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La publication d’un guide de bonnes pratiques…
Dans un post récent de septembre, je plaidais pour une pratique rationnelle et éthique des dossiers des usagers dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux :
- Des documents professionnels et techniques,
- Des classements rigoureux,
- Une consultation possible conçue comme un des modes d’accompagnement,
- Des contenus réalisés avec respect, en différenciant description objective des faits et position dans des analyses,
- Des règles de non-circulation entre institutions, en intégrant le nécessaire respect du droit des usagers et des règles du secret professionnel et de la confidentialité.
La Direction Générale de l’action sociale vient de publier un guide de recommandations de bonnes pratiques sur ce thème. Écrit ou enrichi par des experts reconnus, ce guide conforte les positions que j’évoquais en septembre. Il prolonge les ouvrages ou textes antérieurs : J. Riffault (Penser l’écrit professionnel en travail social, Dunod, 2ème édition 2006), J-L. Debard (Les dossiers des usagers dans les institutions sociales et médico-sociales, CREAI Bourgogne, 2000), P. Verdier (L’usager et le dossier social, Journal du droit des jeunes, 2000), R. Janvier et Y-A. Matho (Mettre en œuvre le droit des usagers dans les OSMS, Dunod, 2ème éd. 2004), D. Gacoin (Communiquer dans les OSMS, Dunod, 2ème éd. 2004), DGAS (Arrêté du 5 mars 2004, homologation de bonnes pratiques en matière de dossiers de santé). Mais surtout, ce document très complet est une vraie source d’information pour mieux agir.
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D’un positionnement éthique…
L’introduction par le Directeur général de l’action sociale, J-J. Trégoat, rappelle l’action nécessaire de tout professionnel ou institution, autour de 3 axes : droit de l’usager (notamment le respect de sa vie privée et son accès aux informations du dossier), partage des informations utiles entre professionnels (dans le respect du secret professionnel), démarche d’amélioration de la qualité du service rendu.
Un texte plus large, produit par un philosophe, Eric Fiat, rappelle l’intérêt, non de règles établies sans discernement, mais d’une démarche, d’une recherche de la mesure juste entre « l’ombre et la lumière », entre « l’opacité et la transparence ». La participation et le contrat, devenus pratiques générales, peuvent conduire à des impasses, nous est-il affirmé, dès lors que ces pratiques deviennent unilatérales, alors que le « clair obscur », bien préférable parfois, restera la démarche la plus fondée.
… le guide rappelle les obligations légales…
Une 1ère partie rappelle les enjeux et finalités : l’accès à l’information est légitime, y compris en matière de dossier, mais ce progrès est à utiliser avec beaucoup de précautions ; la nouveauté législative s’applique à tous les usagers, même ceux qui sont entrés dans une structure avant le 2 janvier 2002 ; l’obligation de créer un dossier ne s’impose pas à toutes les structures, l’accès à l’information n’étant pas uniquement attaché au dossier.
… puis des modalités pratiques
La 2ème partie part d'une position : un dossier d’usager a un accès réservé à la personne ou son représentant légal et aux professionnels habilités de l’établissement ou service, aucun des deux types d’acteurs n’étant propriétaire de ce dossier que la structure a la responsabilité de créer, gérer, protéger, archiver. Elle est complètée par l’exposé bref des contenus réglementaires : textes de 1978 à 2002, avec leurs lacunes, est-il précisé, texte sur le secret professionnel, texte sur le secret partagé dans le secteur sanitaire (« partage possible d’informations entre des professionnels, sauf opposition de la personne dûment avertie, afin d’assurer la continuité des soins et de déterminer la meilleure prise en charge possible »). Elle rappelle la nécessité d’un dossier comme support interdisciplinaire dans une institution, la ferme limitation (tous les cas possibles sont présentés) des consultations d’informations par des tiers.
Une 3ème partie présente toutes les modalités d’organisation des dossiers :
- La définition tout d’abord comme outil de recueil et de conservation des informations utiles, formalisées, organisées et actualisées. La double fonction d’assurer la mémoire et de permettre le suivi du parcours intègre la différence à faire entre des écrits nécessaires et conservés et des écrits factuels et conjoncturels (cahier de liaison : les informations n’ont à être conservées que si elles prennent du sens au regard du projet personnalisé), ou intermédiaires (brouillons, notes) qui ont vocation à être détruits.
- La typologie préconisée est classique : dossier administratif, médical, de soins infirmiers, judiciaire, ou autre selon la spécificité de la structure (pédagogique, éducatif, thérapeutique, professionnel…).
- La reprise de quelques données réglementaires permet de cibler les contenus, selon les types d’établissements en tenant compte de la recommandation principale : ne garder que ce qui est utile !!
Une 4ème partie présente les logiques de la qualité des dossiers : logique de cohérence, de continuité, de conservation. Elles sont traduites dans des recommandations précises:
- Le dossier comme outil professionnel, conservé dans l’établissement,
- Une ouverture de dossier dès l’admission,
- Une unicité du dossier : même format pour tous les dossiers, pas de double dossier (au sens d’un pour les professionnels, un pour les usagers),
- L’authenticité systématique des contenus,
- La clarté des rangements et contenus,
- La gestion rigoureuse avec l’utilisation d’un guide méthodologique de constitution et d’utilisation,
- Une clôture systématique.
L’ensemble est complété par des annexes parmi lesquelles j’ai noté :
- Des témoignages dans des établissements ou services : à lire notamment celui d’un CHRS de la Fondation de l’Armée du Salut, ou celui du dossier informatisé (D2I) du Centre La Gabrielle,
- Une fiche dossier détaillant les types de contenus par sous-éléments d’un dossier (administratif, médical, soins infirmiers, judiciaire),
- Les contenus réglementaires des dossiers dans les IME, IEM, SESSAD, ou dans les ITEP, ou les Pouponnières, ou les établissements de la PJJ,
- Un rappel des différents délais de conservation pour les archivages. Attention ! Les délais sont très différents selon les types de documents : des tableaux très clairs donnent l’intégralité des informations utiles.
Après les recommandations, soutenir l’évaluation des pratiques
L’ensemble des contenus, clairs et pratiques, serait insuffisant s’il n’était suivi d’une liste de contenus utilisables en démarche d’évaluation : 9 références sont proposées, chacune déclinée en 2 à 5 critères de qualité. C’est peut-être sur ce thème de l’évaluation que j’ai été le plus intéressé (des critères clairs) et insatisfait (peu d’indicateurs probants, une liste trop importante faisant un peu « usine à gaz »). Mais en même temps, ceci confirme bien la philosophie évoquée en préambule : celle d’une recherche. Elle passera, si chaque structure s’en donne le temps, par un discernement (le tri entre le formalisme et l’utile) et des choix (le tri entre l’utile et l’indispensable). Une bonne occasion de se mettre en mouvement, pourvu que cette dynamique concerne tous les salariés et (pourquoi pas ?) les usagers.
Daniel GACOIN
PS : pour télécharger le document : www.travail-solidarite.gouv.fr/IMG/pdf/dossierpersac.pdf
Bonjour et meci pour tous vos articles et toutes vos analyses.
Je suis très interéssé par le guide en question dans votre article du 3/11/2007 mais le lien ne fonctionne pas et je n'ai pas réussi à retrouver le document sur le site du ministère.
Pouvez-vous m'indiquer un lien qui fonctionne ?
Merci d'avance.
Thierry FAUVEZ
Rédigé par : FAUVEZ Thierry | 05 novembre 2007 à 17:57
Je ne comprends pas bien comment il se fait que le lien ne fonctionne pas : voici l'adresse pour le téléchargement
www.travail-solidarite.gouv.fr/IMG/pdf/dossierpersac.pdf
Si vous continuez à avoir des soucis, faites moi signe en me transmettant votre mail, je vous adresserai directement la version pdf
Bien cordialement
Daniel Gacoin
Directeur ProEthique conseil
15-29 rue Guilleminot
75014 Paris
RCS Paris 494 225 980
Tel : 01 43 27 48 60
Mob : 06 19 41 30 02
Mail : [email protected]
Blog : danielgacoin.blogs.com
Rédigé par : Daniel Gacoin en réponse à la question de Thierry Fauvez | 05 novembre 2007 à 19:40
très bonne présentation et analyse du contenu de ce document que je trouve comme vous très riche, pratique et méthodologique pour les professionnels des OSMS... il répondra à bien des questions et aidera sans doute à mieux penser la réflexion et la structuration du dossier de l'usager...
pour le lien vous pouvez aussi le trouver sur notre site en page d'accueil (www.rpformation.fr)...
félicitations encore pour la qualité de vos analyse qui amène toujours de nombreuses réflexions sur le secteur qui nous intéresse...
cordialement
christophe malabat
Rédigé par : christophe malabat | 07 novembre 2007 à 09:55
Concernant la durée de conservation des dossiers médicaux, il est fait référence au décret de 1968 (p.56). Pourtant le décret du 4 janvier 2006 n'allège-t-il pas la durée de conservation de 70 à 20 ans ?
« Le dossier médical (...) est conservé pendant une durée de vingt ans à compter de la date
du dernier séjour de son titulaire dans l'établissement ou de la dernière consultation
externe en son sein. »
(Décret du 4 janvier 2006, article R.1112-7 du Code de la santé publique)
Rédigé par : Maud MOREL | 20 novembre 2007 à 11:38
Bonjour,
je me réveille un peu tard sur cet article mais "mieux vaut tard que jamais"
En premier lieu, et pour ne pas ternir les propos qui vont suivre, je trouve ce document de la DGAS très utile et bien fait. C'est un support intéressant à utiliser dans les ESMS.
Par contre, je suis très interrogatif sur l'origine de ce document. Pourquoi la DGAS ?
Il me semblait avoir compris avec la Loi du 2 janvier 2002 qu'il y avait un redécoupage des missions.
Le CNESMS (devenu ANEMS) ne devait-il pas fixer les bonnes pratiques à mettre en place dans les établissements ? Il l'avait d'ailleurs affirmé dans sa (seule)note d'orientation.
Et voilà que la DGAS s'arroge le droit de faire le travail à la place de l'ANEMS...
Moralité : entre la CNSA, l'ANEMS et la DGAS, on perd en lisibilité sur les missions respectives.
On en vient à supposer des luttes de pouvoir entre ces instances avec, pour risque, une confusion au sein de nos structures. Que ferons-nous si des "bonnes pratiques" divergent sur le fond ? qui fera référence ?
J'en viens à espérer que tout se régulera rapidement.
Rédigé par : alexandre HAUSKNOST | 21 décembre 2007 à 12:41
Alexandre,
Merci de ce propos bien trempé... En effet le risque, qui progresse, c'est de voir un peu partout des producteurs de normes, de références de "bonne pratique professionnelle" proposer des contenus.
A terme, les légitimités, le sens des recommandations, leur force, risquent de s'affadir, voire d'être tournées en dérision.
Bien cordialement Alexandre
Rédigé par : Daniel Gacoin en réponse au propos d'Alexandre Hausknost | 25 décembre 2007 à 12:24