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Les dernières instructions sur le thème …
Le 14 mars 2007, Philippe Bas, ministre en charge de l’action sociale et de solidarité, présentait son « plan de développement de la bientraitance et de renforcement de la lutte contre la maltraitance ». Les institutions et les professionnels constituaient la cible désignée de ce plan, dans le contexte d’un procès pour maltraitance à l’égard d’une ancienne directrice de maison de retraite. Un plan de plus, un plan ponctuel comme un autre, dira-t-on…
… à réintégrer dans une construction globale
On aurait tort de lire ce plan comme une réponse conjoncturelle. Il convient plutôt de le comprendre comme la fin d’un cycle : les pouvoirs publics dévoilent une construction complète, un plan rendant intelligible les réglementations successives sur le thème depuis 6 à 7 ans. La pensée forte et sous-jacente est celle d’un volontarisme à l’égard d’institutions d’accueil qui ne sont plus « bonnes » par nature, mais qui doivent être contrôlées à l'égard de dérives posées non comme inéluctables, mais plus comme exceptionnelles. Par ailleurs, ce plan se situe à une période charnière : la volonté du ministre de clore les grandes réformes engagées depuis 5 ans, avec les derniers plans et décrets qui s’imposent. Citons dans les réformes :
- La mise en place de la loi du 2 janvier 2002 : un cadre global et piloté pour toutes les institutions sociales et médico-sociales,
- Les réformes successives du droit de la famille dont la réforme du divorce,
- La promotion de la qualité ou de la correction des absences de qualité dans les institutions sociales : les obligations et références à produire, le guide de l’évaluation interne, la mise en place en mars 2007 de l’Agence Nationale de l’Evaluation et de la qualité dans les établissements et services Sociaux et Médico-sociaux (ANESM), en remplacement du Conseil national créé en 2005,
- La mobilisation des moyens pour faire face à la dépendance (personnes âgées, handicapées), notamment la journée de solidarité et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (la CNSA, structure préfigurant une 5ème branche possible de la Sécurité sociale)
- La loi du 11 février 2005 sur les droits, la participation, la citoyenneté et l’autonomie des personnes handicapées : mise en place des MDPH, création du droit à compensation de toutes les conséquences d’un handicap,
- Les lois finales de 2007 : la loi de réforme de la protection de l’enfance (longue préparation, concertation effective avec les professionnels, contenus apportant peu de changement) et la loi de prévention de la délinquance (très longue préparation, absence de concertation avec les professionnels, contenus apportant de grands changements, loin d’être positifs, dans l’esprit et dans les pratiques). On ajoutera la loi de réforme des tutelles juridiques pour adultes (longue préparation, concertation avec les professionnels, contenus porteurs de changements) et la loi pour le droit au logement opposable (aucune préparation, concertation médiatisée, contenus porteurs de changements … sur le papier pour l’instant).
… et pour la question de la maltraitance, dans une construction à deux niveaux
Les efforts des pouvoirs publics ont tendu en matière de maltraitance institutionnelle, à développer depuis de nombreuses années des actions à deux niveaux : la promotion de ce qu’il convient de faire (la bientraitance), la correction voire la sanction de ce qu’il convient de ne pas faire (la maltraitance). Et le plan (avec un financement, déjà largement acquis, ce qui est plutôt rassurant) va dans ce sens avec la promotion de contrôles internes et externes, avec un contenu progressif :
- Le rappel du caractère inacceptable de la maltraitance institutionnelle
- Les 5 mesures de promotion d’une culture de bientraitance dans les établissements. On trouve le lancement de l’agence nationale de l’évaluation et de la qualité dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM), désignée comme une « agence de la bientraitance » et dans la foulée, les démarches d’évaluation (d’amélioration continue de la qualité) dans les établissements et services. On trouve également la diffusion de bonnes pratiques de l’ANESM et les formations sur la bientraitance (expérimentation d’un soutien au personnel dès avril 2007 en Corse et Franche Comté). On trouve l’augmentation des effectifs salariés (24 000 emplois supplémentaires nous est-il affirmé, mais il s’agit exclusivement du secteur des personnes âgées en termes d’ajouts nets) et l’humanisation du cadre de vie (un plan de financement déjà mis en œuvre via la CNSA, sans nouveauté donc)
- Les 5 mesures de lutte contre la maltraitance : d’emblée est posé l’objectif de faciliter davantage les signalements grâce à des antennes départementales et la désignation d’un correspondant maltraitance dans les DDASS (on va plus loin, mais dans le même sens, que les circulaires Kouchner-Royal de 2001-2002). S’ajoute le doublement des inspections d’établissements de 750 à 1 500 par an : sur ce thème, on est loin du compte puisque l’on resterait à une réalité d’un contrôle tous les 21 ans (au lieu d’un tous les 23 ans en 2001). Enfin deux mesures sont ajoutées : l’application des sanctions et l’élargissement du comité national de vigilance.
Trois remarques immédiates sur ce plan …
Le plan semble important dans son esprit, puisqu’il équilibre les approches entre la promotion de bonnes pratiques et la lutte contre des mauvaises. Néanmoins sur ce thème, les exemples cités (dont le « guide de gestion des risques de maltraitance » publié en 2006) présentent des contenus liés surtout aux institutions pour personnes âgées, et non à toutes les institutions sociales et médico-sociales. En outre, alors que l’on nous présente avec un fort battage médiatique des risques importants de maltraitance, celle-ci se réduirait en fait à une réalité de 300 cas par an, à peine 0,3 % de la population des institutions. Ce rappel statistique interroge : il ne tient pas compte des réalités complexes : violences des décisions et des accueils parfois, violences psychologiques souvent, violences contextuelles également du fait des certitudes professionnelles. Enfin, le plan présenté n’apporte que peu de nouveautés, il reprend essentiellement des décisions déjà prises.
… pour reprendre trois questions les plus importantes
L’équilibre promotion des bonnes pratiques / lutte contre les mauvaises pratiques me semble une bonne approche : la tendance à l’euphémisation derrière la seule promotion de la bientraitance et aux bonnes pratiques, la pratique ambiante, notamment dans les pratiques managériales, semble davantage promouvoir sans désigner, soutenir sans refuser. Le refus de l’idée du mal, de la culpabilisation, des pratiques à refuser et dénoncer, l’évitement de la question de la maltraitance serait à mon sens une erreur.
La référence à des procédures pour de bonnes pratiques, devient de plus en plus importante, au point que les procédures s’appliquent parfois sans discernement, qu’un univers nouveau et codifié prédomine sans pertinence, devenant lui-même source possible d’applications maltraitantes. Il conviendrait à mon sens de revenir à des applications intelligentes, à travers l’esprit même de l’amélioration continue de la qualité, et de corriger une progression nouvelle : l’application de procédures sans compréhension du sens de ces procédures.
Enfin, l’évaluation est mise en avant comme un moyen d’auto-contrôle. Il me semble important de la promouvoir à deux niveaux : celui de la démarche de progrès et d’un support de pratiques apprenantes dans les équipes professionnelles, celui d’une plus grande rigueur dans les approches. Les pratiques sociales ont souvent épousé une culture orale : la relation, l’indicible, le non mesurable... Sur ce thème, il me semble que l’évaluation, si elle évite l’addition, dans des beaux tableaux récapitulatifs, de lieux communs et d’impressions pour formaliser des preuves réelles (la qualité perçue, la qualité délivrée) des pratiques recherchées (la qualité attendue) sera un réel progrès.Et cette approche sera singulièrement importante sur le thème bientraitance / maltraitance
Daniel GACOIN
PS : précisément sur ce thème, je renvoie chacun au 1er colloque international sur le thème de l’évaluation des pratiques professionnelles dans le champ social, médico-social et de protection de l’enfance. Il aura lieu du 18 au 21 septembre 2007 à la Grande-Motte (34) et est organisé par le CREPIS avec une large participation de chercheurs et responsables français et canadiens. J’aurai le plaisir d’animer sur les 4 jours toutes les conférences et forums de discussion des séances plénières.
J'invite évidemment tous les lecteurs de ce blog à sinscrire à ce colloque au programme bien intéressant. Pour le consulter, pour vous inscrire, vous pouvez passer par ce lien : www.crepis.asso.fr
Bonjour Monsieur,
Directeur Adjoint dans une M.EC.S. depuis 9 mois, je souhaite lancer une démarche d'évaluation. Le but et de réinteroger nos pratiques vis-à vis des jeunes accueillis et redonner du sens à nos missions.
Un probléme se pose pour moi dans l'élaboration des étapes, dans la mise en oeuvre d'un échéancier qui fixera la chronologie de la démarche.
Avez-vous un cadre qui fixe les grandes étapes dans le temps et donne un déroulé étape par étape de ce que nous devons mettre en oeuvre?
Où puisse je trouver des informations pratiques et concrétes?
Merci pour votre aide.
C de Francqueville
Rédigé par : Cyril de Francqueville | 27 avril 2007 à 17:34
en formation caferuis a limoges, pourriez vous m'aider dans mes recherches sur:
qu'est ce que les lois peuvent changer concernant la maltraitance dans les institutions et quel est le sens de la mission du coordinateur d'équipe ??
Rédigé par : farges | 11 octobre 2007 à 11:05
Sur vos deux questions, il semble difficile de faire une réponse rapide... Quelques jours de travail sont nécessaires pour élaborer des réponses.
Pour la question sur la maltraitance et les changements apportés par la loi, 3 thèmes possibles :
- la loi (dont circulaires Kouchner-Royal de 2001-2002) peut apporter des contrôles finalisés plus efficients
- la loi favorise (via les bonnes pratiques, la bientraitance) des constructions positives et utiles en termes de repères travaillés par les professionnels
- La loi enfin, pas ses objectifs de pilotage, de lisibilité, d'articulation projet/évaluation, favorise un rapport différent aux évènements internes : obligations de signalement, sortie de l'implicite et des traitements internes, reconnaissance de la violence, partages possibles et améliorations dans des plans lisibles.
Concernant le rôle des coordinateurs d'équipe, l'ensemble mérite un vaste développement. Je vous renvoie à la session que j'anime dans le cadre des stages de formation de Direction(s) sur le thème : une session les 5 et 6 novembre 2007, une session les 5 et 6 juin 2008. Sinon, vous trouverez le 5 mai 2006 un post dans ce blog sur un thème très proche.
Sinon, transmettez moi vos réflexions par mail et je vous renvoie des pistes plus précises
Bien cordialement
Daniel GACOIN
Rédigé par : Daniel GACOIN en réponse aux question de M. Farges | 15 octobre 2007 à 11:34
Bonjour,
Auriez-vous des pistes pour préparer la conception d'un questionnaire sur les pratiques professionnelles de moniteurs ESAT (à destination de l'équipe) permettant de faire le point et de mener une réflexion sur la bientraitance?
Merci.
Rédigé par : EMI | 24 janvier 2009 à 13:41
En formation caferuis a Canteleu, pourriez vous m'aider dans mes recherches sur:
qu'est ce que les lois, textes peuvent m'aider à mettre en place une organisation et des pratiques d'encadrement conformes aux objectifs de qualité d'accompagnement de personnes avec autisme vers plus de bientraitance ??
Rédigé par : DE ALMEIDA Vasco | 04 janvier 2010 à 17:58