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Une construction progressive …
En 2006, j’ai présenté régulièrement ici des nouvelles de l’exigence publique d’évaluation dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux :
- Dès février, les indécisions provoquées par la lenteur dans la construction des repères,
- En avril, la vérité à l’égard des rumeurs circulant ici où là (dates butoirs fantaisistes, référentiels qualité qui auraient été, si l’on écoutait les sirènes, près de devenir la norme nationale),
- En juin, un point complet sur les travaux du Conseil national de l’évaluation sociale et médico-sociale (CNESMS) : les premiers repères proposant une démarche de progrès et non une seule mesure de la conformité à des normes,
- En septembre, le conseil de ne pas céder aux experts, sans expérience ou culture du secteur social et médico-social, proposant des solutions toutes faites ou simplistes,
- En octobre, le Guide de l’évaluation sociale interne du CNESMS : sa demande d’une démarche systémique, participative, de progrès et de projet, de conduite du changement. Je parlais d’une position sage, rassurante : assumer une ambition, et non la seule mise en conformité, prôner un acte de gouvernance avec commande et pilotage lisible, l’évaluation proposée devenant d’abord une démarche…
… et sa dernière pierre
Je mentionnais deux inconnues : la date limite des évaluations, internes (initialement pour début 2007) et externes (initialement pour début 2009), des établissements sociaux et médico-sociaux, les repères de l’évaluation externe. Certes, des perspectives circulaient sous le manteau, comme le report de 2 ans des dates limites initiales (respectivement pour début 2009 et début 2011), ou comme le doute profond sur le financement des évaluations externes, donc sur leur maintien à terme dans les exigences publiques. Or, des projets réglementaires en partie annoncés dans la presse spécialisée (cf. ASH du 8/12/2006) lèvent aujourd’hui le voile sur ces questions. Il s’agit de la préparation, bien avancée, d’un décret de la Direction générale de l’action sociale (DGAS) : transformer le CNESMS en une véritable Agence nationale, avec un budget autonome et stable. Il s’agit également du projet (peu commenté) d’un arrêté de cette même DGAS sur les dates limites des évaluations.
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L’ANEQESSMS (!) …
Derrière ce sigle (je m’amuse à l’inventer), se cache la future « Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux ». La transformation vise à passer d’une instance consultative à une Agence nationale, au statut de Groupement d’intérêt public avec autorité pleine et entière dans ses missions, les mêmes que le « futur ex-CNESMS » : promouvoir l’évaluation, développer des recommandations de bonne pratique professionnelle, donner son avis au ministre sur les organismes sollicitant une habilitation pour pratiquer l’évaluation externe. L’avantage est notable :
- Une existence formelle, garantie, de la nouvelle entité dotée de la personnalité morale,
- Une autorité plus importante et plus autonome par rapport au ministère,
- Un budget stable, garanti, non soumis aux aléas des agendas et mouvements politiques.
… et la question de ses (futures) ressources
En matière budgétaire, il convient de se reporter au projet de décret (pour l’instant encore un projet) : il y est essentiellement question des ressources, avec 2 sources principales…
- D’une part, sera versée à l’Agence de l’évaluation une dotation globale par la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie, la CNSA, amorce de la 5ème branche de la sécurité sociale dont les revenus proviennent essentiellement des 2 milliards d’euros collectés par la journée de solidarité des salariés. Je m’étonne de cette dotation, certes minime au regard du budget de la CNSA : celle-ci serait amenée à financer une mission qui n’est pas directement dans ses attributions (que dira la Cour des comptes ?), d’autant qu’une part des actions de l’Agence de l’évaluation bénéficiera à des établissements et services non concernés par le handicap et la dépendance…
- D’autre part, sera versée à l’Agence une contribution des établissements et services, prise sur leur budget propre. Les 2 versions du projet, circulant aujourd’hui au sein des fédérations, évoquent soit une contribution directe par les établissements et services, soit une contribution par les organismes dont les dépenses de siège social sont prises en compte dans les budgets des établissements. Les 2 versions évoquent un montant forfaitaire de 35 euros par structure, ou encore une contribution fixée par un « ordre de recettes » émis par l’Agence. Les sommes en cause sont peu importantes, néanmoins leur collecte risque de coûter fort cher (31 000 émissions de facturations / envois des versements) pour un montant final d’1 million d’euros environ. Par ailleurs, il est étonnant de ne pas voir de ressources via les conseils généraux… Mais surtout, cette construction n’est peut-être pas le meilleur moyen pour favoriser la vision la plus positive de l’Agence, les établissements et services étant déjà contraints de réaliser des prouesses pour les dépenses inhérentes aux démarches d’évaluation elles-mêmes.
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Les nouvelles dates limites des évaluations …
L’évaluation interne : la date limite pour transmettre ses résultats aux autorités de contrôle, fixée au 3 janvier 2007, était repoussée. Nous attendions avant la fin de l’année une annonce de la nouvelle date, les pronostics évoquant le 3 janvier 2009. L’arrêté en cours de signature (pour décembre) évoque en effet la date… du 3 janvier 2009. Pas de surprise donc, mais sans nul doute une poursuite des préoccupations des responsables et équipes professionnelles : il faut maintenant y aller, les appels à des conseils extérieurs vont s’amplifier, les soi-disant experts continuant à se multiplier. Je confirme mon conseil de septembre pour… écarter les promoteurs de « référentiels clés en main » ou centrés sur la seule conformité… pour rechercher les organismes spécialisés, déjà expérimentés dans le secteur social et médico-social, présentant des contenus diversifiés (non quelques items), et en outre au moins trois approches : 1. des contenus ouverts s’appuyant sur des recommandations et orientations fondées, 2. un travail de terrain impliquant les acteurs, avec une recherche rigoureuse sur les écarts indicateurs/pratiques, 3. un travail de construction des axes de progrès avec soutien de la conduite du changement.
L’évaluation externe : la date limite pour transmettre ses résultats aux autorités de contrôle, fixée au 4 janvier 2009, était également repoussée. Et, nous attendions aussi avant la fin de l’année l’annonce d’une nouvelle date, les pronostics évoquant le 3 janvier 2011. L’arrêté en cours de signature évoque la date… du 3 janvier 2010. Petite surprise donc ! Deux préoccupations vont émerger si tout cela se confirme (le ministre Philippe Bas tenant à boucler ces questions avant… les élections) : le financement et la faisabilité.
- Pour le premier point, l’absence de clarté est importante : or, il faudra bien payer des cabinets experts. Si l’on retient un chiffre approximatif de 10 000 euros par évaluation, cela aboutirait à 310 millions d’euros pour l’année 2010 (auparavant, rien n’aura réellement été entamé). Est-ce raisonnable ? Pour quel bénéfice probant ?
- Le deuxième point questionne : combien d’organismes (sérieux évidemment) seront capables, dans un délai resserré (environ une année entre les évaluations internes et cette nouvelle démarche, avec les mêmes contenus), de se développer et de participer au chiffre global de 310 000 journées de travail (moyenne de 10 jours par structure) pour les évaluations externes ? Non, tout cela ne me paraît pas faisable, susceptible même de générer des dérives et de jeter une suspicion majeure sur l’intérêt de l’évaluation en général. C’est pourquoi je propose aux responsables publics d’assumer une éthique de responsabilité en examinant attentivement toutes les conséquences néfastes d’une décision avant de la prendre effectivement ou… de la reporter. Pour ma part, je continue avec mon cabinet à penser le soutien de l’évaluation dans des constructions rigoureuses, conduites et participatives et dans l’accompagnement du changement, sans entrer dans les mirages ou pseudos intérêts de l’évaluation externe.
Daniel GACOIN
Cher Monsieur
J'apprécie vos réflexions et le fait de communiquer vos observations sur l'évolution de la réglementation notamment
En ce qui concerne vos remarques sur les derniers développement de l'EVALUATION EXTERNE , permettez moi d'exprimer un volume temps nécessaire bien inférieur à celui que vous projettez en volume / temps : 1O jours par établissement dites vous .
En effet , le financement de 10 jours est irréaliste et irréalisable .Pour les petits hôpitaux locaux , l'HAS prévoit 2 à 3 jours maximun avec 2 à 3 visiteurs experts . Un petit établissement sanitaire peut être comparé à 3 structures sociales ou médico sociales , type EHPAD ; sans exagérer il est possible de faire une évaluation externe sérieuse en 3 jours , plus le rapport de synthèse , pour une structure moyenne . D'autant que l'Ev EXT s'appuyera sur l'évaluation interne existante et en validera la méthodo et le fond (contenu ) . De mon point de vue , 5 jours globalement me parait être une fourchette moyenne . j'ai moins même conduit plus 4O audits externes , sous forme de diagnostic , en prenant en compte l'ensemble des processus internes et des fonctions . Je serai heureux de pouvoir continuer un dialogue professionnel sur ce thème avec vous .
Codialement
Pierre YEREMIAN - strasbourg
Rédigé par : pierre YEREMIAN | 26 décembre 2006 à 15:18
Je comprends bien vos interrogations et vos doutes sur mes appréciations du temps d'une évaluation externe.
Si l'on considère qu'une évaluation externe est un audit, de conformité qui plus est, aucun doute sur votre évaluation d'une démarche de 5 jours (rapport compris !). Mais ce n'est pas l'objet de l'évaluation, déjà posé par le CNESMS.
Si l'on considère que son objet est une vraie démarche de progrès avec prise en compte des choix internes et recommandations externes et traduction dans une liste de critères et d'indicateurs de qualité spécifiques (minimum 1 jour), examen des pratiques réelles de terrain et mesures des écarts (minimum 4 ou 5 jours pour une personne seule), analyse des résultats et organisation des axes de progrès (1 à 2 jours), formalisation dans un rapport (2 jours), échange contradictoire sur le rapport (1 jour), on arrive à mes 10 jours.
Moins, c'est se condamner à un travail rapide, loin de l'objet même de l'évaluation tel que défini par les textes et références du CNESMS.
Je pratique moi aussi les diagnostics, à la demande des organismes gestionnaires. Par contre, je n'entrerai pas dans l'évaluation externe, audit déguisé, surtout si le financement se réduit à 5 jours de travail.
Bien à vous sur ce thème ou sur d'autres
Cordialement
Daniel GACOIN
Rédigé par : Daniel GACOIN en réponse aux interrogations de Pierre Yereman | 27 décembre 2006 à 12:53