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La nouvelle édition d'un ouvrage…
Le « Guide des politiques sociales et de l’action sociale », édité en 2000 par Dunod, vient de bénéficier d’une nouvelle édition, depuis la fin du mois d’août. Il est intéressant de comparer les deux éditions, la deuxième étant une refonte complète. Même le titre du Guide a changé, puisqu’il s’intitule maintenant « Comprendre les politiques d’action sociale » : il ne s’agit plus de connaître, il s’agit d’entendre une logique, dans sa complexité.
… d’une auteure avertie
L’ouvrage est rédigé par Valérie Löchen, dont beaucoup connaissent le professionnalisme : proximité et intérêt à l’égard des questions de terrain, rigueur intellectuelle, autorité et exigence. J’ai été son collègue comme consultant, j’ai aussi travaillé avec elle comme formateur dans l’association qu’elle dirigeait à la fin des années 1990 ou dans une fonction de conseil (sur la méthodologie de l’évaluation interne) au sein de la Fondation d’Auteuil, où elle est maintenant Directrice Veille et Stratégie.
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Partir de la première édition…
Le Guide initial, en 2000, présentait un catalogue de 100 champs des politiques et de l’action sociale (adoption, délinquance juvénile, logement social, handicap, etc…). Pour chacun étaient détaillés les repères historiques de la construction, les dispositifs et actions en place, les questions et enjeux d’avenir, les références juridiques. Ce catalogue était largement renseigné… mais c’était un catalogue, donnant ainsi l’impression que l’action sociale et les politiques qui l’orientent formaient un empilement de dispositifs avec chacun sa logique, mais sans vision commune.
… pour aborder une nouvelle approche
Le nouvel ouvrage est visiblement le fruit d’un considérable travail de reconstruction, illustrant une logique d’ensemble, certes complexe, ponctuée d’avancées et de reculs contradictoires, mais construite autour de programmes et finalités. Par analogie, le passage d’une édition à l’autre est révélateur de l’énorme mouvement engagé depuis 15 ans : une approche générale de l’action sociale avec des constructions organisationnelles et des orientations, globales ou ciblées, autour de l’ajustement des réponses aux besoins. Selon les références, les uns verront (appuieront ou dénonceront) essentiellement les évolutions institutionnelles et organisationnelles, d’autres les avancées et insuffisances en termes de réponses aux besoins sociaux.
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Les contenus, en commençant par le cadre général de l’action sociale…
L’auteure présente dans une première partie l’architecture et les institutions gérant les politiques d’action sociale. Cette approche revient à illustrer les propos de Robert Castel, évoquant un « nouveau référentiel de tensions » dans son livre « L’insécurité sociale » (Seuil, 2003) à l’œuvre dans l’évolution de la Protection sociale :
- Ouverture généralisée et égalitaire versus ciblage et discrimination positive,
- Prestations uniformes versus définition des prestations à partir des besoins,
- Secteurs cloisonnés les uns des autres versus traitement transversal de l’ensemble des problèmes sociaux rencontrés par une même personne,
- Administrations centralisées dans la gestion d’un risque et d’un problème versus partenariat contractualisé avec l’ensemble des acteurs susceptibles d’intervenir,
- « Administrations de gestion » versus « administrations de mission »,
- « Centralisation et administration pyramidale » versus « décentralisation et territorialisation ».
Au-delà des dispositifs institutionnels, le livre détaille les nouveaux outils du pilotage public (schémas, PRIAC, CPOM, GCSMS…) souvent commentés ici. Je note un optimisme mesuré sur les GCSMS (peu utilisés aujourd’hui, davantage demain, selon l’auteure, comme supports des recompositions), alors que je suis plus dubitatif (un dispositif probablement marginal). Ces contenus sont évoqués sans angélisme mais en évitant le discours incantatoire pour faciliter la compréhension.
… se poursuivant autour de 7 champs, plus un résumé
L’ouvrage présente les grands champs de l’action sociale, en les reliant soit par rapport à des publics catégoriels, soit à des secteurs de l’action publique :
- Un 1er chapitre sur les politiques de la famille, très détaillé, présente 5 problématiques ciblées : politiques familiales, petite enfance, adoption, politiques de la jeunesse, l’errance (une problématique originale, même si l’auteur indique une faible médiatisation du thème dans la période récente). Pour chaque problématique (et également dans les chapitres suivants), sont présentés les grandes phases historiques de construction des politiques qui la concernent, les évolutions récentes, les enjeux actuels, les dispositifs et actions, les références juridiques, une bibliographie.
- Un 2ème chapitre sur la prévention et la protection de l’enfance avec 4 problématiques ciblées : protection maternelle infantile, protection de l’enfance, prévention spécialisée, protection judiciaire de la jeunesse.
- Un 3ème chapitre sur le handicap et l’insertion, avec 4 problématiques : politiques en direction des personnes en situation de handicap, intégration scolaire, prise en compte de l’autisme, travail protégé et insertion professionnelle.
- Un 4ème chapitre pour l’âge et la dépendance. 3 problématiques sont détaillées : politiques en direction des personnes âgées, dépendance comme nouvelle question sociale, tutelles.
- Un 5ème chapitre pour la précarité, la pauvreté, l’exclusion, toujours avec le détail de problématiques. L’auteure en détaille 7 : politiques de lutte contre la pauvreté, surendettement, politiques du logement, logement des jeunes, hébergement et habitat collectif, insertion par l’économique, les gens du voyage (un contenu original, déjà en partie présenté dans la 1ère édition, très enrichissant).
- Un 6ème sur la question des villes et territoires, avec 2 problématiques : action sociale globale et politiques de la ville.
- Un dernier sur le thème santé publique et intervention sociale, avec 4 problématiques ; toxicomanie, maladies mentales, politique de lutte contre le SIDA, prévention du suicide.
- 3 périodes sont représentées dans les pages finales : des tableaux très clairs pour 1945 à 1975, 1975 à 2000, après 2000.
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Un conseil : achetez, lisez ce livre …
Au-delà des contenus et du découpage pertinents, chacun retrouvera ou apprendra une construction qui allie une approche politique avec une culture de l’action sociale dans ses différents dispositifs. Le style est concis, limpide, mesuré, précis et défend ainsi mieux des modes d’intervention qu’un discours militant. Certains passages sont passionnants, notamment ceux qui détaillent l’histoire, dans certaines thématiques (j’ai beaucoup apprécié les pages sur les gens du voyage, la protection judiciaire de la jeunesse, l’adoption, l’errance, la petite enfance, l’autisme).
Je relève quelques oublis : en matière de toxicomanie, l’omission des évolutions récentes autour de toutes les addictions et de la transformation en cours des CSST/CCAA en CSAPA, en matière de tutelles, l’omission de la question des MAJ et MASP pour les tutelles aux prestations sociales, du régime nouveau des services tutélaires, du soutien des tuteurs dans les familles. Je ne suis pas du tout d’accord sur la toute dernière phrase du livre concernant le dossier de l’usager qui, du fait d’une absence de décret spécifique, ne pourrait donc, selon l’auteure, être communiqué. Il me semble qu’est trop mise de côté dans les tableaux finaux la phase de construction des professions sociales, dans les années 1950-1960.
Mais enfin, à ces éléments près, ce livre est rigoureux et d’une richesse inégalée, sans langue de bois, serein, pédagogique. Merci donc pour ce gros travail qui sera utile à beaucoup.
Daniel GACOIN
Aquest va ser sempre fora que hi ha un munt d'aqu a l'espera de la dreta.
Rédigé par : buy proviron | 07 avril 2011 à 17:36