.
Une note interne donnant un cadre…
Le 16 mars 2007, le directeur de la PJJ présentait, dans une note, des préconisations pour la mise en œuvre des droits des usagers, outils d’information et de participation dans ses établissements et services. En 70 pages, la note formule le champ d’application de ces droits à la PJJ et un cadre pour les démarches et contenus des documents et instances à créer (livret d’accueil, charte, règlement, modes de participation, documents individuels). La philosophie rappelée en introduction : les établissements et services PJJ, inscrits dans la loi du 2 janvier 2002, assument une mission éducative, pour des mineurs placés « sous main de justice », et également une mission d’action sociale et médico-sociale. La PJJ n’est donc pas un univers à part et doit assumer le même positionnement que les autres structures sociales et médico-sociales : faire participer ses usagers à leur accompagnement et à sa définition, leur communiquer des informations rendant explicites le cadre et l’intervention.
… dans une institution réputée en retard sur la loi du 2 janvier 2002
Publier en mars 2007 des recommandations sur la mise en œuvre de la loi du 2 janvier 2002 fait rêver au premier abord : 5 ans ont séparé la loi elle-même de ce premier positionnement de l’administration PJJ. Dans l’intervalle, de nombreux acteurs (professionnels, directeurs, directions territoriales déconcentrées) attendaient des instructions de la « centrale », avec le sentiment d’un retard par rapport aux autres établissements et services sociaux et médico-sociaux.
.... mais dont il faut comprendre la période actuelle de mutation
Ce regard sévère, interne mais également externe, devrait être nuancé. D’abord parce que le supposé retard n’est pas aussi majeur que l’on veut le dire (malgré les apparences, d’autres établissements et services sociaux ou médico-sociaux ne sont pas plus avancés qu’à la PJJ). Mais aussi parce que la PJJ est en période de mutation.
Elle est une des directions déconcentrées du Ministère de la justice et encadre la prise en charge et l'accompagnement éducatifs, sur décision judiciaire, des mineurs et jeunes majeurs dans le cadre de l'ordonnance de 1945 pour les délinquants, de l'article 375 du Code Civil pour l'enfance en danger (ou pour les jeunes majeurs, le décret du 18/02/75). Au fil des ans, ses missions ont été modulées et enrichies : accompagnement social et professionnel, présence dans les dispositifs de prévention de la délinquance ou de politique de la Ville. Héritière de l’ex Education surveillée, gérant directement 376 établissements et services avec 3700 éducateurs, elle a vécu une mutation dans les années 1970 (passage des internats professionnels au milieu ouvert). Cette dernière a favorisé la relativité des concepts d’encadrement, relativité interrogée aujourd’hui par l’approche sociétale tendant vers plus de contrôle, d’efficacité, certains diront… de répression. La PJJ assume maintenant un recentrage sur le pénal, le lien avec l’action pénitentiaire, des structures plus contenantes (centres d’éducation renforcée, CER, de placement immédiat, CPI, éducatifs fermés, CEF). Et cela en gardant une diversité d’interventions : milieu ouvert (IOE, AEMO, LSP, LS, CJ, TIG, réparations), hébergements (foyers, chambres en ville, accueil d’urgence), actions d’insertion (centres de jour, formation, scolarité, chantiers écoles, etc…), soutien des magistrats (permanence et accueil des mineurs au tribunal, suivi des incarcérations, traitements directs), partenariats diversifiés (santé, exclusion, scolarité, citoyenneté). Cette évolution se réalise parallèlement à une interrogation forte depuis 5 ans (inspection de la cour des comptes, audits divers, regards externes sévères et médiatisés).
.
La normalisation …
Le contexte actuel de la médiatisation est centré sur la question de la délinquance : souhait d’une mise en cause pénale accrue ou d’une responsabilisation des mineurs, de leur nécessaire apprentissage imposé des règles sociales, mise de côté dans les discours de l’autre dimension de l’action éducative (révélation et développement des richesses et compétences de chaque jeune).
Le retard de la PJJ dans la mise en œuvre de la loi du 2 janvier 2002 doit se lire dans des questionnements structurels et culturels : adaptation aux besoins, poids fort de l’administration, sentiment d’être à part par rapport à la loi commune, mutation interne, loin d’être aboutie, et questionnement externe. Son rattrapage n’en est que plus nécessaire.
… avec un positionnement fort
Après plusieurs années d’indécision (non d’inaction), la PJJ a réuni un groupe de travail sur la loi du 2 janvier 2002 : administration centrale et acteurs de terrain. J’ai la chance de connaître plusieurs d’entre eux. Il a formulé des préconisations intéressantes : sur le fond, promouvoir des démarches plutôt que des modèles figés et peu « communicants ». Et surtout, la PJJ propose ces démarches, tant pour les structures inscrites dans le champ d’application de la loi 2002-2 (AEMO, FAE, IOE, etc...) que pour les autres (insertion, liberté surveillée, suivis divers, etc…).
… et des pratiques à développer
La note propose ainsi pour :
- Le document individuel de prise en charge (DIPC) formulé au démarrage de toute intervention : de réaliser un document « pédagogique », valable pour chaque jeune, écrit, signé par le directeur de la structure, évolutif, précisant les objectifs et les prestations adaptées à la personne et établies avec une possible participation, sans recherche factice d’un accord. Le modèle présenté est intéressant : ouvert à des contenus individualisés, laissant peu de place à des formules types, réglementaires et illisibles. Il doit « parler » au jeune et à sa famille plutôt que présenter des garanties pour l’institution (voir mon dernier billet sur la « judiciarisation » dans l’action sociale).
- Le livret d’accueil : de le réaliser comme une nécessaire « carte de visite », support d’un véritable accueil, avec une préconisation de forme qui peut être très ouverte.
- La charte des droits et libertés de la personne accueillie : de garder un affichage nécessaire, dans la forme et le contenu déjà formulés par décret, mais pouvant être complété par des documents adaptés, lisibles.
- Le règlement de fonctionnement : de privilégier un abord « communicant », malgré les références légales et ses contenus nécessaires.
- Les instances de participation : de prendre en compte la souplesse nécessaire dans l’utilisation de groupes d’expression, ou de modes de consultation ou encore de questionnaires de satisfaction. Si les modalités sont peu détaillées, avec peu de propositions modélisées, l’absence de cadre unique est bien intéressant.
… qui mériteraient d’inspirer les établissements et services externes à la PJJ
Je peste suffisamment contre les modèles actuels, « juridico-administratifs » et illisibles, cherchant essentiellement une protection (illusoire) contre des mises en cause des usagers, tels qu’ils sont développés par certaines fédérations associatives ou d’employeurs, pour ne pas me réjouir du travail sérieux qui a été fait dans cette note de la PJJ. Je propose que chacun, dans l’action sociale et médico-sociale, s’en inspire plutôt que de renforcer les regards ironiques sur un supposé décalage de la PJJ, décalage qu’elle finira par résoudre… pourvu que l’actualité politique lui en laisse le temps.
Daniel GACOIN
Les commentaires récents