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La conduite de projets comme nécessité…
Pour les organisations sociales et médico-sociales, la conduite des projets est devenue une pratique courante, traversée parfois par des méthodes venues d’ailleurs, souvent avérées, parfois appliquées sans discernement. Ces organisations doivent, souvent parce que c’est une obligation, parfois parce que c’est une condition d’existence voire de survie, développer de nouveaux types de réponses et d’organisation. Elles doivent être en capacité de les communiquer et négocier, les projets concernés pouvant relever de formes de réponses, de la structure, de l’interinstitutionnel, de la qualité, d’une dynamisation territoriale, d’actions collectives…
… avec ses représentations
Cette réalité irrite parfois les acteurs de terrain identifiant davantage, derrière les productions obligées, des contraintes administratives que des promotions innovantes. La logique gestionnaire est perçue comme première… un peu comme s’il était illégitime de penser les logiques de droit public et de garantie citoyenne en percevant leur progression comme un danger, aggravant une « crise du social ». Il est vrai qu’apparaissent souvent des complications, difficultés administratives et de négociation financière, vécues comme insurmontables parce que procédurières.
… ses méthodes (nouvelles ?)
Les démarches de projet et leur conduite engendrent aujourd’hui une batterie de pratiques et de méthodes qui interrogent. La présentation classique du management de projet comporte une construction faite de groupes projet, parfois jusqu’à la caricature, articulée avec des comités de pilotage… tant pour l’élaboration, que pour le suivi et l’évaluation. Cette forme souple, parfois décrite sous le terme de « management participatif », de la « gouvernance » cherche à marier l’art de gouverner et l’implication des acteurs. Les méthodes sont légion, parfois habillées sous des termes savants et nouveaux pour décrire une réalité pourtant bien classique.
… et ses malentendus
La construction faite de groupes projet va parfois jusqu’à la caricature… On réunit des groupes de travail en demandant une participation, des idées, l’implication des acteurs, alors que les contenus sont déjà arrêtés, ou au contraire que les thèmes ne sont pas clarifiés, ou en oubliant de reprendre les propositions des acteurs à la fin du processus, ou encore en créant des réunions sans calendrier ni plan de travail établis… On peut voir ainsi des services passer plusieurs années sur un projet sans qu’une date butoir ne soit posée. Enfin des responsables de groupes projet sont parfois nommés, en n’ayant ni la légitimité ni la compétence pour leur mission.
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Promouvoir un positionnement ouvert
La conduite de projet en action sociale relève, selon moi, et d’une manière de diriger (décider, communiquer, contrôler) et de l’implication et de la responsabilisation des acteurs. J’affirme qu’elle devrait servir 5 dimensions :
- Une forme de dynamisation par la formulation positive d’un progrès associant les acteurs : « changer en apprenant des jeux nouveaux »,
- Un mode de direction : « il existe un garant et un décideur formel »,
- Un modèle d’apprentissage : « apprendre à apprendre ensemble »,
- Une promotion, celle d’un « avantage concurrentiel » pour une organisation, celle des compétences pour les acteurs,
- Un modèle d’organisation et de fonctionnement, « avec structuration d’un contexte durable de relation et de coopération ».
… et des modèles à adapter
De nombreux auteurs ou dirigeants préconisent des modes de conduite relèvant souvent d’un modèle unique : en gros un comité de pilotage qui définit le changement, des groupes projets qui le mettent en œuvre, des méthodes de suivi qui le contrôlent. On parle alors de mettre en œuvre le «management par ou de projet». Je préconise d’admettre qu’il existe non pas une, mais trois formes de conduite de projet :
- Le modèle du positionnement : il s’agira de poser et d’affirmer, puis de communiquer.
- Celui de la construction : il s’agira de chercher des idées et d’élaborer, puis de valider.
- Celui du changement : il s’agira de commander le changement, puis d’associer pour faire émerger.
La certitude, la clarté de la décision managériale et stratégique, et son accompagnement dans une réalisation, seront toujours le point de départ de toute démarche d’entrée dans une élaboration, mais selon des chemins adaptés.
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Les responsables de groupes projet dans ce contexte…
Dans ces démarches, nommer des responsables de groupes projet ne peut se concevoir sans clarté des orientations sur « le but » et le « chemin ». Mais surtout, la démarche me semble une occasion de construire une implication en s’inscrivant dans une autre dynamique (responsabilités transversales) que la seule progression dans l’échelle hiérarchique (responsabilités d’encadrement).
… nommés sur des qualités effectives
Sollicité pour ses qualités et non sur son statut (pas obligatoirement un cadre donc), un responsable de groupe projet devra avoir un intérêt sur le thème et à sa nomination, se situer d’emblée à niveau transversal, et surtout savoir conduire des travaux :
- Respect de la méthode, des règles, du calendrier, des écrits,
- Souci de la productivité : questions systématiquement évoquées, sous l’angle de la résolution et non sous le seul angle de l’explication,
- Attention à l’expression de chacun et l’équilibre relationnel.
… et des compétences identifiées
Ses compétences ne seront donc pas d’être un cadre, même si le sens des responsabilités est nécessaire, mais comprendront d’abord :
- Des capacités méthodologiques pour concevoir, piloter, anticiper, conduire,
- Des capacités d’animation : pédagogue, il sait coordonner, donner une dynamique, communiquer,
- Une connaissance du sujet : sans être expert il maîtrise le sujet, en possède les concepts et le langage,
- Une légitimité : dans l’organisation et sa mission nouvelle,
- La disponibilité du temps, de l’attention, de la mobilisation (avec des moyens dégagés pour cela),
- La volonté d’aboutir : appropriation, partage de l’objectif, goût des responsabilités et du risque, respect des délais fixés,
- Le sens pratique et de l’écriture.
Daniel GACOIN
PS : j’ai exposé les concepts, champs, stratégies et méthodes possibles de « la conduite de projet en action sociale » dans mon dernier ouvrage (aux éditions Dunod : www.dunod.com). J’ai apprécié les critiques positives, par exemple dans la revue Direction(s), qui en ont été faites et même parfois les interrogations… N’hésitez pas, si vous le souhaitez, à me transmettre les vôtres…
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