La sortie des systèmes clos pour entrer dans l’espace de l’enseignement supérieur européen. On parle ainsi de développer des Hautes écoles spécialisées (enseignement supérieur non universitaire de type court), sur le modèle de la Belgique ou de la Suisse, en oubliant que les mêmes modèles existent également aux Pays-Bas et en Allemagne.
- L’entrée commune dans un dispositif de formation professionnelle adapté à la réforme européenne de l’enseignement supérieur,
- La réponse articulée au développement des métiers nouveaux (par exemple l’aide à domicile ou à la personne),
- La création d’un dispositif qualité (mais on ne sait pas encore s’il s’agit de créer un label ou une certification),
- La réponse solidaire au nouveau contexte concurrentiel, en tablant sur l’originalité du système par alternance actuel basé sur le lien fort avec un secteur professionnel, y compris pour les formations de niveau 1 et 2,
- La défense de modes de financement stables, ce qui est encore loin d’être le cas dans les dispositifs d’appels d’offre et de programme des Conseils régionaux.
… mais il n’est pas sûr qu’UNAFORIS soit la réponse la plus adaptée …
En effet, la réponse à ces enjeux suppose une capacité à s’imposer des normes, des coopérations et des contraintes, des arbitrages : il n’est pas évident que les centres avancent ensuite de manière cohérente, en acceptant des décisions et contrôles de cette union, conçue par le haut.
… et la plus en phase avec les niveaux régionaux devenus la référence
Le cadre régional de la formation en travail social (tutelle des Conseils régionaux) me semble plus adapté à des regroupements, supposant qu’UNAFORIS soit relayée par des unions régionales, dynamiques, représentatives, contraignantes. L’exemple de la Bretagne peut constituer un modèle : la création d’un comité régional du travail social en 2008, couplé avec un Groupement régional des centres de formation (le GIRFAS * *). Mais tous les centres dans les régions sont-ils prêts à jouer le jeu ? Pour ma part, j’ai peur que, même s’ils l’étaient, il ne soit trop tard : la concurrence répond déjà, en dehors de ces centres de formation, à des besoins de qualification spécifiques (très supérieurs, spécifiques de type aide à domicile).
Daniel GACOIN
* En dehors d’ouvrages par filières ou sites, on lira le récent et très riche « Histoire du Travail social en Europe », dirigé par E. Jovelin, Éd.Vuibert, sept 2008. Un ouvrage particulièrement intéressant et indispensable
* * J’ai eu la chance d’accompagner le GIRFAS Bretagne (qui regroupe l’IRTS de Rennes, l’ITES de Brest, ARCADES du Morbihan et à terme, l’AFPE du Morbihan et l’AFPE sur plusieurs départements) dans l’écriture de son projet politique, pendant l’automne 2008.
Merci pour cette présentation intéressante.
Je voudrais vous signaler la naissance de l'ONES qui espère aussi peser dans le débat public
Rédigé par : jean marie vauchez | 03 février 2009 à 13:20
J'ai oublié de mettre le lien :
http://www.ones-fr.org/
Rédigé par : jean marie vauchez | 03 février 2009 à 23:30
Bonjour,
Le rappel de l'histoire des organismes de formation m'a fortement intéressé.
Comme vous le dites, ces écoles furent un haut lieu de militantisme à une certaine époque. Certains dogmes persistent et sont désormais en décalage avec les pratiques ; voir avec les besoins des établissements. Je doute que la création de l'UNAFORIS apporte un changement sur ce point.
Concernant les études supérieures, je regrette que la réforme LMD n'ait pas été poussée jusqu'au bout y compris pour les études plus techniques comme dans l'education spécialisée ou les soins infirmiers.
Par exemple, aux Etats Unis, il existe des docteurs en soins infirmiers. Il s'agit d'infirmiers qui ont continué leurs études au-delà de leur diplôme et ont engagé des recherches scientifiques sur cette spécialité. leur apport permet de faire évoluer ces métiers (exemple d'une thèse de la fin des années 80 : l'apport de l'informatique dans le diagnostic de soins infirmiers).
Il serait peut-être utile de creuser cette idée dans le secteur du travail social afin de créer de nouvelles écoles de pensées.
Pour conclure, l'esprit de la mutation de l'ENSP en EHESP se situe dans la lignée de mes propos ci-dessus. Il reste toutefois à voir comment cela se traduira dans les faits sachant que d'ores et déjà le CAFDES n'est plus la voie royale pour accéder à un poste de direction.
Rédigé par : Alexandre HAUSKNOST | 05 février 2009 à 11:53
Bonjour, je travaille dans des établissements depuis quelques années, éducateur spécialisé, chef de service, directeur adjoint, directeur avec des formations financées par moi, les associations ne s'investissent guère. J e souhaite écire un livre sur la vie de ces autre ou de ses hôtes. L'introduction :La capacité de l’homme à diriger les autres hommes est –elle naturelle ? Je ne saurais répondre à cette question mais la maïeutique parle d’elle-même ! Le ventre, organe qui n’est que condescendant du cerveau peut –il se satisfaire de cela ? Et encore le ventre dirige le monde, l’accouchement ? Rares sont les personnes se tirant d’un crabe mangeant ce long intestin qui ne fait que digérer ce que l’on avale. Avaler n’est que prendre ce l’on prend pour arriver à un point g, si je peux me permettre !
Réfléchir et encore, toujours mais comment arrêter de considérer les moments de la vie qui vous mangent tels les décès, tels le sourire de l’une et de l’autre qui vous rappellent combien l’homme de 40 ans est fragile. Je ne saurais dire si la vie n’est que concupiscence d’une réalité subversive, la subversivité n ‘étant que d’ignorer que l’on va mourir.
L’homme de 40 ans s’ignore à tel point qu’il s’oublie, paradoxe de la honte du vieillard qui s’oublie quand il veut communiquer. Le je ne sais que dire à ce que tu dis nous semble péremptoire et en saurait affliger la vieillesse de l’âme !
Cette réflexion n’avait pour but que de manger ce que Pierre savait de la vieillesse. Il n’était qu’un Viel handicapé, en plus ! Il se rendait compte que son pays avait légiféré sur ses droits. Comment régler une société par des droits si naturels, société qui laisse mourir ses vieux en canicule !
Réagir comme un Viel handicapé ne semblait qu’accumuler le désir de vivre avec des strates de tares inhérentes aux pronostics de psychiatres chèrement payés.
Ainsi un jour, il décida de partir de l’institution dans laquelle il vivait. Vous comprenez qu’il ne disait pas son institution, ni son lieu de vie. Quelle honte de parler de cela, alors que ses parents décédés le prenaient toutes les deux semaines. Il se rendait compte déjà du terme, me prendre toutes les deux semaines. Quels propos castrant d’une réalité d’adulte.
Ainsi, il part ….
Il s’allonge dans l’herbe et s’étend. Qu’est-ce qu’il sent ? Nous ne savons pas et nous méprisons de ce cela. Il touche, se roule, il est heureux et on vient encore l’enmerder . C’est de la maltraitance. Quand toi tu écoutes de la musique en lisant, c’est pareil.
Les sensations sont les sensations, elles ne seront jamais les mêmes, même pour lui, ce différend ! Surtout pour lui qui regarde le monde avec une telle sérénité qu’il faut toujours lui dire attention !
Mais comment attirer l’attention de celui qui est avec celui qui travaille pour celui qui est !
Rédigé par : Christophe delcourt | 07 février 2009 à 22:25
effectivement, ce retour bref dans l'histoire est intéressant....J'espère que l'unaforis sera un partenaire qui saura rassembler et œuvrer à une reconnaissance des diplômes en travail social.
Je me mets à rêver à un Doctorat en éducation spécialisée...
http://educationspecialisee.hautetfort.com/
Rédigé par : patrice | 30 juin 2009 à 23:55
Pour information, un élément important concernant cette naissance d'UNAFORIS et de son projet social est oublié dans cette page. En effet ci-aprés, un bref passage du texte d'UNAFORIS référencé par eux sous le titre de «rapport structuration 18juin 2010» :
« En cas de concurrence venant d’autres opérateurs, il s’agira de constituer une force de frappe dissuasive en mettant les établissements adhérents dans une position haute.»
Nous pensons que ce bref passage clarifie bien sous leur plume, leur réel projet de partenariat en tant qu'opérateur de formation avec les centres (déjà existants ou à créer), ainsi que les valeurs sociales sur lesquels ce projet s'étaye.
AFORSSSE : [email protected]
Rédigé par : AFORSSSE | 04 octobre 2010 à 20:33