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Une initiative récente…
En février 2006, je faisais part ici de l’appel dynamisant de Martin Hirsch dans un texte publié par Le Monde : « Contre la misère, osons ! ». Il annonçait la création d’une agence, dont la vocation était (est toujours) de soutenir des initiatives de lutte contre la pauvreté. Il partait d’un regard sévère sur la situation française : augmentation des programmes de lutte contre la pauvreté et de leur coût, situation alarmante pourtant de la progression de la pauvreté (après des années de diminution continue depuis 1970, le pourcentage de personnes en dessous du seuil de pauvreté a fortement augmenté ces dernières années), absence de sanctions et d’exigences à l’égard des politiques publiques. Il affirmait une ambition : développer les initiatives et expérimentations, en les couplant avec un principe d’évaluation des résultats, pour chaque euro dépensé. Ces évaluations devraient concerner, nous était-il affirmé:
- L’efficience des initiatives en termes de créations d’emploi ou d’accompagnement,
- L’utilisation pertinente des dépenses sociales,
- Le contournement des clivages institutionnels.
J’ai à plusieurs reprises été amené à diffuser l’existence de cette agence, à transmettre ses coordonnées à des personnes intéressées pour s’y impliquer. Je suis moi-même un adhérent de l’association.
… qui se développe avec énergie
L’Agence a commencé à travailler… Elle a obtenu la reconnaissance d’association d’intérêt général à caractère social en août 2006. Une équipe est constituée, avec des professionnels et des salariés détachés par des entreprises et des stagiaires, des militants/bénévoles… Elle a déjà réalisé de nombreux travaux.
Le cercle de ses promoteurs s’est élargi : partant principalement de membres de la commission « Familles, vulnérabilité, pauvreté » (qui avait proposé la mesure phare du revenu de solidarité active, le RSA), il comprend des promoteurs de l’action sociale, des penseurs/chercheurs (principalement de « La république des Idées », déjà évoquée dans ce blog), des responsables d’entreprises. Une présence forte : celle de Benoît Genuini, ancien PDG de l’entreprise Accenture (conseil en management et services informatiques) qui a quitté ses responsabilités pour rejoindre l’agence. Un article de Marianne a parlé, en août, du duo « Hirsch-Genuini » en évoquant les « Gemini Cricket du social ».
De nombreux projets ont été initiés :
- Dans l’Eure, 4 projets au sein des 4 unités territoriales de l’action sociale de ce département : ici une plate-forme d’accueil des allocataires du RMI (inspirée de l’idée du « guichet unique »), là l'expérimentation d’une première mise en œuvre du revenu de solidarité active, ailleurs des expériences d’insertion par l’économique,
- En Meurthe et Moselle, une expérimentation de contrats aidés sur mesure, avec obtention d’engagements d’employeurs pour les suites de contrat,
- A Grenoble, une évaluation dynamique des centres de santé et un travail sur les impacts de l’accueil Petite enfance en crèche,
- En Côte d’Or, l’expérimentation d’un contrat d’insertion unique, et un travail pour mesurer et résoudre les obstacles de l’accès à l’emploi en milieu rural.
Deux influences dans ces actions : le triptyque de l’Agence "innovation / expérimentation / déblocages institutionnels" d’une part, l’avancée vers le revenu de solidarité active d’autre part.
Je rappelle enfin la grande initiative de l’Agence, associée à « La République des idées », organisant le colloque de Grenoble sur « La nouvelle critique sociale » en mai 2006 (voir mon billet du 14/05/06) : 8000 participants, une diffusion médiatique importante par un partenariat avec Le Monde et France Culture.
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La première assemblée générale…
Hier, 27 septembre, la première assemblée générale de l’Agence s’est tenue dans ses locaux du 12ème arrondissement à Paris, à son adresse située, par un hasard heureux, au « 1, Passage du Génie » (!). Je propose ici un rapide compte-rendu de cette assemblée :
- Une première bonne nouvelle : le nombre des adhérents est aujourd’hui conséquent (119 personnes physiques)
- Une deuxième bonne nouvelle : la mobilisation financière est importante, à l’aune des partenariats avec l’Etat et les collectivités locales, avec les entreprises.
- Une troisième bonne nouvelle : le maintien d’un esprit général ambitieux pour des interventions de terrain et au niveau national, pour des liens entre des chercheurs et des praticiens de l’action sociale. Les initiatives sont nombreuses, les liens avec des groupes de chercheurs également (l’Ecole d’économie de Paris), avec les responsables politiques et ministériels aussi. Pour exemple, le projet de loi de finances retenu hier par le Conseil des ministres intègre un article directement issu des réflexions de Martin Hirsch : la possibilité de déroger au principe constitutionnel d’égalité en permettant, avec la caution de collectivités locales, à des bénéficiaires de minima sociaux de ne pas être pénalisés par la perte brutale des allocations lors du retour à l’emploi.
- Des décisions annoncées : l’expansion des actions, un nouveau colloque de « La Nouvelle critique sociale » à l’automne 2007 (avec une plus forte proportion de praticiens de l’action sociale et une plus faible part d’intellectuels). Martin Hirsch, Conseiller d’Etat et président-fondateur, s’implique davantage en devenant salarié et directeur général de la structure.
Le premier conseil d’administration a été élu, après adoption des statuts définitifs. Il regroupe des personnalités fortes :
- Bernard Genuini, ancien PDG d’Accenture, très impliqué dans la vie de l’Agence,
- Pierre Rosanvallon, initiateur de « La République des idées », historien et auteur prolixe : notamment « La crise de l’Etat providence » (1981), « La nouvelle question sociale » (1995), ou en septembre 2006 « La contre-démocratie, la politique à l’heure de la défiance » au Seuil,
- Eric Maurin économiste, membre de « La République des Idées », auteur de l’ouvrage « Le ghetto français » (Seuil, 2004) après « L’égalité des possibles » en 2002
- Egalement la directrice de la communication à la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie, un conseiller référendaire à la Cour des Comptes, un chargé de mission à l’AFSSA (agence de sécurité des aliments), deux dirigeants d’entreprises, un banquier, deux membres de l’Inspection générale des affaires sociales, un professeur à HEC, un journaliste, le délégué général d’Emmaüs France…
Un questionnement néanmoins : les travailleurs sociaux et les entrepreneurs sociaux sont aujourd’hui peu présents dans l’association et l’équipe professionnelle, une absence qui peut favoriser une dichotomie entre des gens de terrain, impliqués et le nez dans le guidon, et des conseilleurs plein de dynamisme.
… et des perspectives
L’Agence nouvelle des solidarités actives s’engage dans le développement à plusieurs niveaux, les partenariats sont maintenant importants, l’influence diffuse tant au niveau local que national.
Souhaitons qu’elle s’élargisse encore et qu’elle contribue à des performances de terrain, à des prises de conscience, à une progression des mobilisations. « Contre la misère, en effet, osons ! agissons ! »
Daniel GACOIN
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