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Un décret qui fait du bruit…
La direction générale de l’action sociale a publié, il y a un mois, un décret sur les délégations et la qualification des professionnels chargés de la direction d’un ou plusieurs établissements sociaux et médico-sociaux. Son contenu s’est rapidement diffusé et a souvent provoqué des réactions passionnées. Au centre des retours, la possibilité de déroger à ce qui faisait la principale voie de qualification pour tout directeur de ce type de structure, le CAFDES (certificat aux fonctions de directeur) ou un autre diplôme de niveau I.
… par sa nouvelle approche de la fonction de direction
Le nouveau décret surprend par l’inflexion apportée à la qualification des directeurs, promue dans le référentiel de fonction et le niveau exigés par un décret antérieur, le 25 mars 2002. Une ambition était affirmée en 2002 : rénover les programmes de formation, positionner le CAFDES en le rendant plus attractif par rapport à d’autres diplômes de niveau I, universitaires notamment. En faisant du CAFDES la référence, le décret N° 2002-401 de 2002 reposait sur plusieurs axes :
- Confirmer que la fonction requiert de se poser en manager plus qu’en technicien, en intégrant une fonction de conduite stratégique dans un environnement complexe.
- Changer de terminologie : ne plus parler, depuis ce décret, de directeur d’établissement mais de directeur d’établissement ou de service d’intervention sociale.
- Exiger, au-delà du CAFDES, une avancée des qualifications des directeurs, afin qu’ils acquièrent une formation de haut niveau, supérieur à la maîtrise (le niveau I).
- Formaliser le référentiel de la fonction : le directeur doit être garant de la qualité du service rendu et de l’adaptation des prestations à chacune des situations individuelles ou collectives, en capacité de mobiliser les ressources internes et les partenariats en garantissant les droits fondamentaux des usagers. Cinq fonctions étaient identifiées pour tout directeur : définition et conduite de l’intervention sociale, définition et conduite du projet d’établissement ou de service, animation et gestion des ressources humaines, gestion économique et financière, gestion technique et logistique.
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Faire évoluer un contexte …
Depuis 2002, des obstacles ont rendu difficile la référence forte du CAFDES, pour plusieurs raisons. La formation au CAFDES continuait de ne concerner que quelques centaines de personnes par an (200 obtentions du diplôme en 2002, à peine plus aujourd’hui, à mettre en regard avec le nombre d’établissements et services : 32 000), elle est restée plus sélective que les Masters (nombreux) en management des organisations sociales et médico-sociales (universités, grandes écoles). Également, l’accession à une reconnaissance / rémunération adaptée au niveau I est encore loin d’être acquise dans les budgets négociés avec les pouvoirs publics.
Enfin, la démographie (actuelle et future) continue d’être en déséquilibre, s’aggrave même : des postes ne trouvent pas de titulaires, alors que les départs en retraite se multiplient (génération des années 60-70), suscitant davantage de situations où des directeurs assument la responsabilité de plusieurs établissements ou services, de dispositifs. En outre, ces directions de dispositifs complexes sont toujours peu valorisées financièrement par rapport aux directions d’un seul établissement, parfois même très petit. À un autre niveau, l’exigence de qualification des dirigeants de sièges sociaux était encore inexistante.
… à partir de ce nouveau décret
Le décret du 19 février 2007 veut corriger ces difficultés persistantes. Le titre frappe : les modalités de délégation et le niveau de qualification des « professionnels chargés de la direction » d’un ou plusieurs établissements ou services sociaux ou médico-sociaux . Le terme « directeur » a disparu, dans le titre, dans l’intégralité du décret : une illustration de la volonté de promouvoir une fonction, plutôt qu’une seule qualification…
… présentant un contenu sur trois axes
Le contenu du décret confirme les changements d’approches :
- Tout professionnel se voyant confier la direction d’un ou plusieurs établissements ou services reçoit, dans un document unique, les compétences et missions confiées par délégation : définition et mise en œuvre d’un projet, gestion et animation des ressources humaines, gestion budgétaire, financière et comptable, coordination avec les autres institutions ou intervenants extérieurs.
- Il existera 3 niveaux de qualification pour diriger. Le niveau I sera exigé pour diriger des groupements de coopération ou autres formes de regroupements (GIE, GIP…), un ou plusieurs établissements de taille importante, ou un siège social. Le niveau II sera exigé pour diriger les autres types d’établissements ou de service. Et enfin, le niveau III sera admis pour les professionnels diplômés (travail social ou cadre de santé) ayant trois années d’exercice professionnel, s’engageant à suivre une formation à l’encadrement (pas au CAFDES) dans les 5 ans, pour diriger des établissements uniques et de petite taille (par exemple moins de 10 salariés).
- Enfin les directeurs en poste le 19 février 2007 ne justifiant pas des qualifications au niveau requis par le décret, selon le type d’établissement qu’ils dirigent, disposent d’un délai de 10 ans pour se mettre en conformité s’ils étaient en fonction avant 2002, de 7 ans s’ils ont accédé à la fonction après 2002.
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Des questionnements persistants
L’intérêt de la nécessité d’un écrit des délégations confiées aux directeurs en poste est une exigence bien utile. Sur ce champ, il reste encore dans de nombreuses situations des réels progrès à réaliser.
Pour le reste, nul doute que la réforme diminue la portée de l’exigence antérieure. Elle promeut tout diplôme de niveau I, sur des vecteurs divers, inscrit au registre des certifications professionnelles (Master, diplôme d’ingénierie, etc…), elle rend même possible des accessions aux fonctions de direction sans diplôme de niveau I. Ceci peut être considéré comme une nécessité, démographie oblige… Cela peut même être considéré comme une ouverture : trouver d’autres modèles que le seul CAFDES… Cela peut néanmoins contribuer à déstabiliser les repères d’un secteur en train d’assumer sa mutation, d’entrer dans le changement.
- Le premier de ces repères concerne le référentiel de la fonction de direction, développé dans le décret de mars 2002. Où est, avec la réforme actuelle, l’exigence d’une compétence garantie en matière de qualité du service rendu, d’adaptation des prestations aux situations, de mobilisation des ressources et de vision fine des droits des usagers ? Où est également l’exigence d’une compétence garantie en matière de définition et de conduite de l’intervention sociale, de définition et conduite du projet d’établissement ou de service ? Le CAFDES n’était pas une assurance tous risques, l’obtention d’un Master en ressources humaines sans autres expériences pour ne prendre que cet exemple peut-elle le devenir ?
- Le deuxième repère concerne les possibles manques de compétences des futurs directeurs à porter le changement par une approche stratégique et des démarches associant les professionnels (projet, relation de service, évaluation, implication territoriale). Il n’est pas sûr que l’absence de qualification et finalement de travail sur des compétences managériales (niveau III) permettent d’assurer une réelle capacité à promouvoir ce changement en s’adaptant aux situations et à la culture du secteur tout en soutenant les garanties, l’innovation et de nouvelles formes de réponses.
Daniel GACOIN
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