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Un domaine en progression dans le secteur social et médico-social…
Je donne régulièrement ici des nouvelles de l’évaluation sociale et médico-sociale. Si cette dernière peut relever de plusieurs domaines (juger la pertinence des politiques sociales ou le fonctionnement d’une organisation, mesurer l’efficience des pratiques d’accompagnement, analyser les besoins sociaux pour un territoire, un groupe ou une personne), celle qui est évoquée ici concerne l’amélioration continue de la qualité, dans des processus rendus obligatoires par la loi du 2 janvier 2002 :
- pour chaque établissement ou service, la réalisation une fois tous les 5 ans d’une évaluation interne sur la qualité des pratiques et des fonctionnements,
- pour le même établissement ou service, la réalisation une fois tous les 7 ans d’une évaluation externe opérée par un cabinet agréé, toujours sur les pratiques et fonctionnements, mais avec un regard sur les suites données à l’évaluation interne,
- pour chaque structure, la prise en compte progressive de « recommandations, références et procédures de bonnes pratiques professionnelles », élaborées et validées par un Conseil national de l’évaluation (CNESMS), devenu Agence Nationale de l’Évaluation Sociale et Médico-sociale (ANESM).
… et ses clarifications progressives, depuis 2006 notamment
Au-delà de mes réflexions sur ces démarches, chacun aura pu lire ici (15 billets sur 104, depuis 32 mois), des informations sur les clarifications officielles :
- le positionnement de l’évaluation interne : démarche de progrès et d’amélioration, non de notation ou de certification (CNESMS 2006, ANESM 2008),
- le positionnement de l’évaluation externe : un contenu, une exigence de qualité des futurs évaluateurs (cahier des charges 2007),
- les contenus à aborder : 4 domaines indispensables,
- la dynamique de l’ANESM depuis 2007, et sa production des premières « recommandations de bonnes pratiques professionnelles » (sur la participation des usagers dans les structures comme les CHRS), diffusées en mai 2008,
- le feuilleton des dates butoirs avec le report prévisible à fin 2009 pour l’évaluation interne et fin 2016 pour l’évaluation externe (à quand la clarification définitive ?).
Nouvel épisode : l’avancée des travaux de l’ANESM
L’ANESM a produit, le 8 août 2008, 3 séries de « recommandations de bonnes pratiques professionnelles », sur les thèmes suivants :
- Les conduites violentes dans les établissements accueillant des adolescents,
- La mise en œuvre d’une stratégie d’adaptation à l’emploi des personnels au regard des populations accompagnées,
- La bientraitance : définition et repères pour la mise en œuvre.
J’aurai l’occasion de revenir sur ces contenus, mais, dans la forme, je note que l’ANESM poursuit son travail avec une même méthode (de « consensus formalisé » comme dans le domaine sanitaire, même s’il existe des inflexions). Je confirme ce que je disais en mai dernier, l’ANESM s’éloigne sensiblement des définitions posées par le CNESMS pour ces textes (il avait demandé une déclinaison en 3 catégories : « recommandations », « références », « procédures ») en présentant surtout des références. Et je confirme aussi mon regard sur ces productions : un caractère normatif, peu de place à l’innovation. Néanmoins, pour le texte sur la bientraitance, je retire mon appréciation négative de mai : le texte apporte des éclairages et connaissances pour le lecteur, même averti, ce qui n’est pas le cas des autres textes.
Les autres travaux ou prévisions de l’ANESM depuis mai :
- Le lancement d’une étude sur l’avancée de l’évaluation interne par deux canaux (interrogation des DDASS et Conseils généraux, interrogation des établissements et services).
- La mise en place d’une évaluation externe ciblée, au nom de la CNSA, sur les centres de ressources pour le handicap rare : la fin de cette évaluation, par un cabinet choisi par appel d’offres, est prévue pour début octobre 2008.
- Le lancement d’un appel à contribution d’établissements ou services pour la mise en œuvre des recommandations : les établissements volontaires seront appuyés par des chargés de mission de l’ANESM et contribueront à un retour d’expériences et à une adaptation des recommandations.
- La sortie dans quelques semaines de nouveaux textes de recommandations de bonnes pratiques professionnelles concernant : 1. L’ouverture des établissements, 2. Le projet de vie de la personne, 3. Le rôle du management dans la prévention et la lutte contre la maltraitance, 4. Le soutien de l’exercice de l’autorité parentale.
- La prévision d’une lettre d’information trimestrielle dénommée « Perspectives », qui se fera l’écho des échanges dans ses instances.
- La dynamisation de son site Internet.
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Autre épisode : le regard sur l’avancée des évaluations internes sur le terrain…
Il est intéressant de lire en détail une étude faite par le CREAI de Bourgogne. Il s’agit du résultat d’une enquête effectuée au premier trimestre 2008 auprès de 316 structures (on est loin de l’ensemble des structures de la Région), dont 53 % seulement ont répondu. Ses résultats indiquent :
- 35 % des établissements ou services répondeurs ont réalisé ou entamé l’évaluation interne (16 % démarche terminée), 26 % ont clairement le projet de la démarrer, 38 % ne sont pas engagés (n’en ont pas même le projet). Si l’on tient compte du taux de non réponses, le pourcentage de structures non engagées dans une évaluation est plus élevé, au moins entre 40 % et 50 % des structures.
- La durée des démarches d’évaluation interne terminées : pour 40 % moins d’un an (dont 8 % en un mois), pour 42 % de 1 an à 2 ans (mais avec une grande majorité de 1 an), pour 18 % plus de 2 ans (démarche ISO ou qualité).
- Une utilisation de référentiels déjà établis pour deux tiers des réponses (le référentiel du CREAI, Périclès, étant le plus cité, sans prédominance), une construction ex nihilo pour un tiers.
- L’appel à un intervenant extérieur pour deux tiers des répondeurs. Parmi ces intervenants extérieurs : pour 35 % un intervenant de fédérations associatives (APF, FEGAPEI, Arche), 27 % un cabinet privé (dont mon propre cabinet, ProÉthique conseil), 21 % le CREAI, 5 % l’IRTS.
- Le coût de l’évaluation interne, quand elle a été réalisée ou programmée : pour 59 % moins de 10 000 euros (interventions brèves, non comptabilisation d’un intervenant d’un siège, etc…), pour 35 % un coût entre 10 000 et 20 000 euros, pour 6 % un coût entre 20 000 et 30 000 euros (plusieurs années, démarche ISO).
- Les répondants n’ayant pas réalisé ni engagé la démarche d’évaluation : pour 16 % il s’agit de problèmes techniques ou méthodologiques, 16 % en attente d’une position de l’ANESM, 16 % ne pouvant financer le coût de la démarche, 15 % l’équipe n’étant pas prête, 48 % autres motifs sans précision (plusieurs réponses possibles).
- Enfin, l’enquête relève, au-delà des difficultés rencontrées (démarche lourde, difficultés de mobilisation, manque de moyens, approche normative), des retours très positifs et surtout une absence de « déçus de l’évaluation » dans les réponses.
... et ses premiers enseignements
Je prends ces résultats avec intérêt et prudence, une seule région n’étant pas représentative de l’ensemble de la France. L’étude est insuffisante, mais l’on peut en tirer deux enseignements :
- Le taux de 40 à 50 % de structures non engagées dans l’évaluation (attendant de voir, etc…) semble très important. L’indécision des impératifs et méthodes semble en être la principale cause : une raison de plus pour espérer des repères clairs, du côté des pouvoirs publics,
- Compte tenu de l’hétérogénéité des démarches et outils utilisés pour l’évaluation, y compris pour le tiers de structures construisant leur propre référentiel, se confirme l’avancée d’un marché concurrentiel : une raison de plus pour demander aux porteurs de référentiels clés ou accompagnateurs de rester modestes et de présenter leurs supports avec l’intégralité des coûts (direct, indirect).
Daniel GACOIN
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