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De la loi instaurant les MDPH…
Depuis la loi du 11 février 2005 pour « l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », chacun attend des modifications en profondeur de la politique en matière de handicap. Elles s’appelleront droit à compensation du handicap, mais également insertion et droit à un projet de vie autonome, ou à inscription scolaire en école ordinaire. Elles seront assises sur la mise en place d’une commission unique, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées plus rapidement désignée par le sigle CDA, remplaçant les CDES, COTOREP ou SVA…. Elle prend toute décision relative aux droits des personnes, d’orientation et de réponse aux besoins, sur la base de l’évaluation réalisée par une équipe pluridisciplinaire.
Le signe visible de cette évolution sera la création des Maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, sortes de guichet unique pour l’obtention des droits et orientations des personnes ou de leur famille. Elles doivent héberger, sous la responsabilité de son directeur, la CDA et l’équipe pluridisciplinaire chargée des évaluations. Elles sont constituées par des groupements d’intérêt public, GIP regroupant au moins le Conseil général, l’Etat, les organismes d’assurances maladies et d’assurances familiales, des représentants d’associations du département.
… à leur mise en place effective
Dès le 1er janvier 2006, les MDPH se sont mises en place. Le processus n’est pas encore achevé. La première étude, réalisée mi-avril par l’ODAS, montre un recensement de 87 MDPH effectives pour 94 conventions constitutives validées par la Caisse nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA), la fameuse 5ème caisse de risque complétant l’édifice actuel de la Sécurité sociale, financée pour partie par l’effort des français, notamment la journée de travail supplémentaire, initialement généralisée sur le jour de la Pentecôte.
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La place prise par les Conseils généraux…
Cette mise en place révèle des réalités probantes, notamment la place active prise par les Conseils généraux (CG) :
- Leur volonté de mettre en œuvre l’esprit de la loi dans ses grandes options,
- Leur implication dans la mobilisation de moyens et la mise à disposition de cadres et dans la place prise dans les commissions exécutives des MDPH. 57 départements ont choisi un nombre de participants à ces commissions, supérieurs au minimum prévu par la loi, augmentant par effet mécanique le nombre de représentants de l’Etat, devant être de 25 % du total et au minimum de 5 personnes. Parmi les représentants des CG, le nombre d’élus est important : pour 54 MDPH sur 87, la part des élus dans les représentants du CG est supérieure à 50 % (et même parfois égal à 100 % pour 18 MDPH). Les présidences de MDPH sont assurées majoritairement par une personne issue du CG (75 % à ce stade des élections).
- Une volonté de maîtrise des dispositifs et d’emprise départementale, notamment à travers des directeurs de MDPH issus des CG (80 % des situations) : seuls 9 % des directeurs ont été recrutés par le GIP directement. Une part non négligeable des directeurs (35 %) conserve même une fonction au sein des services du CG.
Pour toutes ces raisons, le rapport de l’ODAS indique que, malgré un accord sur le fond, les CG sont nombreux à contourner le principe d’autonomie des MDPH en ce qui concerne leur fonctionnement.
… et les questions de personnel
Le personnel détaché, mis à disposition ou recruté, est fortement issu des CG. 85 % des départements ont ainsi recruté directement des personnels pour les MDPH, les GIP n’étant recruteurs que dans 40 % des situations. Ceci est pour partie lié au fait que les personnels de l’Etat, impliqués dans les anciennes CDES, COTOREP et SVA, ont, pour une part importante, refusé de se voir affectés aux MDPH. Pour autant, les mises à disposition de personnel de l’Etat restent importantes : entre 11,7 ETP et 28,6 ETP par MDPH, selon la taille des départements. A noter dans cette réalité : la mobilisation importante de l’Education nationale.
… pour des situations contrastées
Le rapport de l’ODAS ainsi présente 3 grands types de situations :
- Des MDPH « intégrées » (40 %) : le CG s’y approprie la MDPH comme un de ses services.
- Des MDPH intermédiaires (56 %) : la gestion est distincte des services du CG, avec autonomie et locaux distincts, même quand le directeur est de culture « départementale ».
- Des MDPH « autonomes » (4 %) : le CG est un partenaire, le GIP, bien détaché, bénéficie d’une moindre implication du département.
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Du droit positif…
Une dynamique sans précédent est en place, avec sa dimension partenariale et la synergie de moyens pour développer les droits nouveaux des personnes handicapées créés par la loi du 11 février 2005, avec même un début de rapprochement entre les équipes chargées de l’Aide personnalisée à l’autonomie pour les personnes âgées et celles engagées dans les réponses aux besoins des personnes handicapées. L’ensemble constitue une évolution majeure.
… aux questions
Reste une première question : celle des moyens pour répondre aux besoins, notamment liés au droit à compensation. Restent également les effets pervers, par exemple le recours automatique à la MDPH pour des projets de scolarisation adaptée et son effet repoussoir : des parents refuseront des projets adaptés par crainte d’une stigmatisation par le passage à cette MDPH (signifiant « handicap »).
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De l’institutionnalisation…
Sur le fond, l’effet institutionnel est dynamique. La dimension partenariale reste majoritaire, mais il convient d’indiquer que l’on assiste à une décentralisation qui ne dit pas son nom, et sans assurance d’une politique respectueuse des impératifs du droit des personnes.
… au management
Mai surtout cette institutionnalisation met de côté, à ce stade, le besoin d’un management social ouvert et exigeant. Les questions de statuts restent à harmoniser dans une dynamique propre à chaque structure : les situations de détachement, mise à disposition, recrutement indirect ou recrutement direct indiquent une grande variété et reste à craindre une absence de management par projet, centré uniquement sur la gestion d’une compatibilité des différences. La complexité appelle une dynamique : règles claires, rationalité et projet, modalités de travail consacrant des organisations apprenantes. Un challenge à ouvrir, à faire vivre...
Daniel GACOIN
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