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Plusieurs repères récents.
Quatre éléments ont attiré mon attention récemment sur le thème de la formation, articulant périodes « théoriques » et périodes « de stage », des travailleurs sociaux : un article des ASH Magazine sur les étudiants pauvres, le rapport Attali, l'augmentation des bourses aux étudiants et la rémunération des étudiants en stage professionnel.
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Premier élément : la réalité des étudiants travailleurs sociaux pauvres
Un dossieur d’ASH Magazine de janvier 2008 a le mérite d’éclairer sur une réalité, pourtant difficilement chiffrable, d’étudiants en travail social pauvres. Sont relevés le nombre non négligeable d’étudiants en situation difficile, notamment dans les formations de niveau V à III, avec une inégalité dans l’accès, régionalisé, aux bourses, des coûts d’inscription devenus importants (550 euros, et encore, sans compter les coûts d’inscription aux sélections dans plusieurs écoles), la difficulté (contrairement aux étudiants de l’université) de marier une activité salariée, pourtant indispensable, avec la formation. Et surtout, est retenue l’idée de 10 % de situations de grande précarité.
Tout en étant favorable au travail des jeunes pendant une partie de leurs périodes de congés, je ne manque évidemment pas d’être sensible à la situation décrite par cet l’article. Notamment parce que se met en place une très grande inégalité sur le territoire français, et également parce que la situation de formation, compatible avec des activités rémunérées à temps partiel, devient, dans certaines des situations décrites, un véritable chemin de croix, toujours pour les étudiants les plus modestes.
Deuxième élément : le rapport Attali
Je suis donc d’autant plus sensible aux propos du rapport Attali sur le thème. Il n’est pas possible d’appréhender dans ce billet l’ensemble du rapport. Je ne l’ai pas entièrement terminé. Commandé par le Président de la République à l’ancien sherpa de F. Mitterrand, réunissant avec une grande liberté 42 experts (parmi lesquels, je le note, une seule véritable experte de questions sociales), le rapport m’interroge… même s’il comporte des propositions utiles, liées à un abaissement des freins à la croissance, ou iconoclastes (certaines inquiétantes). La tonalité générale du catalogue me met aussi mal à l’aise que l’ouvrage collectif présidé par J. Attali, en 2007, qui s’appelait « L’avenir du travail » (Fayard) : des visions souvent fulgurantes, mais un ensemble noyé dans un apparent fatalisme à l’égard de la modernité, sans alternative.
Autour des priorités, puis de 316 propositions, j’ai apprécié une dynamique davantage tournée vers des projets que sur la gestion. Je retiens l’ambition fondamentale N°1 (sur 8), « Préparer la jeunesse à l’économie du savoir et de la prise de risque», et sa traduction concrète (décisions 12 à 18, décisions 122 à 129) pour le soutien de la formation en alternance. On trouve ainsi : le soutien des stages, les bourses d’emploi et de stage, les systèmes de crédit aux étudiants salariés, la non prise en compte des revenus d’un emploi étudiant dans le calcul des bourses, l’investissement plus global dans les universités, l’extension du modèle de l’alternance, la revalorisation de l’apprentissage et de la taxe d’apprentissage, le développement du tutorat en entreprise, etc… Je note également le soutien complémentaire à l’emploi (décisions 130 à 132 pour l’emploi des juniors, décisions 133 à 137 pour celui des seniors, décisions 138 à 145 sur la sécurisation des parcours professionnels). Et également des actions sociales à développer (décisions 157 à 162 sur le lien social, décision 163 sur le soutien des minorités, décisions 164 à 186 sur la mobilité sociale et le logement, décisions 221 à 223 en faveur de l’immigration).
Pas de doute donc : le soutien à l’alternance, l’approche par discrimination positive à l’égard des étudiants pauvres, l’investissement massif dans la formation constituent des axes majeurs du rapport. Si ces propositions sont suivies, les avancées seront évidentes. Pour les étudiants en travail social, j’aimerais appuyer une spécificité : une adéquation des mécanismes régionaux avec ces futures règles de droit nationales.
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Troisième élément : les bourses des étudiants.
Une revalorisation du système des bourses de l’enseignement supérieur a été adoptée par arrêté du 11 janvier 2008, avec notamment la création d’un 6ème échelon (sur critères sociaux). Il permettra aux 100 000 étudiants les plus défavorisés de voir leur bourse augmenter de plus de 7 % par rapport à l’année dernière. Un progrès indéniable, dont il convient tout de suite d’indiquer qu’il devrait être généralisé, notamment pour les personnes qui bénéficient de bourses des conseils régionaux… Or, pour ces derniers, en charge de la formation professionnelle et notamment de la formation des travailleurs sociaux, les règles sont inégales, peu transparentes, non alignées sur l’enseignement supérieur.
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Quatrième élément : les stages rémunérés
Est donc publié un décret daté du 31 janvier 2008 qui prévoit le paiement des stagiaires, pour tous les stages de plus de trois mois, par une gratification d’au moins 380€ par mois, soit 30% du Smic. La gratification de stage est due à compter du premier jour du premier mois de stage, si celui-ci est supérieur à trois mois. Elle est versée mensuellement. Elle est due sans préjudice du remboursement des frais engagés pour effectuer le stage et des avantages offerts, le cas échéant, pour la restauration, l'hébergement et le transport. Et enfin cette gratification est due, pour tous les stages en entreprise, dans une association, dans une entreprise publique, dans un établissement public, à caractère industriel et commercial.
Pour les associations du secteur social, un doute circule : la réforme les concerne-t-elle ? D’un côté, certaines écoles, des directeurs, semblent plaider pour une non application, de l’autre, des syndicats d’employeurs ont pris position : respecter, et tout de suite, le décret. Je dois dire que j’ai la même position. Les conséquences seront importantes pour les formations en travail social, comme cela a été évoqué dans un IRTS de la Région Centre où je « planchais », mardi, devant 80 directeurs sur le thème des GCSMS. La réforme, pour utile qu’elle puisse être, va mettre en danger les formations.
Ces métiers sont historiquement construits sur le principe de la formation en alternance. Depuis, les années 50 (par exemple dans les accords UNAR-ANEJI de 1958 pour les éducateurs), la question de la rémunération des stages est posée. Elle n’a pas été résolue. Les 380 euros mensuels aujourd’hui décidés, vont s’appliquer à toutes les structures privées, pourvoyeuses de la majorité des terrains de stage, et pas aux structures publiques (notamment les collectivités locales). Les pouvoirs publics sont incapables aujourd’hui de répondre à la question du financement de ces gratifications (sur le budget négocié ? à reprendre dans les comptes administratifs ? des dépenses opposables ? etc.. etc…). La situation financière risque d’être tendue, et (comble !) les conseils généraux, par exemple, risquent de refuser de prendre en compte ces gratifications dans les budgets, alors même qu’ils bénéficient d’une exonération de cette gratification pour leurs propres établissements. Le risque : des stagiaires qui se tournent vers les structures publiques, qui seront saturées, des structures privées qui n’ont pas les moyens d’accueillir des stagiaires. Et tout cela pour une gratification que les stagiaires eux-mêmes vont trouver largement insuffisante !
Comme toujours, je rêve d’administrations centrales qui prennent en compte tous les paramètres avant de décider, qui construisent des réformes dans une ensemble cohérent… Une utopie ??
Daniel GACOIN
Vers la smicardisation de la CCN 66 ?
Ce titre un peu provocateur cache malgré tout une réalité bien réelle depuis 1999 et le gel de la valeur du point pour financer les 35 heures.
Juste quelques chiffres pour étayer mes propos. En 1999, le point était à 22.29 frs, il est au 01/01/08 à 3.64 € soit une augmentation d'environ 6.9 %.
En parallèle l'inflation sur cette période a été de 15.9% soit un différentiel de 9 % en défaveur des salariés de la CCN 66.
Certains diront que nous (et oui, j'en fais partie) étions des privilégiés. D'accord, alors, je fournis trois autres exemples.
En 1999, un éducateur spécialisé, début de grille, avait un salaire supérieur à 54 % au SMIC. Au 1er janvier 2008, ce n'est plus que 33 % !
Pour un AMP début de grille, le rapport passe de 41 % à 22 %
Pour un agent de service : 22 % à 5 %.
Nous avions jusqu'à présent des relations sociales apaisées grâce à ces niveaux de rémunération. Nos facultés de recrutement en étaient considérablement améliorées.
A l'avenir (et c'est très proche), nous devrons faire face à des revendications salariales et les recrutements seront plus difficiles (et je passe sous silence la question des diplomes requis pour certains emplois).
Je suis donc très pessimiste pour l'avenir car je ne perçois aucun changement visant à inverser cette tendance. Seule solution : sortir de l'application de la Convention Collective ; mais à quel prix ? Cela se pratique déjà pour les DG et les Directeurs d'établissements. Peut-on étendre ce principe à tous les salariés.
Rien n'est moins sûr.
Rédigé par : alexandre HAUSKNOST | 13 février 2008 à 16:21