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L’observation sociale comme nécessité…
La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, texte majeur, peu connu du grand public, posait l’exigence de la qualité dans les réponses aux besoins des populations les plus en difficulté : respect et mise en œuvre des droits des usagers, qualité des prises en charge, ouverture et partenariat entre structures, décloisonnement des champs d’intervention, réponses adaptées aux besoins et non seule logique de l’offre, dans des logiques territoriales…. Elle rappelait une évidence : une politique sociale adaptée suppose une lecture construite des besoins sociaux, tant quantitative que qualitative, tant actuelle que prospective. Elle insistait sur la création de systèmes d’information, entre organismes, devant à terme être compatibles entre eux, souhaitant générer ainsi une véritable « observation sociale ».
…et comme arlésienne
Et pourtant… à cette époque et aujourd’hui encore, la réalité est contrastée. « Il est étonnant de constater à quels points les besoins restent peu connus, en particulier bien sûr, les besoins non couverts. On peut légitimement se demander sur quelles bases se sont construites 40 années de protection sociale », disait Valérie Löchen en 2000 (Guide des politiques sociales, Dunod).
Et pourtant… de multiples organismes, observatoires, lieux d’études, statistiques sont en place ou nouvellement créés, de manière cumulée et éparse à la fois, sans que progresse le principe de l’observation sociale. Partout des autorités, experts, organismes publient des chiffres, sont légitimés, se contredisent parfois, donnant le sentiment d’un savoir ou de données aléatoires, peu crédibles ou peu audibles, même quand elles sont fondées.
Et pourtant… les pouvoirs publics ont prévu, dès 1999, des « plates-formes régionales de l’observation sociale ». Elles n’existent pas encore dans toutes les régions. Quand elles sont en place, elles sont peu connues ou reconnues, peu en position de piloter les travaux régionaux sur le champ des besoins sociaux. Tout se passe comme si l’observation sociale régionale était un vœu majeur, pieux, peut-être encore vain…
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Une nouvelle direction ?
La direction générale de l’action sociale a produit le 11 juillet 2006 une circulaire sur cette question pour consolider l’existant et donner une nouvelle impulsion. Elle se situe dans la continuité plus que le changement, ce qui peut générer des doutes sur ses effets, d’autant que la voie de la circulaire (orientation et demandes), et non du décret (obligation ferme), a été choisie.
… à partir d’un bilan
Dans la foulée des besoins induits par les politiques d’insertion et de luttes contre les exclusions, les principes de 1999 étaient clairs : les plates-formes devaient « coordonner et améliorer le contenu des études des organismes d’observation sociale, compléter la connaissance du champ social et médico-social au plan régional ou infra régional et valoriser et partager les résultats entre l’ensemble des acteurs concernés ». Leur bilan d’aujourd’hui :
- Des acquis : progression des données statistiques sur la connaissance des situations sociales et des populations, connaissance des déficits et des nouveaux besoins d’information, décloisonnement entre l’observation sociale et sanitaire, diffusion de l’information plus importante
- Des manques : participation insuffisante des différents décideurs aux instances de pilotage, animation lourde, non-participation des collectivités locales et même de certains services de l’Etat, difficultés de construction des bases de données, lien faible avec les décideurs, diffusion insuffisamment organisée.
… des perspectives
Pour répondre aux données nouvelles (acte II de la décentralisation, réforme de l’Etat, pilotage des pôles de santé et de cohésion sociale, obligation de l’observation sanitaire et sociale de la loi du 2 janvier 2002, logique de la LOLF, passage des contrats de plan Etat-régions 2000-2006 aux contrats de projet Etat-régions), il est décidé de généraliser les plates-formes dans toutes les régions. Leurs finalités : « favoriser la connaissance utile aux acteurs et décideurs sur les phénomènes sanitaires et sociaux ». Il s’agit aussi d’animer l’observation sociale, d’élargir les données, dans la logique du plan de cohésion sociale (les thèmes du logement, des populations immigrées ou issues de l’immigration, de l’insertion des personnes en difficulté ou handicapées, de la santé publique). Quatre objectifs sont formulés pour les 3 ans à venir
- Meilleur recensement et mise à disposition des informations disponibles,
- Plus grand repérage des besoins en matière d’observation d’études et de diagnostics,
- Programmation et suivi des travaux d’études à partir des bilans des actions réalisées
- Organisation de la diffusion et de l’échange avec les partenaires, dont les décideurs.
… et des repositionnements
Le texte souhaite une dynamique par l’implication aux côtés de l’Etat des collectivités locales (notamment les conseils généraux responsables de l’ASE, du RMI, des fonds d’aide comme le FSL et le FAJ, de l’accueil des personnes âgées et handicapées), des organismes de protection sociale et des associations. Il propose que les plates-formes soient des structures souples (pas des GIP) et deviennent des « Comités de l’observation sociale » des 22 régions. Pilotées par le préfet ou le DRASS, elles devraient réunir tous ses membres de façon volontariste dans une direction stratégique : fixation des priorités, des modalités et productions attendues, de la politique de diffusion). Un comité technique serait adjoint, via les DRASS ou un opérateur externe, comme « pôle ressources » pour les opérateurs d’études. Ultime repositionnement : les observatoires régionaux de la santé (ORS), les CREAI (ou d’autres organismes) ne participeront pas à l’instance stratégique, mais uniquement aux instances techniques. Un financement est d’ores et déjà isolé, pour financer les structures, les études étant financées par d’autres sources.
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Des raisons d’espérer ?
L’injonction souple du ministère pose une montée en charge et une généralisation sur 3 ans, mais les préfets devront faire part des initiatives prises dès la fin de cette année.
L’ensemble va dans le bon sens, mais l’absence de directive ferme interroge. En outre, les financements ne sont pas construits dans une logique de contrat d’objectifs et de moyens. Or il est plus que jamais nécessaire de penser à une juste utilisation des finances publiques afin d’éviter des gâchis dans des initiatives importantes, mais loin des réels besoins.
L’observation sociale : une nécessité ! La mobilisation de ressources : un outil évident ! J’ajoute deux conditions : une obligation de résultat, pour ne pas ajouter un « comité théodule » à des vœux illusoires ; une condition de garantie scientifique par convention à toutes les études commandées/validées par ces comités.
Daniel GACOIN
PS : pour ceux qui s’intéressent aux plates-formes existantes, le lecteur pourra consulter leurs sites, par exemple… www.creaibourgogne.org/, www.platoss-bretagne.fr/, www.reunion.sante.gouv.fr/ (qui permet en outre de trouver un dossier sur le chikungunya), www.pays-de-la-loire.sante.gouv.fr/
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