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Des dispositions nouvelles …
À propos de la loi du 11 février 2005 pour « l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », je reviens sur les dispositions concernant la scolarisation et la coordination du projet personnalisé de scolarisation (PPS) des enfants et adolescents handicapés :
- La loi ouvre une perspective, quand elle est possible, d’intégration scolaire des enfants et adolescents handicapés. Elle demande d’abord que chaque enfant bénéficie d’une inscription dans l’école proche de son lieu de résidence (son « école de référence »), un droit même quand l’enfant est admis dans un établissement spécialisé.
- Elle exige qu’il bénéficie d’une scolarisation, même si elle est ténue du fait de son handicap, pour éviter des soutiens spécialisés faisant l’impasse sur ce vecteur (même en cas de lourde déficience).
- Elle pose un droit, et donc une obligation pour les structures scolaires et médico-sociales : mettre en oeuvre le PPS défini, arrêté par l’équipe pluridisciplinaire et la commission départementale pour l’autonomie des personnes handicapées de la MDPH, après évaluation des demandes et projets des parents, des besoins.
- Elle impose la mise en place, au sein de l’Éducation Nationale, d’enseignants référents pour : « assurer la meilleure mise en œuvre possible du PPS, assurer un suivi du parcours de formation, veiller à la continuité et à la cohérence du PPS, réunir et animer l’équipe de suivi de la scolarisation (école de référence, établissement ou service médico-social éventuel, parents et enfant concernés), faire le lien avec l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH et avec les partenaires ».
… et leur mise en place progressive
De nombreux départements ont vu des enseignants référents nommés : souvent des professionnels avertis de la question du handicap (enseignants spécialisés), la plupart du temps sectorisés pour suivre des PPS (entre 150 et 250 selon les départements, en fonction des moyens mobilisés). Déjà, cette première mise en place suscite des débats. Lors de mon récent voyage sur l’île de la Réunion, j’ai été confronté à une grève des enseignants de la région à propos du quota de 150 situations par référent, alors même que dans d’autres départements, le quota est plutôt de 200 ou 250. En outre, quelques départements sont en retard sur la nomination des enseignants référents, c’est exceptionnel.
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Des avancées indéniables …
Il convient de prendre la mesure du progrès apporté par la loi, à partir de ses décrets d’application (notamment, le décret DGAS du 30 décembre 2005 et l’arrêté EN du 17 août 2006) : pour chaque accompagnement aménagé autour de la scolarité, demandé par des parents, une mobilisation publique (via la MDPH) avec débat contradictoire possible, sur la réponse aux besoins et le suivi des moyens favorisant une scolarisation a minima, en lien avec l’école de référence de l’enfant.
… mais également des questionnements
Les premières mises en place posent déjà de nombreuses questions de fond : le référent est-il le pilote de l’ensemble des actions médico-sociales et scolaires ? Est-il le décideur du PPS ? Quelle différence entre PPS et projet individualisé, au sein d’un établissement ou service médico-social ? Quelle responsabilité du directeur de cette dernière structure, notamment est-il toujours le garant du projet individualisé ? Ces questionnements sont liés aux PPS (définition, contenus), mais également à la juste position des enseignants référents, padans le respect des légitimités institutionnelles. Le risque est de voir les progressions des établissements et services médico-sociaux de ces 10 dernières années (un projet individualisé pour chaque enfant, élaboré collectivement, formalisé, négocié et garanti par le directeur) annulées par une autorité nouvelle, l’enseignant référent, surtout si celui-ci est sollicité par la MDPH pour aider à construire en amont le contenu du PPS.
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Situer les perspectives …
Élaboré à la demande des parents par l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH *, le PPS « définit les modalités de déroulement de la scolarité et les actions pédagogiques, psychologiques, éducatives, sociales et paramédicales répondant aux besoins particuliers des élèves présentant un handicap ». Pour un enfant suivi par un établissement ou service médico-social, existeront donc :
- Un PPS formulé par la MDPH, partie intégrante « d’un plan de compensation », avec un enseignant référent chargé de faciliter et coordonner sa mise en œuvre,
- Un projet d’accompagnement ou projet individualisé (PI), de l’établissement ou service social ou médico-social, élaboré avec son équipe professionnelle (des actions liées au PPS, ou complémentaires et non listées dans le PPS), arrêté, négocié et garanti par le directeur de cette structure, reporté dans le contrat de séjour et ses avenants,
- Une articulation entre les deux projets : les contenus du PPS doivent être repris, pour ce qui concerne la structure médico-sociale, dans le PI, tous les contenus du PI ne sont pas forcément issus du PPS (une élaboration en aval). Cette articulation devra être revue régulièrement, avec coordination de l’enseignant référent et pilotage interne du responsable de la structure médico-sociale.
Ce positionnement est central : il articule scolarisation et projet médico-social, il confirme que les établissements et services médico-sociaux ne sont ni ne peuvent être dirigés ou pilotés par l’Éducation Nationale. Je propose à tous les directeurs de comprendre et d’affirmer la complémentarité, mais également la différenciation PPS / PI. Où serait sinon leur position de garant du PI ?
… et limiter les dérives éventuelles
Il sera également nécessaire de prêter attention à d’éventuelles difficultés, de deux ordres :
- Une implication de l’enseignant référent dans l’élaboration du PPS, soit parce qu’il sera intervenu en amont de la MDPH, pour une scolarisation avant évaluation de la MDPH, soit parce qu’il aura été sollicité par l’équipe pluridisciplinaire pour des bilans et propositions de contenus. Il aura tendance à se situer comme un décideur, et donc à terme un contrôleur. Une éthique du positionnement devra dans ce cas être affirmée : l’expert en amont doit redevenir nécessairement opérateur, même dans une fonction de coordination, en aval.
- Chaque enseignant référent, pas forcément formé à la fonction de coordination ou de conduite partenariale (qui plus est avec une équipe de suivi associant les parents et l’enfant concerné), pourra développer des stratégies réelles de partage. Dans quelques cas, que l’on peut espérer exceptionnels, les enseignants référents agiront comme des décideurs, parfois avec des dérives que j’appellerais la « caporalisation » de leur fonction (un classique des échelons intermédiaires dans les organisations) : donner des ordres, contrôler de manière grossière et tatillonne, prendre une position d’expertise au-delà de leur compétence. Cela sera visible sur la première question des accords sur les calendriers de rencontres.
… pour se centrer sur une véritable coopération
C’est pourquoi, j’insiste pour que les acteurs des processus se centrent sur une dynamique de coopération qui suppose : affirmation de la place propre de chacun (toute la place, rien que la place), éthique partagée (aller jusqu’à des chartes), modalités pratiques formalisées (rencontres ou projets communs). Les directeurs d’établissements et services médico-sociaux doivent à mon sens, et dès maintenant, organiser un véritable management stratégique de la coopération : plans de travail clairs, écoute et gestion des résistances internes et externes, modalités de travail en mouvement au fur et à mesure des expérimentations et progressions, positionnements clairs et immédiats, affirmation du sens et de l’éthique des projets (les PPS comme les PI), retour à l’unique autorité prescriptrice qu’est la MDPH en cas de difficulté.
Daniel GACOIN
* est également possible une saisine directe de la MDPH par l’école de quartier, en cas de proposition aux parents restée sans suite.
Cher Monsieur
J'apprécie vos réflexions et le fait de communiquer vos observations sur l'évolution de la réglementation notamment
En ce qui concerne vos remarques sur les derniers développement de l'EVALUATION EXTERNE , permettez moi d'exprimer un volume temps nécessaire bien inférieur à celui que vous projettez en volume / temps : 1O jours par établissement dites vous .
En effet , le financement de 10 jours est irréaliste et irréalisable .Pour les petits hôpitaux locaux , l'HAS prévoit 2 à 3 jours maximun avec 2 à 3 visiteurs experts . Un petit établissement sanitaire peut être comparé à 3 structures sociales ou médico sociales , type EHPAD ; sans exagérer il est possible de faire une évaluation externe sérieuse en 3 jours , plus le rapport de synthèse , pour une structure moyenne . D'autant que l'Ev EXT s'appuyera sur l'évaluation interne existante et en validera la méthodo et le fond (contenu ) . De mon point de vue , 5 jours globalement me parait être une fourchette moyenne . j'ai moins même conduit plus 4O audits externes , sous forme de diagnostic , en prenant en compte l'ensemble des processus internes et des fonctions . Je serai heureux de pouvoir continuer un dialogue professionnel sur ce thème avec vous .
Codialement
Pierre YEREMIAN - strasbourg
Rédigé par : pierre YEREMIAN | 26 décembre 2006 à 15:13
enseignant référent dans les hautes pyrénées je me pose bien des questions sur mes nouvelles fonctions, en particulier sur le suivi des dossiers en lien avec les établissements sanitaires et sociaux. Vos réflexions ont retenu toute mon attention, vous posez des éléments de débat fondamentaux.La qualité du partenariat au niveau local sera déterminant et dépendra de notre capacité collective à le construire dans le respect des uns et des autres.Il me semble qu'à ce jour il y a un vide sur des directives interministérielles cadrant un peu plus précisément la création des unités d'enseignements au sein des établissements. Je garde votre adresse pour rester en contact si nécessaire.
Cordialement
jean Rodriguez
Rédigé par : Rodriguez Jean | 05 janvier 2007 à 23:08