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Une transformation globale…
Les mouvements à l’œuvre dans l’action sociale et médico-sociale s’organisent depuis plus de 15 ans autour d’axes d’influence, qui vont tout à la fois intéresser les pratiques, les organisations, les projets, les programmes ou orientations politiques globales. Il est toujours intéressant de rappeler combien ils s’intègrent dans un changement plus large de l’ensemble de la protection sociale (assurantielle, de solidarité, d’action de proximité, catégorielle ou transversale), bien décrit par R. Castel (L’insécurité sociale, Seuil, 2003) et B. Palier (Gouverner la Sécurité sociale, PUF, 2001 et 2ème édition 2005). Ce changement se décline, non pas dans un plan cohérent et explicite, clairement établi, mais sur des vecteurs cumulés, définissant un « nouveau référentiel de tension », indiquent-ils. On passe ainsi progressivement d’un côté à l’autre d'axes de tension, à travers des avancées et reculs, des constructions progressives :
- De l’ouverture généralisée et égalitaire au ciblage et à la discrimination positive,
- Des prestations uniformes à la définition des prestations à partir des besoins,
- De secteurs cloisonnés les uns des autres au traitement transversal de l’ensemble des problèmes sociaux rencontrés par une même personne,
- D’administrations centralisées dans la gestion d’un risque et d’un problème à un partenariat contractualisé avec l’ensemble des acteurs susceptibles d’intervenir,
- « D’administrations de gestion » à des « administrations de mission »,
- De la « centralisation et l’administration pyramidale » à la « décentralisation et la territorialisation ».
… qui mobilise les organisations sociales et médico-sociales
L’ouverture pour construire des projets est devenue décisive, presque un point de passage obligé, pour les organisations sociales et médico-sociales, transformant la dynamique de chaque service ou établissement, son mode de fonctionnement. Elle est un moyen :
- D’appui sur des ressources extérieures et non exclusivement internes,
- De dynamique interne/externe plutôt qu’un positionnement autocentré,
- D’inscription dans des processus de coopération,
- De mobilisation d’autres outils pour l’accompagnement,
- De positions médiatrices favorisant des changements de relation,
- De respiration, de mouvement, d’apport dynamique venant même lutter parfois contre les forces mortifères de la dépendance des résidents (établissements d’hébergement avec un public dépendant).
… et développe le travail en réseau, les coopérations et partenariats
L’ouverture est souvent inscrite dans des vecteurs qui prennent les noms de travail en réseau, coopération, partenariat, avec une relative confusion entre les termes. Différencier et articuler les démarches est une nécessité, en s’appuyant sur des définitions précises :
- Réseau : « un ensemble de relations spécifiques, de simples connexions, (…) mais pas une entité sociale ». Le réseau peut avoir des finalités précises ou être un simple filet relationnel (réseau provient du latin « rete », et a donné le « rets », le filet). Au cœur du réseau : des connexions, un maillage, la possibilité de solliciter des liens ou ressources.
- Coopération : il s’agit du fait d’opérer ensemble. Il s’agit des interventions parallèles ou communes qui comportent des modalités de compréhension des rôles et missions de chacun et des modalités d’articulation.
- Partenariat : La définition est rappelée autour de ses trois composantes : une personne ou un groupe qui nous est différent, une association libre, l’existence d’un projet.
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Poser des partenariats dans une construction interne
La recherche de partenariats en conduite de projet est importante, ne peut se définir dans l’absolu, s’insère dans la démarche générale d’un établissement ou service : son positionnement et son plan stratégique. La recherche et la conduite de projets partenariaux supposent un plan stratégique : objectifs à partir d’un repérage de l’existant. Une carte lisible est auparavant nécessaire : description actualisée des réseaux, coopérations et conventions orales ou écrites de partenariats. Je plaide pour poser les constructions, au-delà de ce repérage (trop souvent oublié), dans un management stratégique : des plans lisibles (objectifs, échéances, moyens, en phase avec les besoins), la prise en compte des résistances internes ou externes (une écoute, un traitement, la certitude d’une avancée), des modalités de travail impliquant les professionnels (expérimenter et découvrir des propositions et actions émergentes), des positionnements affirmés, l’énoncé de visions (sens de l’ouverture, ambition pour l’organisation et la place de chacun).
… puis une construction externe,
La clarté du plan partenarial sera complétée par la compréhension réciproque entre partenaires potentiels : interconnaissance de la dynamique, des propres besoins, des orientations, du mode d’organisation et finalement des intérêts de chacun. Sur le fond, mon propos vient confirmer une position centrale : les meilleurs partenariats sont fondés sur la rencontre et le respect des intérêts de chacun.
… et enfin une dynamique interne/externe
L’idée initiale d’un partenariat pourra être provoqué par le hasard des rencontres (y compris celles des professionnels), la qualité du lien facilitant l’expression d’intérêts réciproques ou encore une décision volontariste (de l’une ou l’autre des parties) d’entrer en relation pour un projet… Un approche complexe sera à poursuivre, mêlant 3 vecteurs, le management, l’innovation, la communication, pendant les étapes successives du projet partenarial :
- L’idée première et non les questions de structures : Prise en compte des idées de départ (nées dans les rencontres parfois fortuites), validation par un responsable (adéquation possible) Les éléments déterminants de cette étape : accepter d’être surpris par la sortie du cadre raisonnable ou habituel, écouter l’iconoclaste, engager rapidement la responsabilité institutionnelle.
- L’élaboration : énoncé d’une mission et marge d’initiative pour un délégué aux échanges avec les partenaires. L’élément déterminant : la commande et la délégation explicites, les allers-retours et validations successives.
- La négociation proprement dite. Il s’agit de passer d’une direction à une convention. La démarche de communication est structurée, ponctuée par des écrits régulièrement validés à l’interne, jusqu’à une convention finale. La démarche est ponctuée par la présence du responsable au moment final de la négociation. Plus le partenariat devient complexe et mobilise des engagements institutionnels et des ressources internes, plus il sera nécessaire de formaliser la convention finale et d’officialiser la démarche. L’élément déterminant : l’expression des finalités autant que des modalités pratiques et les engagements de chacun.
- L’écriture de fiches action. Il s’agit de prévoir la place, le rôle, l’activité de chacun. Ces fiches prévoient des temps d’évaluations intermédiaires et finales.
- La réalisation proprement dite. Elle peut se réaliser dans le cadre d’un plan initial simple et unique ou de programmes glissants.
- L’évaluation. La démarche permet de valoriser aux différentes étapes de la réalisation une stratégie d’apprentissage commun. Elle reproduit la méthode de « l’institution apprenante » à l’échelon partenarial : animer des réflexions (groupe de suivi ou de pilotage), interrogation régulière et évaluative du projet, traitement de l’information (base documentaire commune éventuellement), initiatives complémentaires (mini décisions), décisions d’ajustements rapides, traitement des conflits, apprentissages collectifs (les erreurs sont reprises à partir d’une interrogation du projet).
On le voit, les partenariats, c’est une affaire utile, complexe, acceptons de les développer sans en gommer les dimensions articulées : le sens de l’action et l’implication des acteurs, la garantie et la conduite managériales.
Daniel GACOIN
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