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L’ANESM nouvel organisme de référence…
Je prolonge mon billet précédent (pour lequel j’ai été fortement sollicité directement ou par ce blog : cf. mes réponses) en revenant sur les travaux de l’ANESM, Agence Nationale de l’Évaluation Sociale et Médico-sociale, qui a pour mission de :
- Promouvoir l’évaluation dans le champ social et médico-social,
- Produire des recommandations, références et procédures de « bonnes pratiques professionnelles » sur des thèmes où est constatée une absence de repères validés,
- Agréer des organismes qui seront chargés de mettre en œuvre des évaluations externes.
Pour rappel, l’ANESM a été mise en place en mai 2007, dans la suite du Conseil national de l’évaluation sociale et médico-sociale (CNESMS), mais avec des moyens propres et plus importants. À ce sujet, je m’interroge sur la contribution annuelle des établissements et services, évaluée en 2007 à 35 euros et non appliquée à ce jour : mais où est-elle passée ?
… et ses premiers travaux
L’ANESM avait annoncé son programme de travail 2008 : 15 thèmes de « bonnes pratiques professionnelles », une déclinaison du Guide de l’évaluation interne du CNESMS dans une Version 2, puis par type de structures, l’habilitation des futurs évaluateurs externes, des conventions avec des organismes dont la Haute Autorité de Santé. Ce programme a commencé à se réaliser, c’est une bonne nouvelle (pour l’évaluation, nous étions plutôt habitués jusque là aux retards)… d’autant que nous sont promises d’autres recommandations en juillet 2008 (notamment pour la prévention et la gestion de la violence dans les établissements de protection de l’enfance pour adolescents).
Le 15 mai, sont donc parus 2 textes (téléchargeables sur internet : www.anesm.sante.gouv.fr/site/publications) pour lesquels j’ai été interpellé par plusieurs lecteurs :
- La version actualisée du Guide de l’évaluation interne (la Version 2),
- Des recommandations de « bonnes pratiques professionnelles » sur le thème de la participation et l’expression des usagers dans des établissements d’inclusion sociale (CHRS, CADA, Service d’accueil d’urgence).
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La Version 2 du Guide de l’évaluation interne
Elle était très attendue, chacun guettant des inflexions par rapport au texte de septembre 2006 qui présentait une démarche d’évaluation nécessairement ouverte… De fait, la Version 2 répond à ces inquiétudes : pas de changement fondamental, une continuité. Le nouveau texte n’apporte ni nouvelle orientation, ni exigence plus précise, seulement une confirmation des repères élaborés par le CNESMS :
- L’évaluation et ses fondements : l’inscription dans les principes de l’évaluation des politiques publiques (démarche participative), un support d’analyse collective, une démarche d’objectivation (pertinence, cohérence, impact, efficacité et efficience des actions conduites), un outil de connaissance, d’aide à la décision et de conduite du changement,
- L’évaluation comme vecteur : de production de connaissance, d’amélioration de la qualité des prestations et des pratiques, d’innovation sociale,
- Les grands principes de 2006 réaffirmés, l’évaluation supposant : participation (usagers, professionnels, partenaires), implication des instances institutionnelles, « démarche projet », démarche éthique et déontologique, éclairage des tensions entre objectifs et besoins ou attentes, appréciation des pratiques et des actions au regard de recommandations et repères, regard sur la structure comme un système,
- Les 4 domaines prioritaires de l’évaluation également confirmés : 1. Les droits des usagers, 2. La structure dans un environnement, 3. Le projet d’établissement et sa mise en œuvre, 4. L’organisation de la structure.
En lisant attentivement le texte, on trouvera quelques inflexions, souvent intéressantes :
- L’insistance est plus forte sur la question de l’efficacité et l’efficience des actions, de la mesure de leurs impacts, nous faisant ainsi avancer vers une évaluation des effets et non seulement sur la réalité des actions. Ce n’est pas une nouveauté certes, mais par rapport au Guide Version 1 de 2006, cette insistance approfondit ainsi le lien entre des évaluations centrées sur les moyens et celles centrées sur les résultats,
- Le texte indique qu’il n’est pas nécessaire de travailler tous les items possibles de la qualité de façon exhaustive. J’ai moi-même souvent marqué ma défiance à l’égard des référentiels « clés en mains », traitant à égalité et en totalité tous les contenus possibles et aboutissant à de véritables « usines à gaz » pour ne pas apprécier cette position. Le Guide recommande ainsi : 1. D’aborder un nombre restreint de processus clés correspondant aux priorités institutionnelles, 2. De privilégier non l’addition d’items, mais l’articulation entre les contenus et les domaines,
- Enfin, le texte insiste sur une nécessaire rigueur des outils de mesure d’écarts entre qualité attendue et qualité réelle, les indicateurs, recommandant de recueillir des données précises. Je ne peux qu’abonder dans ce sens, voyant trop de démarches attachées à ne recueillir que des perceptions sur un mode « pifométrique ». C’est bien ce qui générait les critiques justifiées de M. Chauvière par exemple (voir mon billet du 6 janvier) sur le caractère pseudo-scientifique de l’évaluation.
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Les recommandations de bonnes pratiques professionnelles pour le secteur de l’inclusion sociale
L’ANESM inaugure, avec le 2ème texte, la production de « recommandations de bonnes pratiques professionnelles »… Il s’agit ici du thème de l’expression et de la participation des usagers dans les établissements relevant du secteur de l’inclusion sociale.
- Le texte est approfondi, établi à partir d’une méthodologie qui sera systématiquement reprise dans l’avenir (elle avait déjà été avancée par le CNESMS) : la démarche de « consensus formalisé » (étude de la littérature autorisée, élaboration de recommandations par un groupe d’experts, avis d’un groupe de professionnels pour une cotation, formalisation finale par un comité de lecture) élaborée en médecine par la Haute Autorité de Santé. La méthode est originale, peu connue dans notre secteur : c’est la première fois qu’elle y est utilisée et il convient de le saluer *.
- Le texte développe les fondements des démarches d’expression et de participation, en les mettant en liant avec des fondements éthiques et les autres démarches au profit des usagers (éthique, personnalisation).
- Il propose ensuite une déclinaison de critères de qualité et procédures ou recommandations pratiques sur les 4 formes mises en avant pour l’expression et la participation des usagers : Conseils de la vie sociale, groupes d’expression, groupes-projets, enquêtes de satisfaction. De fait, l’ensemble est impressionnant et bien utile.
Je réponds aux questions qui m’ont été posées par des lecteurs : l’intérêt de ces apports.
- Élément positif : ils formulent des éléments indispensables et ouvrent d’ailleurs les regards, en éclairant le « comment faire ». La batterie des recommandations est construite dans les 4 thèmes sur une logique qui était la mienne dans mon livre « Communiquer dans les organisations sociales et médico-sociales » (des fondements, des stratégies, des éclairages pratiques)
- Élément qui interroge : l’organisation du texte (même si je comprends la difficulté) est insuffisamment structurée (ce n’est pas lisible) dans une logique « recommandations / références / procédures » qui est celle de la loi, d’autant plus que cette logique avait donné lieu à des définitions affirmées en 2006 par le CNESMS.
- Autre élément qui interroge : si l’on part du principe que l’évaluation produit de la connaissance, soutient l’amélioration de la qualité et promeut l’innovation sociale, les recommandations proposées ne font que soutenir l’amélioration de la qualité, elles ne produisent pas vraiment de la connaissance et n'aident aucunement l'innovation,
- Élément problématique : le contenu de ces recommandations est parfois décevant par leur absence d’originalité, voire leur caractère uniquement normatif. Ainsi, nulle recherche ou ouverture sur des pratiques possibles. Je l’évoquais avec un cadre de l’ANESM, il était possible de mettre en avant quelques innovations dans ces recommandations : par exemple l’utilisation des NTIC, des blogs, pour l’expression des usagers, ou par exemple ce qui a été présenté aujourd’hui dans les ASH sur une commission de recours dans un CHRS de la Fondation Armée du Salut. Attention donc pour l’avenir : des recommandations utiles doivent comprendre, à mon sens, l’ouverture à des innovations.
Daniel GACOIN
* Le lecteur qui voudrait comprendre la méthode peut télécharger le guide publié en janvier 2006 par la Haute Autorité de Santé : c’est très intéressant en termes de concepts et méthodes. Voir donc : www.has-sante.fr/portail/jcms/j_5/accueil.
bonjour,
pourriez vous me communiquer un lien me permettant d'acceder à la version 2 du guide de l'anesm, il n'apparait pas sur leur site
merci
cordialement
catherine
Rédigé par : catherine | 12 juin 2008 à 11:48
Vous trouverez le lien dans le corps du billet sur les 2 dernières publication de l'ANESM, il suffit de cliquer dessus
Sinon faites : www.anesm.sante.gouv.fr/site/publication
Bien cordialement
Daniel Gacoin
Rédigé par : Daniel Gacoin en réponse à la question de Catherine | 14 juin 2008 à 08:18
Etudiant en MASTER SH, je mène une réflexion sociologique sur le thème de l'intimité au sein d'institution SMS et plus précisément concernant les personnes déficientes intellectuelles et l'interaction avec le personnel accompagnant.A la lecture des recommandations de bonnes pratiques professionnelles, je n'arrive pas à situer ce thème. Merci de m'apporter des informations sur le sujet en rapport avec ces recommandations.
Rédigé par : férouz.tazibte | 01 avril 2009 à 23:29