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Une nouvelle forme de pilotage…
La loi du 2 janvier 2002 de rénovation de l’action sociale et médico-sociale a introduit la possible évolution des ressources des établissements et services sociaux et médico-sociaux par un outil déjà connu dans le secteur sanitaire et hospitalier : le Contrat d’Objectifs et de Moyens. Ainsi, elle créait une nouvelle forme de pilotage financier des établissements et services : 1. Formalisation d’objectifs, comme réponses à des besoins identifiés, 2. Mobilisation possible de moyens particuliers et éventuellement supplémentaires, conditionnés par des objectifs précis, 3. Déclinaison de ces moyens sur une base pluriannuelle.
Cette nouvelle logique est présentée au départ comme une démarche concertée autour de projets. Elle semble une évidence pour le grand public. Disons plutôt que l’absence de lien objectifs/moyens est vite identifiée par tout citoyen/contribuable comme un manque, dès que l’on pense nécessaire une rationalité dans l’affectation des finances publiques. L’arrivée des COM est ainsi à relier à l’évolution de la gestion des budgets publics et la mise en place, depuis 2006, de la LOLF (loi organique sur les lois de finances) : logique de mission autour d’objectifs annuels comme base de l’élaboration, puis de l’évaluation des budgets de l’Etat.
… et le soupçon qu’elle génère
Ce que le bon sens comprend comme un élément de progrès se révèle, pour les responsables ou professionnels de l’action sociale, une logique gestionnaire limitée, entachée du soupçon de réduction des coûts, voire d’abandon de l’esprit même de l’intervention sociale. Le mot de « logique gestionnaire » (bonne utilisation et contrôle des fonds publics) suscite des allergies dans ce secteur du fait de dérives éventuelles, mais aussi du fait de réticences de fond. C'est un peu comme s’il était illégitime de penser la logique de droit public et de garantie citoyenne des finances publiques en percevant cette progression comme un danger. A mon sens, ce n'est pas le principe qui est dangereux, c'est son éventuelle déviation. En contrepoint, il faut néanmoins convenir que l’arrivée des COM, dans un contexte de réduction de la voilure budgétaire en faveur de l’action sociale, ne facilite pas les regards positifs.
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L’exemple des CHRS
La lutte contre l’exclusion est devenue complexe au fur et à mesure de sa prise en compte comme champ majeur de la nouvelle question sociale… Les accompagnements sociaux de personnes en grande difficulté sociale s’appuient souvent sur l’accueil en établissement d’hébergement et d’aide à la réinsertion : les tremplins que sont les CHRS. Le sigle désignait initialement des Centres d’hébergement et de réadaptation sociale, aujourd’hui des Centres d’hébergement et de réinsertion sociale.
Dans leur immense majorité, les CHRS sont privés et gérés par des associations 1901, quelques uns sont des établissements publics gérés par des centres communaux d’action sociale ou des structures départementales. Ils ont vocation à accueillir les populations les plus démunies et prises en charge par l’aide sociale. Dans chaque département, un schéma des CHRS est élaboré afin de renforcer la coordination des réponses apportées aux besoins des personnes démunies.
…comme secteur sinistré
Précisément les CHRS, avec un nombre déjà insuffisant de places, ont vu au cours des années 2003-2005 leurs moyens singulièrement réduits, au point que certains d’entre eux se sont trouvés en très grande difficulté. Une mission d’enquête IGAS/IGF a été missionnée en juillet 2004 sur la problématique du financement des CHRS au plan national. Cette mission, qui avait pour but d’identifier et d’analyser les difficultés d’ordre financier que connaissent les CHRS, ainsi que leurs causes et leurs conséquences, a remis son rapport en janvier 2005.
… nécessitant une construction rationnelle
Le rapport confirmait la situation tendue des CHRS et notamment des associations gestionnaires, avec la nécessité d’une affection plus importante de moyens. Il a été conforté par un plan national d’action en mars 2005.
La ministre concernée par la lutte contre l’exclusion a également décidé en 2005 un plan complémentaire, structuré autour de trois grands objectifs :
- L’amélioration du contrôle de gestion : « mieux appréhender l’évolution des dépenses et des recettes des établissements »,
- L’amélioration du pilotage : « l’amélioration du système d’information et d’indicateurs et l’élaboration d’un référentiel des coûts »,
- L’amélioration de l’allocation des ressources : « amorcer la rationalisation des coûts et de garantir une allocation plus juste des ressources ».
Ce plan complémentaire est conforté par la mise en application, présentée dans une circulaire du 6 juillet 2006 à paraître au prochain bulletin officiel Santé - Protection sociale - Solidarités, des Contrats d’Objectifs et de Moyens pour les CHRS. La circulaire est accompagnée d’un Guide méthodologique. Les CHRS seront les premiers types d’établissements sociaux qui se verront appliquer de manière généralisée la réforme des COM, d’où l’intérêt de regarder attentivement le cadrage qui leur est donné.
… autour de l’objectif de qualité
Quelques axes précis constituent la base méthodologique de ces COM :
- Ils doivent être en cohérence avec le schéma départemental de l’accueil, de l’hébergement et de l’insertion, notamment dans l’optique d’une place dans la meilleure coordination des dispositifs,
- Les établissements bénéficiant d’un COM doivent avoir un projet d’établissement (objectifs des accompagnements et prestations, objectifs d’organisation et déclinaison interne/externe). Cette condition ne sera pas exigée pour les CHRS pour lesquels le COM est un moyen de sauver un établissement dont la fermeture a pu être envisagée,
- Le COM doit avoir pour perspective la restructuration des activités de l’établissement (optimisation des coûts notamment),
- Le COM doit s’inscrire dans une promotion de la qualité,
- Le COM a une validité de 5 ans, et s’inscrit dans la perspective de financement pluriannuel,
- Le COM doit être en cohérence avec la convention Aide sociale/CHRS d’habilitation,
- Les contenus du COM peuvent comprendre des thèmes comme : le contenu des prestations, la qualité de la prise en charge, les ressources humaines, les aspects architecturaux, etc…
Je note l’articulation entre les objectifs quantitatifs et qualitatifs, comme base de ces COM. Chacun pourra y trouver matière à s’inquiéter, ou à se rassurer. Il me semble surtout intéressant d’insister sur un principe : ne pas situer l’impératif de gestion comme une fin, mais comme un moyen. Ce principe s’applique également aux COM. C’est la pratique de terrain qui permettra de valider la pertinence de ce type de dispositif. Je formule le vœu qu’elle passe d’emblée par des temps de dialogue et de compréhension réciproque.
Daniel GACOIN
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