.
Une architecture globale…
Il est utile de faire un point sur les constructions en cours pour l’évaluation sociale et médico-sociale. Rappelons l’obligation issue de la loi du 2 janvier 2002 : chaque établissement ou service procède tous les 5 ans à une évaluation interne, avec un résultat transmis aux autorités de contrôle, il fait procéder également tous les 7 ans à une évaluation externe (par un cabinet externe), avec une même transmission du résultat aux autorités de contrôle. L’ensemble vient compléter les écrits successifs du projet d’établissement ou de service, valable 5 ans, permettant ainsi une vision globale de la conformité et de la qualité de chaque structure au moment de sa nouvelle obtention d’autorisation de fonctionner, tous les 15 ans (via le CROSMS).
… avec ses inconnues
L’application a pris du retard. Les dates butoir du 4 janvier 2007 pour l’évaluation interne, du 4 janvier 2009 pour l’évaluation externe, ont été repoussées (circulaire DGAS du 10/02/06) sans mention de la nouvelle échéance. Les rumeurs évoquent un recul de 2 ans, ce n’est pourtant qu’à la fin 2006 que le calendrier nouveau sera connu. Par contre, il est déjà établi que les deux types d’évaluation sont complémentaires dans le temps, mais organisées sur les mêmes contenus (cf. note d’orientation CNESMS du 10/11/05).
L’évaluation est un examen critique des activités et de la qualité des prestations. Elle doit se réaliser « au regard notamment des procédures, références et recommandations de bonnes pratiques professionnelles », validées ou, en cas de carence, élaborées par le Conseil national de l’évaluation sociale et médico-sociale (désigné par son sigle : CNESMS). Elle est donc basée sur une mesure d’écarts entre une qualité recommandée et des réalités dans chaque structure. Je rappelle qu’aucune liste référentielle de la qualité n’est, à ce stade, validée, contrairement aux propos d’opérateurs ou fédérations d’employeurs cherchant à promouvoir leurs modèles « clés en main » (avec leurs produits dérivés).
.
Un CNESMS en place
Il est installé depuis avril 2005. Ses 55 membres nommés, son organisation calée, il s’est mis au travail et semble depuis le début de l’année trouver son rythme de croisière, malgré quelques soucis (stabilité des moyens).
… proposant les premiers repères
Son premier apport est méthodologique. Il va publier cet été un cadre commun (un « guide de l’évaluation interne »), avec les incontournables des démarches. Le contenu est en partie connu : ne pas faire de l’évaluation une simple mesure de l’application de référentiels, mais entrer dans une démarche dynamique « d’amélioration continue de la qualité ». Plutôt que des résultats (soi-disant conformes), c’est l’identification de difficultés et la mise en mouvement autour d’axes de progrès qui sera l’ambition à construire dans les organisations.
Le deuxième apport (note d’orientation du 24/01/06) pose la définition des « recommandations », « références » et « procédures », en inversant l’ordre évoqué dans la loi :
- « La recommandation » est centrale et formulée en amont. Elle vise à expliciter les valeurs, à rappeler les grandes orientations et à donner le sens, elle doit être construite à partir de la « plus value » qu’elle apporte à l’usager et elle doit être tenue pour adaptable et évolutive. Elle concourt à une véritable dynamique d’évolution des pratiques et dispositifs. Elle constitue le socle de la validation de la bonne pratique.
- « La référence » peut se définir comme l’énoncé d’une exigence au regard des objectifs à atteindre. Elle est rédigée sur le mode affirmatif et de façon positive.
- « La procédure » s’inscrit dans un cadre et une démarche qui a un sens. Elle permet de décrire une séquence ordonnée d’activités ou d’interventions mises en œuvre dans une situation définie.
Ces repères indiquent que l’évaluation n’est pas une simple mesure de conformité à une liste de procédures. Les mesures d’écart sont rapportées au « sens » des accompagnements et doivent favoriser des transformations dynamiques.
… ainsi qu’une analyse des pratiques en cours
Le CNESMS a également mené un recueil des documents, supports, expériences de terrain transmis en 2005 par les OSMS, pour une analyse des initiatives et pratiques en cours. Cette analyse a été publiée et donne des informations utiles, tant sur les avancées que sur leurs limites :
- 459 documents ont été transmis venant de 137 structures au CNESMS : 28 % par des établissements et services, 25 % d’associations locales ou régionales, 34 % de structures nationales (essentiellement des fédérations et unions), 10 % d’organismes divers dont des cabinets de consultants,
- Une grande diversité des champs de l’action sociale représentés : prioritairement les structures pour personnes âgées et personnes handicapées, prioritairement des modes d’intervention hors hébergement,
- Les modèles et supports très divers, avec très peu de références de bonnes pratiques professionnelles : 33 % des outils de gestion, 17 % des méthodologies d’évaluation, 13 % des documents projet ou réflexions stratégiques sur la qualité, 6 % des protocoles de prise en charge, 5 % des références de bonnes pratiques professionnelles, 22 % des documents autres (plaquettes commerciales, lettres d’information, etc…)
- Des supports qui principalement s’intéressent aux dispositifs d’accompagnement ou de prise en charge (25 %) ou aux démarches qualité (23 %)
- Une relative pauvreté en documents de référence, complets, exportables en l’état. Notamment, le constat du nombre très limité de références de bonnes pratiques professionnelles interroge : les référentiels qualité dont parlent de nombreux opérateurs ou fédérations promotrices de ces produits semblent très éloignés des contenus « validables » comme base des évaluations.
.
Les prochaines étapes : le programme de travail du CNESMS
Il est annoncé (séance plénière du 25/04/06) après la publication du guide de l’évaluation interne le travail du 2ème semestre 2006 sur une validation/élaboration de recommandations de bonnes pratiques professionnelles, à partir de 16 thèmes :
--> 2 thèmes transversaux et génériques
1. L’insertion sociale et professionnelle des jeunes en fin d’accompagnement
2. Le développement de l’autonomie en internat
--> 10 thèmes transversaux et génériques, déclinés ensuite dans une étude par volet
3. L’expression et la participation des usagers -> Premier volet : pour les usagers accueillis en établissement relevant du secteur de l’inclusion sociale
4. Le respect de la liberté de choix -> Premier volet : le choix de vie de la personne âgée entre domicile et établissement
5. La prévention des risques de maltraitance lors des interventions à domicile -> Premier volet : les personnes adultes dépendantes
6. La prévention du risque de violence à l’endroit des personnes vulnérables -> Premier volet : la prévention des violences financières à domicile
7. L’accompagnement des parents au moment d’une suspicion ou du dépistage d’une déficience chez l’enfant -> Premier volet : les enfants pris en charge en centre d’action médico-sociale précoce (CAMSP)
8. La mise en œuvre du droit à la vie familiale en établissement -> Premier volet : en centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS)
9. Le respect des usagers et la qualité de la vie en établissement d’hébergement -> Premier volet : la problématique des repas dans les établissements pour personnes âgées
10. La prévention et la gestion de la violence dans les établissements -> Premier volet ; à la période de l’adolescence dans les établissements relevant de la protection de l’enfance
11. L’exercice de l’autorité parentale dans le cadre de la protection de l’enfance -> Premier volet : dans le cadre d’un placement au titre des articles 375 à 375-8 du code civil
12. Les modalités d’intervention dans le cadre du signalement et de l’évaluation des situations à risque -> Premier volet : dans le cadre de la protection de l’enfance
--> 4 thèmes spécifiques
13. L’accompagnement des personnes présentant un handicap psychique
Premier volet : la problématique de l’insertion sociale et professionnelle
14. Les méthodes éducatives dans la prise en charge des enfants autistes
15. Les pratiques de communication et de relation avec les personnes très lourdement handicapées
16. Les méthodes spécifiques d’accompagnement des personnes souffrant de maladies dégénératives -> Premier volet : maladie d’Alzheimer et troubles apparentés
.
Des perspectives encourageantes
La construction des repères est donc en marche. De nombreuses questions ne sont pas résolues : par exemple, le sort des évaluations externes et les difficultés à venir pour leur financement (générant des doutes sur leur existence dans l’avenir). Les premières avancées confortent pourtant les acteurs qui se sont centrés sur des processus, des constructions poussant les organisations à apprendre ou à des démarches de changements. Les listes de procédures sont ainsi bien loin de l’esprit de l’évaluation.
La pratique à promouvoir * (se centrer sur une méthodologie et une mobilisation des acteurs), tant pour les démarches qualité que les constructions d’évaluation, est confirmée par le CNESMS. C'est ce que je préconise depuis longtemps et que j'ai le plaisir de pratiquer dans les organisations que j'accompagne.
Daniel GACOIN
* Pour plus d’information, on pourra s’adresser au Cabinet Technè (démarche qualité, formation à la méthodologie ou élaboration d’évaluation interne, grille des champs de référence de l’évaluation) : www.techne-conseil.fr
Commentaires