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Le 4ème anniversaire de la loi du 11 février 2005…
La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, ambitieuse, voulait transformer l’action publique et sociétale en faveur des personnes handicapées. Réformant une loi de 1975, elle apportait des changements dans de multiples directions : libre choix de son projet de vie pour la personne, relié à une solution adaptée (domicile ou établissement), droit à une compensation des conséquences du handicap pour mener une vie autonome ou de son choix, participation à la vie sociale avec accessibilité aux soins, à l'école, à la formation, à l'emploi, au logement, aux transports, à la culture et aux loisirs et à la vie citoyenne, développement de la recherche, etc.
… et ses propos acerbes qu’il suscite
Son 4ème anniversaire est célébré depuis 15 jours par une avalanche de positions fortes. L’énorme champ ouvert par le législateur était certes difficile à réaliser : en 2007, un Rapport au Sénat indiquait déjà que seuls 25 % de la loi était en application (essentiellement la prestation de compensation disait-il, alors qu’à cette époque, cette dernière était loin d’être généralisée). 3 types de propos peuvent être relevés aujourd’hui :
- La critique unilatérale : cette loi stigmatisante renverrait vers le handicap des personnes relevant du soin, les Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH) seraient porteuses d’une désignation / classification des personnes,
- Le regard global favorable : «les imperfections et les insuffisances relevées ne condamnent pas la réforme. Au contraire, elles appellent des mesures destinées à faciliter sa réalisation ». Ce propos du Gouvernement inspire les 130 pages du Rapport sur l'application de la loi du 11 février 2005 consultable (par le lien proposé ici) à la Documentation Française, relevant des éléments positifs (18,4 % de budget en plus sur 4 ans pour le handicap, 30 % d’augmentation des intégrations scolaires, un pouvoir d’achat des personnes handicapées en hausse, etc.) et des perspectives (des progrès encore indispensables, notamment en matière d’accessibilité pour le fonctionnement des MDPH, etc.)
- La critique de l’application : les grandes associations (UNAPEI, APF, Fédération des accidentés de la vie, etc.) insistent sur leur grande déception. Malgré les avancées, l’ambition de la mise en œuvre n’aurait pas eu lieu, avec de nombreux décrets toujours en attente, des places promises non créées, l’insertion sociale et les ressources des personnes handicapées toujours insuffisantes. Le propos est encore exacerbé par le rapport du Gouvernement (déjà cité) montrant « une autosatisfaction malvenue », en décalage avec la réalité, avec même un contenu « d’une pauvreté affligeante » pour certains. Le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), l’Association des Départements de France (ADF) se positionnent de façon critique, indiquant même que l’État ne respecterait pas ses engagements financiers (notamment pour les MDPH selon l’ADF).
Je propose de juger tout cela en lisant un document publié par le Sénat : un point précis, au 19 février 2009, des décrets parus ou non parus, sur tous les articles de la loi, 4 ans après : c’est édifiant et je propose de le consulter en utilisant le présent lien : point d'application de la loi du 11 février 2005. Par ailleurs, je suis intéressé par la nécessité de donner un nouveau développement aux MDPH.
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Un rapport sur les agents des MDPH…
Précisément sur ce dernier thème, un rapport du Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT, en lien avec la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA) et l’ADF) propose une analyse de « l’emploi dans les MDPH ». Les MDPH sont des guichets uniques d’écoute des demandes, d’évaluation des besoins, de décision de moyens en faveur des personnes handicapées. Elles sont censées abriter en leur sein des services :
- d’accueil (physique, informatique, téléphonique) et d’information,
- d’écoute et d’accompagnement dans la formalisation des projets de vie,
- d’évaluation des besoins (par équipe pluridisciplinaire) en moyens de compensation (PCH), d’orientation vers des structures spécialisées, de soutien de l’accès à l’emploi, la formation, la vie sociale, dont la veille pour les soins infirmiers,
- décisionnels (Commission Départementale pour l’Autonomie des personnes Handicapées, la CDAPH), avec des moyens pour assurer la gestion des recours ou des médiations,
- de coordination territoriale et de proposition pour les politiques publiques.
… avec des généralités sur les missions et enjeux de développement des MDPH
Des tendances sont relevées : les missions d’accueil, d’information, d’évaluation, de décisions seraient mises en place, les missions d’expertise, d’observation, de réseau et d’appui aux politiques seraient encore à développer. Le rapport est imprécis sur ce plan (pas de chiffres sur les réalités) et décline l’idée qu’une augmentation de moyens des MDPH leur permettrait de mettre en œuvre leur mission. De manière tout aussi imprécise, est évoquée une augmentation de moyens pour le développement de champs nouveaux (orientation dans l’emploi, tutelles, aide à domicile, accessibilité au logement, outils statistiques), ou l’optimisation des organisations (notamment des projets de service et des gains de productivité).
… et des éléments plus précis sur l’emploi, à partir des données de 74 MDPH
Compte tenu de la réalité des MDPH (accent sur les missions d’accueil, d’information, d’évaluation, de décisions) et des challenges (réunion dans ces organismes d’agents de la fonction publique territoriale, d’État ou hospitalière, avec des mécanismes de mise à disposition, d’agents détachés des organismes d’assurance maladie, d’agents contractuels de droit public, de salariés de droit privé), quelques données retenues sont intéressantes :
- Un nombre d’agents variant de 13 à 154, avec 46 en moyenne par MDPH (une réalité considérable donc !),
- 84 % des agents sont des femmes (51 % sont des agents de catégorie C), et 16 % sont des hommes (dont 51 % sont des agents de catégorie A),
- 42 % des agents ont plus de 50 ans, ceci étant lié à l’utilisation d’agents en place dans les administrations (dont CDES et COTOREP),
- 42 % des agents ont un niveau de formation supérieur à Bac + 3/4, (personnel d’évaluation, d’accompagnement, de direction) et 41 % ont une formation inférieure ou égale au BAC (personnel d’accueil et d’administration),
- 56 % sont agents titulaires des fonctions publiques, 25 % sont agents non titulaires de ces fonctions publiques, 20 % ont des contrats de droit privé : la part publique est fortement majoritaire,
- 65 % des agents appartiennent à la filière administrative (gestionnaire, attaché, rédacteur, pour une première moitié d’entre eux, adjoint administratif pour l’autre moitié), 29 % aux filières sociales ou médico-sociales. 4 groupes d’emplois regroupent 80 % des effectifs : adjoint administratif (50 %), médecin (14 %), assistant socio-éducatif (8 %), rédacteur (8 %),
- Plus globalement, est soulevé le fait que les effectifs des MDPH sont loin d’être stabilisés, avec notamment des compléments nécessaires aux effectifs actuels, des difficultés de recrutement et un fort taux de départ dans certaines professions (les médecins !), un niveau d’expérience et de compétences déjà acquis et élevé,
- Les besoins de formation sont encore très importants (et le rapport fait le lien avec les prestations possibles du CNFPT..., publicité oblige) : conduite de projet pour les cadres, fonction d’accueil (avec un décalage entre les besoins et les réponses de la CNSA), fonction d’évaluation notamment.
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Quelques réflexions...
Ce rapport d’étude est loin de proposer une évaluation précise, objective, argumentée, des moyens et des missions, comme d’ailleurs de nombreux autres rapports. Ceci me semble très problématique… l’inégalité devant la loi (de 2005) est en effet réelle d’un département à un autre. Il a le mérite de montrer que les MDPH, et plus globalement les contenus de la in du 11 février ont vécu une avancée considérable, pourtant encore bien en retrait par rapport aux objectifs annoncés.
Dans le prolongement de ce rapport, j’indique que, si les MDPH sont bien un des principaux vecteurs de mise en place de la loi, il faut leur donner des obligations plus fermes, un contrôle effectif et des moyens. C’est loin d’être le cas. Il me semble indispensable d’indiquer que l’État devrait être dans une position bien plus centrale (ni délégation à un organisme comme la CNSA, ni délégation aux collectivités locales).
Daniel GACOIN
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