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La publication d’un décret …
Le 8 novembre 2007, par le décret N°2007-1573, la direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ), au ministère de la Justice, officialise la nécessaire mise en conformité des établissements et services du Ministère, comme établissements et services sociaux référés à la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale. Comme le dit le préambule du décret, ce texte était attendu depuis longtemps, et permet de répondre à plusieurs objectifs : relier les structures PJJ à l’ensemble des évolutions législatives et réglementaires des 6 dernières années ayant mobilisé tous les autres établissements et services sociaux et médico-sociaux, développer la lisibilité des missions et structures au service d’une meilleure qualité…
En ce sens, le décret permet de formuler un ensemble de progressions, bien nécessaires pour sortir les structures PJJ de leur situation « à part ». Certains pourront trouver là une situation problématique (l’abandon d’une spécificité), d’autres pourront au contraire se réjouir : alors même que se profile une mutation des missions (recentrage sur le pénal, présence dans des établissements pénitentiaires), cette évolution, inscrivant résolument les établissements et services PJJ dans une action d’accompagnement socio-éducatif, viendra apporter une garantie face à des risques de dérive.
… qui officialise un cadre formel
Le décret (c’est une direction du ministère de la justice qui parle) rappelle d’abord les missions spécifiques des établissements et services du secteur public de la Protection Judiciaire de la Jeunesse : accès et continuité de l’action éducative, relais entre institutions, objectif d’insertion sociale. Il ajoute que ces (on pourrait dire ses) structures sont soumises, comme tous les autres établissements et services sociaux et médico-sociaux au cadre du code de l’action sociale et des familles rénové par la loi du 2 janvier 2002. Le commun des mortels aura du mal à s’y retrouver… Il convient de rappeler que l’action éducative auprès des mineurs délinquants (ordonnance de 1945) et la mission d’assistance éducative judiciaire au titre de la Protection de l’enfance est assurée à la fois par des structures publiques de la PJJ (500 établissements ou services) ou par des établissements et services privés habilités, essentiellement gérés par des associations (autour de 1000 établissements ou services).
Le décret réaffirme ensuite les missions des structures PJJ : aide à la préparation des décisions de l’autorité judiciaire pour des mineurs délinquants ou jeunes en besoin de protection de l’enfance, mise en œuvre des décisions de l’autorité judiciaire (actions éducatives civiles en civil ou pénal, interventions éducatives auprès de mineurs incarcérés, activités de jour en faveur du développement ou de l’insertion), accueil et information des mineurs et familles dans les tribunaux, ou enfin participation aux politiques publiques (coordination ou organisation des actions).
… et sa déclinaison plus précise
Les contenus du décret indiquent :
- La liste/définition des structures PJJ. Le décret est intéressant puisqu’il divise les structures en 2 catégories : les établissements de placement éducatif d’un côté, les services éducatifs de l’autre.
- Les établissements sont détaillés (diversité des placements éducatifs, centres éducatifs fermés). Au titre des missions, il est intéressant de retrouver une palette très éducative : hébergement, évaluation des situations, organisation de la vie quotidienne, élaboration d’un projet individuel, entretien, protection et surveillance, contrôle des obligations judiciaires.
- Les services éducatifs sont également détaillés (de milieu ouvert, auprès des tribunaux, d’insertion, en établissement pénitentiaires pour mineurs). La liste étant longue, le détail de leurs missions l’est également dans le décret. Je relève uniquement ici celles qui concernent les services en établissements pénitentiaires pour mineurs (qui ont pu faire débat dans les derniers mois…) : prise en charge éducative continue, soutien du maintien des liens familiaux et sociaux, préparation de la sortie.
- Le décret détaille ensuite les conditions minimales de fonctionnement des structures : est officialisé le principe d’une unité éducative pour chacune d’entre elles, fonctionnant sous la responsabilité et conduite d’un directeur qui la mobilise autour de l’élaboration et la mise en œuvre d’un projet d’établissement ou de service. Ce projet d’établissement est établi pour une durée de 5 ans. Ce régime commun avec l’ensemble des établissements et services sociaux et médico-sociaux est important, puisqu’il évitera des évolutions soumises aux aléas de tel ou tel responsable provisoire. De la même manière, un règlement de fonctionnement est rendu obligatoire, pour chaque structure.
- Enfin le décret précise que les établissements et services du secteur public de la PJJ, créés, transformés ou supprimés par arrêté du garde des Sceaux, sont soumis aux obligations de toutes les structures sociales et médico-sociales : réponse aux besoins territoriaux, autorisation du préfet après passage et avis du Comité Régional des Organisations Sociales et Médico-Sociales (CROSMS), obligation de se soumettre au régime commun de contrôle et d’évaluation sociale et médico-sociale.
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Les conséquences : un plan de travail pour les 2 ans à venir …
Derrière ce décret se profile donc la normalisation des structures PJJ : chaque établissement ou service PJJ, contrairement à la situation précédente, ne va pas exister par une décision, une organisation, des objectifs, uniquement internes au ministère de la Justice ; au contraire, pour chaque structure à créer, il faudra organiser sa soumission au régime commun, l’officialisation du préfet après avis du CROSMS.
À noter : chaque structure déjà créée dispose d’un délai de 2 ans pour se mettre en conformité avec ce régime. En clair, les 500 établissements ou services déjà en place (exception faite de services en établissement pénitentiaire pour mineurs) vont devoir présenter leur dossier en CROSMS … avant novembre 2008. C’est pourquoi, pour ces structures en place, le décret ouvre un plan de travail précis :
- La création rapide de tous les outils de communication et de participation de la loi du 2 janvier 2002 (voir mon billet du 30 avril 2007),
- La mise en place d’un projet d’établissement, valable pour 5 ans,
- Le développement d’une évaluation (élaboration des références, critères et indicateurs de la qualité, mesure des écarts entre ces indicateurs et les réalités pratiques, élaboration d’axes de progrès et de chantiers d’amélioration),
- L’élaboration d’un dossier (procédure simplifiée) de présentation de la structure en vue du passage pour avis en CROSMS.
… à vivre comme une opportunité
Je confirme ce que je dis bien souvent aux responsables ou directeurs en formation de la PJJ : cette normalisation, évidemment difficile compte tenu de l’ampleur des chantiers concrets, ne peut être considérée comme un risque ou un abandon. Elle est une occasion importante de développer la spécificité éducative et sociale et l’appui sur une situation de droit… Elle doit donc être considérée comme un vecteur de progrès et non comme une difficulté.
Évidemment, cela veut dire qu’une application intelligente de ce plan de travail doit être soutenue par les directions départementales et régionales, point d’appui des structures. Je propose d'éviter les injonctions et la seule centration sur la production de documents. Je propose de créer les supports (projets départementaux, ressources en consultants, etc…). Je propose de développer des démarches par étapes : 1. outils 2002-2, 2. schémas directeurs des projets, 3. Appropriation des schémas directeurs et élaboration de références/critères/indicateurs qualité, 4. mesures de terrain et suivi en axes de progrès, 5. projets d'établissement complets, intégrant les chantiers d'amélioration de la qualité). Je propose surtout de soutenir une dynamique partagée. Cette dynamique est un objectif, tant interne à chaque structure, qu’externe (articulation avec l’organisation territoriale). C’est même l’objectif majeur. S’il est réalisé, la normalisation deviendra support de progrès.
Daniel GACOIN
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