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Le dispositif original imposé par la loi…
La loi du 11 février 2005 pour « l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » se met en place. Le rythme est lent, les contenus inégalement réalisés sur le territoire, cela s’expliquant en partie par les nouveautés, révolutionnaires et complexes. En effet, au-delà du plein exercice de la citoyenneté des personnes handicapées (dont le droit de vote, même pour les personnes sous tutelle), des obligations d’accessibilité des lieux (dont bureaux de vote et transports), la loi est axée sur des évolutions fortes, souvent évoquées ici (cf. mon billet du 20 juin) :
- La première concerne le droit nouveau, dit « droit à compensation » de toutes les conséquences de son handicap, pour la réalisation du projet de vie de chaque personne, même à domicile.
- Vient ensuite, dans chaque département, la « Maison Départementale des Personnes Handicapées » (MDPH) : lieu ressource, lieu unique avec une mission d’accueil et d’instruction des demandes, et une 2ème mission d’évaluation du handicap et des besoins de soutien au projet de vie, celle-ci étant réalisée par « une équipe pluridisciplinaire ». EN outre une « Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées » (CDAPH, ou plus brièvement CDA), prend les décisions : prestations et soutiens, orientations en établissement spécialisé (à partir du projet de vie et de l’évaluation des difficultés et besoins).
- Pour les enfants et adolescents handicapés enfin, le droit à une inscription ou une fréquentation scolaire dans l’école de son quartier (cf. mes billets des 29 janvier et 12 mars 2006).
… et son installation effective dans chaque département
Les MDPH sont théoriquement en cours d’installation. Sur le principe, toutes les conventions entre la CNSA et les MDPH sont signées. J’ai été amené à travailler, dernièrement, avec des responsables et membres d’équipes pluridisciplinaires de 8 MDPH. Si l’échantillon était loin d’être représentatif, apparaissait néanmoins, et déjà, la grande diversité des cas de figures.
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La situation bien différente de chaque département
Sur ces 8 MDPH, trois situations sont en place :
- Des départements largement engagés : une MDPH, ouverte dès janvier ou au plus tard mars 2006, un directeur, des professionnels en place (de 20 à 50 personnes selon l’importance du département). Les dispositions de travail (accueil, instruction, fonctionnement de la CDA,…) sont effectives. Dans quelques cas, la MDPH comporte des sites déconcentrés (pas exemple 3 sites d’accueil). Cette réalité probante est en lien avec des départements qui avaient anticipé la mise en place, bien avant janvier 2006.
- Des départements où les dispositifs sont en cours de finalisation : des fonctionnements à partir des bases anciennes (COTOREP et CDES), mais une installation prévue de la MDPH, un mode de travail évoluant vers la prise en compte, à terme, des prestations prévues par la loi. Les dispositifs ont encore à être installés sur un mode stable, et peuvent être bousculés par les aléas (ici un directeur démissionnaire, là un directeur peu disponible, ailleurs des processus de travail en équipe insuffisamment structurés…).
- Des départements largement plus en retard : les prévisions restent aléatoires (installation de la MDPH dans plusieurs mois, voire dans plus d’un an, équipe pluridisciplinaire non constituée, fonctionnement peu stable, aléas nombreux, absence de sentiment d’appartenance, dossiers de droit à compensation non encore ouverts,…).
… et une première typologie des équipes pluridisciplinaires
L’affaire est d’importance puisque théoriquement, chaque MDPH doit présenter des ressources humaines et moyens permettant de répondre aux prestations à réaliser. Il s’agit d’abord de l’accueil immédiat (réponses aux venues, appels téléphoniques ou messages Internet pour renseignements), d’un accueil de deuxième niveau (écoute et orientation interne ou externe, ouverture de dossier), d’une instruction des demandes (aide à la formulation du projet de vie, suivi), ou d’une réponse d’urgence (équipe de veille en soins infirmiers). Ces premières missions nécessitent déjà une infrastructure et des moyens techniques (informatiques, etc…)
Il s’agit aussi de la mission d’évaluation (formulation des besoins de compensation, des orientations ou du projet personnalisé de scolarisation, suivi éventuel des litiges) : c’est le rôle spécifique de « l’équipe pluridisciplinaire ». Les professionnels de cette équipe sont encore indifférenciés des autres professionnels des MDPH engagés dans l’accueil ou l’instruction (sauf dans certains départements). La constitution de l’équipe pluridisciplinaire subit parfois des aléas : certains anciens personnels des CDES et surtout des COTOREP, n’ont pas toujours accepté de se voir affecter aux MDPH par crainte de changement de statut ou de « modes de management ». La pluridisciplinarité n’est pas encore effective. Pourtant les progressions sont notables dans les 8 MDPH rencontrées. Ces constats permettent surtout de mettre en valeur 4 types de structuration future des équipes pluridisciplinaires, en bref quatre « modèles » (éventuellement croisés) :
- Le cas le plus simple (pas forcément le plus courant) : une équipe nombreuse, unique, centrée sur sa mission et engagée dans une pratique contrôlée par un coordinateur (le plus souvent un médecin), agissant sur un site unique. Parfois, cette équipe fait appel à quelques experts et ressources extérieures pour sa mission d’évaluation.
- Le cas inverse (là aussi pas forcément le plus courant) : une équipe très réduite, presque à un coordinateur, avec un appel important aux ressources du réseau spécialisé pour la mission d’évaluation. La question du respect des procédures et des règles éthiques par le réseau sera importante à résoudre.
- Le cas d’une équipe divisée en deux ensembles : il s’agit d’une organisation où se reconstituent, contrairement à l’esprit de la loi, un « pôle enfants-adolescents », un « pôle adultes ». Dans cette organisation, on pourra retrouver un mode de fonctionnement centralisé ou disséminé dans le réseau (les 2 modèles précédents).
- Le cas plus complexe d’une équipe répartie sur un territoire : 2 ou 3 (ou plus) sites d’accueil, avec en plus parfois des pôles séparés « enfants-adolescents » et « adultes » sur chaque site, ou une graduation dans l’utilisation du réseau.
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Les questions managériales…
Le fond des questions posées par ces modes d’approche semble être celui de la clarté des choix politiques et stratégiques sous-tendant ces organisations : c’est-à-dire la pertinence des choix et des moyens d’une part, leur lisibilité d’autre part (pour les usagers et pour les partenaires notamment). Il sera nécessaire d’énoncer clairement les visions éthiques et politiques, les responsabilités, les règles de fonctionnements, les calendriers et modalités de travail en équipe, et leur mode de contrôle. C’est en premier lieu l’affaire des dirigeants ou cadres (membres du GIP, commission exécutive, directeur, coordinateur) des MDPH.
… et techniques
Ceci suppose également que soient également clarifiées :
- Des modalités stratégiques : par exemple, le rôle des enseignants référents, qui ne font pas partie des équipes pluridisciplinaires mais peuvent intervenir en amont, parfois de manière décisive sinon abusive,
- Des modalités techniques : par exemple les outils comme Eva, dans leur version définitive, mais également l’accès aux informations de la CNSA pour lequel il existe encore des difficultés,
- La résolution des inégalités de prestations : aujourd’hui par exemple, des personnes adultes peuvent souhaiter garder les dispositions de l’allocation compensatrice tierce personne (ACTP : disposition ancienne) plutôt que de demander le « droit à compensation » (disposition nouvelle, parfois moins avantageuse).
… qui seront facilitées par un soutien et une évaluation
Bien sûr, tout cela interroge, surtout si l’on raisonne en termes d’égalité des personnes handicapées sur l’ensemble du territoire. Il convient néanmoins de reconnaître qu’à ce stade les mobilisations sont effectives dans la plupart des cas, même si les structurations sont encore insuffisantes. C’est pourquoi je plaide pour une organisation de l’action de la CNSA sur ce thème : formations diversifiées prenant en compte la diversité de terrain, mobilisation rapide sur les résolutions techniques indispensables, soutien des modalités managériales et éventuellement de la résolution rapide des situations hors normes, évaluation des dispositifs sur le modèle des cas types (cf. mon billet du 7 octobre), sur la conformité des prestations minimales, sur les modalités managériales et sur la conduite de chaque projet MDPH.
Daniel GACOIN
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