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L’évaluation sociale et médico-sociale avec son double dispositif…
Depuis la loi du 2 janvier 2002, l’obligation d’évaluations internes et externes dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux a avancé bien lentement. J’en rappelle ici les principes:
- Chaque établissement ou service est obligé de procéder, une fois tous les 5 ans, à une évaluation interne de la qualité de service et d’organisation, dont il remet les contenus aux autorités de contrôle. Elle doit se réaliser au regard de « références, recommandations et procédures de bonnes pratiques professionnelles validées » ou « élaborées par un Conseil national de l’évaluation sociale et médico-sociale », le CNESMS,
- Chaque structure est également obligée de faire procéder, une fois tous les 7 ans, à une évaluation externe par un organisme agréé (un cabinet), remettant ses constats et recommandations à l’organisme gestionnaire (celui-ci ayant la charge de les transmettre aux autorités de contrôle).
Cette obligation a suscité des débats (une révolution à venir, nécessaire pour les uns, inadmissible pour les autres), des demandes de clarification (outils, supports, contenus), d’autant que se profilaient des porteurs et marchands de méthodes clés en main. La seule certitude : l’arrivée de l’évaluation est annonciatrice d’un changement profond…
… et le cadre qui a commencé à se clarifier…
Je l’ai souvent relaté ici, cette perspective a commencé à se clarifier :
- Fin 2005-début 2006 : le CNESMS, créé en 2005, a donné des définitions aux termes de « recommandations, références et procédures de bonnes pratiques professionnelles »,
- Septembre 2006 : le CNESMS a arrêté un guide de l’évaluation interne, avec ses incontournables (débat avec participation, conduit comme une démarche projet, autour de 4 thèmes : l’usager, l’environnement, le projet, l’organisation),
- Mai 2007 : l’Agence nationale de l’évaluation sociale et médico-sociale, l’ANESM, créée en mars 2007 en remplacement du CNESMS, a été chargée par décret de l’agrément des organismes chargés de l’évaluation externe. Un cahier des charges indique que cette évaluation sera, non une notation à partir d’indicateurs standards, mais un processus complexe (étude documentaire, questionnaire évaluatif personnalisé, observations, écoute et prise en compte des points de vue, analyse et rédaction d’un rapport).
- Décembre 2007 : l’ANESM présente son calendrier 2008, comprenant une déclinaison du guide de l’évaluation interne par type de structure et un programme de formalisation de recommandations, références et procédures de bonnes pratiques professionnelles sur 15 thèmes (le CNESMS avait un programme de 16 thèmes, mais n’avait pas avancé dans les contenus).
… malgré le maintien de l’inconnu sur les dates…
Un élément majeur est resté flou : Les dates butoirs de ces évaluations…
- Janvier 2002 : un décret avait précisé que la 1ère évaluation interne était à produire avant le 3 janvier 2007, et la 1ère évaluation externe avant le 3 janvier 2009,
- Février 2006 : une circulaire de la DGAS avait indiqué que ces délais étaient repoussés, et annonçait un décret avant fin 2006 sur les nouvelles dates retenues,
- Automne 2006 : des propos de la DGAS indiquaient un possible report de 2 ans, à janvier 2009 (évaluation interne) et janvier 2011 (évaluation externe),
- Mars-avril 2007 : un projet de décret de la DGAS circule, indiquant un possible report à janvier 2009 (évaluation interne) et janvier 2010 (évaluation externe). Il ne paraît finalement pas,
- Mai 2007 : le décret sur le cahier des charges pour l’évaluation externe précise que cette dernière devra se réaliser dans un délai maximum de 2 ans après l’évaluation interne. Il ne reste donc plus au ministère qu’à officialiser la date butoir pour cette évaluation interne pour que tout soit clarifié.
- Mais depuis, plus rien… L’annonce d’un décret toujours imminent… Des négociations et arbitrages difficiles à arrêter… Une incertitude de plus en plus suspecte.
… qui n’a pas empêché les travaux et appétits de se développer
Et pourtant, les établissements et services sont entrés pour une part importante dans l’évaluation interne… Et pourtant, des cabinets ont postulé auprès de l’ANESM (155 l’avaient fait en janvier 2008) pour être agréés comme évaluateurs externes… Et pourtant également, de nombreux spécialistes ou non spécialistes se sont mis à se frotter les mains et à rêver d’une manne financière importante (autour de 300 millions d’euros selon mon appréciation) pour ces évaluations externes sur une période courte (2 ans)…
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Les dernières nouvelles…
La finalisation des dates butoirs fait hésiter les pouvoirs publics : différends entre responsables, absence de priorité politique, négociations serrées avec les représentants des organismes concernés, coût des évaluations externes (en a-t-on les moyens aujourd’hui ?... surtout quand on connaît les difficultés échangées, il y a peu, sur la question de la gratification des stagiaires). Trois hypothèses semblent être à l’étude :
- Une première, simple : un report de 2 ans pour l’évaluation interne (début 2009) et de 1 ou 2 ans pour l’évaluation externe (début 2010 ou 2011). Mais le rythme des travaux du CNESMS, et aujourd’hui de l’ANESM est loin de la rendre réaliste.
- Une deuxième, plus extrême : un report plus important et conjoint de ces 2 types d’évaluation (9 ans,soit respectivement début 2011 et début 2013 pour l’une et l’autre). Mais un report aussi important pour l’évaluation interne (engagée aujourd’hui dans près de la moitié des institutions) serait ubuesque.
- Une troisième, originale : le maintien de la 1ère évaluation interne à une date butoir proche (fin 2009), le décalage de la 1ère évaluation externe à 2 ans après la 2ème évaluation interne des structures. Celle-ci devant être effective à fin 2014, la date butoir de la 1ère évaluation externe serait ainsi reportée à fin 2016.
Cette troisième hypothèse semble remporter la préférence, cela m’est confirmé aujourd’hui par plusieurs sources. Elle ne m’étonne pas : j’ai toujours pronostiqué une remise importante de la date butoir de l’évaluation externe avant même une possible annulation (ou d’autres configurations de type agence centrale pour certains types d’établissements), pour des raisons de coût.
… et les désillusions ou réjouissances qu’elles vont provoquer
La progression de cette troisième hypothèse, si elle se confirme, va en décevoir plus d’un : les cabinets qui attendaient un marché, mais également les structures (le corollaire sera peut-être en effet une exigence forte de mesures et de contenus plus précis pour les évaluations internes). Mais elle va aussi rassurer un secteur d’activités qui n’en peut plus des réformes continuelles, de l’inflation réglementaire et de politiques volontaristes non couplées avec des moyens à la hauteur des ambitions.
Je pense que cette position qui semble avancer, dans l’optique de son maintien, est raisonnable, même si je vais plus loin en pronostiquant, et en souhaitant, l’abandon de l’évaluation externe. Mais j’attends le décret final avant de tirer des conclusions définitives… et avant de possibles prochains épisodes !
Daniel GACOIN
Bonjour,
Effectivement la 3ème solution parait la plus probable puisqu'il est prévu une évaluation externe dans les 2 ans qui précèdent la demande de renouvellement de l'agrément soit comme date butoir le 2 janvier 2017 pour tous les établissements existants au 2 janvier 2002.
Voici une date dont on parle peu mais qui en définitive va conditionner beaucoup de chose. En effet, la communication du résultat de l'évaluation externe à l'organisme de contrôle est une condition indispensable.Il est fort à parier que cette obligation subsiste sinon cela viderait la Loi du 2 janvier 2002 d'une partie de son esprit.
Quant aux 300 millions (si c'est exact) que représentent ces obligations, je crains fort que nous devions les absorber sur le fonctionnement général des établissements comme tant d'autres dépenses qui se surajoutent chaque année...
Notre avenir budgétaire est bien morose mais hélàs ce n'est pas une nouveauté. Espérons que les usagers (voir l'autre article sur ce blog et qui est très intéressant) n'en patissent pas trop.
Paradoxalement, et contrairement à Daniel GACOIN, je pense que l'évaluation externe peut avoir des effets très bénéfiques sur l'accompagnement offert car c'est une occasion unique d'avoir un regard extérieur et interrogatif sur nos pratiques par d'autres professionnels qualifiés. Cet aspect peut être très enrichissant si il existe une volonté constructive commune(ce qui est prôné par l'ANESMS) et non un flicage de la structure(comme certains le craignent).
Ensuite, pèsera sur les établissements une réelle obligation d'amélioration du fonctionnement alors qu'à ce jour, il est très possible de vivoter avec les principes d'il y a 30 ans (Loi de 1975)...
L'histoire nous dira comment cela se passe.
Rédigé par : Alexandre Hausknost | 14 mai 2008 à 16:53
Une publication récente de l'ANESM, à télécharger sur leur site, vient compléter et préciser les recommandations du guide du CNESMS mais aucune annonce précise de nouvelles dates butoir...
Rédigé par : G. Bonfils | 21 mai 2008 à 14:46
Et pendant ce temps là,....
A titre professionnel, j'intervenais la semaine dernière au sein d'un ESAT qui se demande toujours comment intégrer l'évaluation interne à sa démarche qualité : il n'y a plus de direction depuis plus de 6 mois....
A titre personnel :
- mon fils aîné entré en ESAT en septembre dernier est toujours en attente d'une carte vitale à son nom...
De plus, son SAVS et la MDPH de la Drôme ne peuvent dans le cadre de la PCH l'aider pour ses taches ménagères...la Drôme est pourtant l'un des 3 départements pilotes pour la mise en place des services à domicile pour les personnes handicapées (HanDrôme services labellisé par Handéo)....
- pour son cadet, les choses sont plus faciles à vivre, mais à 20 ans il perd son AEEH mais pas son handicap génétique...toujours étudiant, il n'a pas droit à l'AAH, nous cocherons "Autres cas" sur les nouveaux formulaires Cerfa N°12092 (5 pages) et N°12690 (4 pages)...
- pour notre plus jeune fils, nous avons déposé un recours auprès du TCI après la suppression de son 1°complément d'AEEH en décembre 2006...son dossier s'est perdu entre la CDA Enfants de la Drôme et le tribunal à Lyon....
Par ailleurs, nous espérons que son référent de suivi de scolarisation puisse faire en sorte que son ordinateur portable (Programme Handiscol), son AVS, son VSL, le suivent du collège au lycée professionnel...
Tout cela pour dire que si nous n'avons pas les moyens de l'évaluation externe (Je fais pourtant partie des 155 ayant postulé auprès de l'ANESM pour être agréé évaluateur...), il serait plus efficient de la supprimer.
Représentants des bénéficiaires, nous préférons que ces moyens, toujours trop limités, soient mis au service de l'amélioration interne au sein des établissements certes mais surtout,...
...surtout, auprès de tous les acteurs en interface (MDPH, autorité de contrôle, réseau, services de recours, conseils généraux, Inspection de l' Education Nationale,...).
...les bénéficiaires et leurs familles sont déjà usés.
Pascal TREFFOT
Qualiticien Conseil
Cofondateur et Président des Enfants du Jardin
Maladies Héréditaires du Métabolisme
Rédigé par : Pascal TREFFOT | 24 mai 2008 à 17:27
De nombreuses interpellations sur ce blog ou en direct m'amènent à apporter des compléments à ce billet.
Effectivement, les évolutions possibles et non encore confirmées par décret des dates butoirs des évaluations internes et externes posent de nombreuses interrogations :
- Quand seront-elles enfin officielles ? Les derniers arbitrages, que j'évoquais dans ce billet, ne sont pas encore arrêtés...
- Pourquoi les récents écrits de l'ANESM, notamment le nouveau guide de l'évaluation interne d'avril 2008, diffusé depuis 3 semaines, n'évoquent pas les dates butoirs ? Tout simplement parce que cette question ne relève pas de l'ANESM mais de la DGAS... A l'ANESM d'ailleurs, on attend les clarifications de la DGAS, cela m'a été confirmé directement, de même que l'augmentation des postulants à la fonction d'évaluateur externe (230 il y a 15 jours)...
- Le financement de l'évaluation externe ? Il reste une large inconnue, même si je confirme mon évaluation financière (autour de 10 000 euros par structure)...
- Nier la pertinence des évaluations externes ? Ce n'est pas mon propos. Dans l'absolu, je confirme l'intérêt d'une évaluation externe, surtout si l'on considère que son opérateur apporte un regard extérieur (c'est même une conception de base en évaluation des politiques ou dispositifs)... Mais je regarde cette question dans l'avalanche de recommandations, obligations nouvelles, changements continuels des cadres de référence et je pense alors qu'il convient de rester raisonnable et rationnel (réussir d'abord les conditions des évaluations internes dans toutes les structures)...
- Des moyens insuffisants à orienter sur les priorités ? C'est une évidence, mais chacun aura alors à coeur de favoriser sa propre vision, c'est ici que devrait se situer à mon sens la priorité politique lisible... nous manquons de lisibilité.
Cordialement à tous
Daniel GACOIN
[email protected]
06 19 41 30 02
Rédigé par : Daniel Gacoin à propos des remarques de A. Hausknost, G. Bonfils et P. Treffot | 06 juin 2008 à 10:28