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Un cadre exigeant…
32 000 établissements et services sociaux et médico-sociaux ont entendu l’injonction de la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale : un établissement d’accueil, d’hébergement ou d’accompagnement pour personnes en difficulté sociale, âgées, handicapées ou inadaptées, doit mettre en place la participation des usagers à la vie de l’établissement sous la forme d’un Conseil de la Vie Sociale (CVS)… L'obligation a été précisée : « Le CVS est obligatoire lorsque l’établissement ou le service assure un hébergement ou un accueil de jour continu ou une activité d’aide par le travail. » Les règles de composition, les contenus à aborder, les modalités concrètes ont été exposés dans un premier décret, améliorés avec de nouvelles précisions ensuite.
… et flou à la fois
Ces obligations ont été assorties d’exceptions : établissements et services accueillant majoritairement des mineurs de moins de 11 ans, ou relevant de la PJJ, services ou établissements n’assurant pas un accueil de jour « continu »… Des imprécisions ont suscité de nombreuses questions : qui fait partie de l’obligation, qui n’en fait pas partie ? Et chacun de citer un cas particulier…. La réponse a son importance puisque le décret stipule que « lorsque qu’un CVS n'est pas mis en place, il sera institué » :
- « des groupes d'expression »,
- ou « des consultations de l'ensemble des personnes accueillies ou prises en charge »,
- ou « des enquêtes de satisfaction, obligatoires pour les services à domicile pour des personnes dont la situation ne permet pas de recourir aux autres formes de participation ».
Toutes les modalités retenues doivent permettre l’expression des usagers et familles sur des thèmes divers : fonctionnement, vie quotidienne, activités, animation, travaux et équipements, nature et prix des services rendus, affectation des locaux collectifs, entretien, vie institutionnelle, etc… Des thèmes très ouverts donc. Les modalités doivent être décrites dans le règlement de fonctionnement et garantir une « participation des représentants des usagers ou de leurs familles en nombre supérieur à la moitié des participants ».
… qui oblige à clarifier la question
L’inquiétude des uns favorise les résistances des autres. La satisfaction des professionnels ou cadres au profil légaliste est à son comble : il y a matière à s’étriper pour savoir si tel ou tel type de structure doit (ou est exempté de…) mettre en oeuvre telle ou telle formule, telle ou telle disposition. Et deux ans après les décrets, le bilan est encore mitigé : un bon tiers des structures est en phase avec les obligations (quelle que soit la formule), un autre tiers s’interroge et avance, en tentant toujours de discerner la bonne formule juridique et pratique, un dernier tiers est résolument en dehors de toute application à terme.
Je propose de « shunter » les questionnements : il s’agit, non de relever qui est en dehors de telle ou telle modalité, mais de penser l’esprit de la participation des usagers, de la prise en compte de leur vécu et de leurs attentes :
- Dans quelques cas (établissement et service de la PJJ, établissement accueillant des enfants de 11 ans), le CVS ne sera pas installé. Dans d’autres, il ne sera pas créé du fait de difficultés liées à la problématique des usagers, aux conditions matérielles, à la nature du service (par exemple l’Action Educative en Milieu Ouvert en protection de l’enfance, ou un établissement d’hébergement sur un temps provisoire et court, etc…),
- Dans ces situations, il sera systématiquement organisé soit des groupes d’expression, soit des consultations ou enquêtes de satisfaction, dans des modalités pratiques les plus adaptées non à la loi mais aux personnes concernées, les usagers.
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Positionner une enquête de satisfaction…
Pour les dernières modalités, je propose trois principes : L’enquête ou consultation…
- ne peut se confondre avec l’évaluation (thème évoqué à trois reprises dans ce blog),
- est une démarche de communication. A ce titre, elle doit s’établir en pensant 3 objectifs : l’information effective (et la qualité possible de réception des messages ou questions posées), la qualité de la relation (position ouverte et curieuse du point de vue de l’autre, échange), la structuration de la relation (participer, donner son point de vue n’est pas décider notamment…)
- ne peut se réduire à une liste de questions, à des cases, statistiques ou pourcentages finaux. Il s’agit d’une démarche, entraînant évolution, mouvement partagé, interaction.
… et la décliner dans des modalités établies, à partir de quelques conseils
- Conseil 1 : Ne pas improviser en développant un jour une enquête téléphonique, un autre jour des rencontres. Il convient d’installer le processus dans des données stables, écrites dans le règlement de fonctionnement donné aux usagers au moment des premières entrées en relation. Le choix de la méthode devra être établi pour un long terme.
- Conseil 2 : Sortir du carcan du juridique. L’important, c’est en effet de penser recueil des points de vue, non d’être centré sur la seule conformité.
- Conseil 3 : Penser régularité des enquêtes. Il s’agit de ne pas en réaliser une et de s’arrêter, mais d’étaler la démarche sur la régularité : par exemple, une même enquête par questionnaire de satisfaction deux à trois fois par an, ou une interrogation systématique de tous les usagers au bout de 6 mois d’accompagnement.
- Conseil 4 : Penser dynamique collective. Dans ce cadre, il conviendra, toujours, de renvoyer aux personnes interrogées le résultat global des différents points de vue. C’est fondamental : chacun ne répond pas pour lui, mais pour une amélioration, en étant relié aux autres points de vue. Dans la pratique, on pensera à un petit livret remis à chaque usager, ou une réunion, ou un courrier du directeur, etc… avec le résultat de l’enquête.
- Conseil 5 : Penser qualité de communication. La forme concrète de l’interrogation sera adaptée au public : des formes diverses (enquêtes téléphoniques, entretien individuel, questionnaire écrit, etc…). L’entretien est souvent préférable au questionnaire écrit, à condition d’assurer une écoute objective et non guidée des réponses.
- Conseil 6 : Penser diversité des contenus et des formes de questions. Le champ peut être divers. Il est utile d’avoir des questions fermées et ouvertes, simples, d’interroger les conditions pratiques de la vie ou de la prise en charge comme la mise en œuvre des droits des usagers. J’ai encore le souvenir d’une enquête auprès des résidents adultes déficients intellectuels d’un foyer occupationnel, avec des thèmes différents (chambres, activités, droits,…), des formes de questions fermées (« si vous voulez aller à la messe le dimanche, pouvez-vous y aller ? ») ou ouvertes (par exemple la possibilité de commentaires : une personne a répondu à toutes les questions par un tonitruant « ta gueule pédé ! » - sa forme ritualisée d'expression d'un intérêt -, et d’autres ont donné des réponses au contenu plus utilisable).
- Conseil 7 : Penser démarche et non recueil limité du point de vue. Ce qui va en effet être utile, c’est que l’écoute des perceptions, positives ou négatives, permette de prendre des décisions d’amélioration qui donneront lieu à de nouvelles interrogations. La régularité de ces dernières permettra d’établir une dynamique interactive sur le long terme. Les écrits collectifs sur le résultat de l’enquête devraient systématiquement intégrer les leçons retenues et les décisions qu’elles ont entraînées.
Il n’y a rien à craindre de ces démarches, pourvu qu’on sorte des arguties juridiques pour entrer dans l’intérêt du recueil du point de vue de l’autre, dans un cadre garanti. Des formes très diversifiées peuvent exister, soyez ouverts et créatifs…
Daniel GACOIN
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