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Enfin, le texte réglementaire attendu…
Depuis la loi du 2 janvier 2002 de rénovation de l’action sociale et médico-sociale, incitant à une plus grande coopération entre établissements et services, peu de textes réglementaires apportaient des dispositions susceptibles de nourrir cette ambition. La loi était pourtant explicite : un objectif global (« favoriser la coordination, la complémentarité, garantir la continuité des prises en charge et de l’accompagnement, notamment dans le cadre de réseaux sociaux et médico-sociaux coordonnés ») et des modalités ouvertes. Parmi ces dernières, se trouvait la possibilité, pour les établissements et services, de conclure des conventions, de créer des GIE (groupement d’intérêt économique) ou GIP (groupement d’intérêt public), des syndicats ou « groupements de coopération », de fusionner….
Etait attendu depuis 4 ans, un texte jetant les bases juridiques de ces « groupements de coopération », pour éviter les structures, pesantes, de type GIE ou GIP. Le décret du 6 avril 2006 répond à cette attente…
… au contenu très administratif certes…
Ce décret (N°2006-413) pose l’objectif de coopération, de coordination et de fonctionnement en réseau, et le lie à des structures juridiques posibles :
- Le GIP, regroupement (déjà connu et utilisé) de personnes morales : il doit comporter parmi elles au moins un organisme de droit public,
- Le GIE, regroupement (également connu et utilisé) de personnes morales ou physiques : il ne réalise pas des bénéfices par lui-même,
- Le GCS ou GCMS (groupement de coopération sociale, ou de coopération médico-sociale) : nouvelle forme juridique de regroupement d'établissements, services, GIE, GIP, personnes morales ou physiques gestionnaires. Concernant les GCS ou GCMS, le décret prévoit que ces groupements puissent acquérir une personnalité morale (au même titre que tout organisme pouvant agir, ester en justice, gérer, embaucher, passer contrat, etc…), soit de droit public, soit de droit privé. Dans ce dernier cas, les établissements ou services, personnes physiques ou morales (gestionnaires d’un établissement ou service), éventuellement avec un but lucratif, qui les constitueront relèveront du droit privé. Les GCS ou GCMS pourront également présenter un dossier de tarification de leurs prestations aux services publics et financeurs.
… mais ouvrant des perspectives originales
Le décret détaille les objets et missions potentiels des nouveaux « groupements de coopération » :
- Exercer directement des actions sociales ou médico-sociales,
- Créer et gérer des équipements ou services d’intérêt commun, ou des systèmes d’information nécessaires à leurs activités,
- Faciliter des actions concourant à l’évaluation de l’activité et à la qualité des prestations (développement de procédures, références ou recommandations) de ses membres,
- Définir ou proposer des actions de formation pour le personnel de leurs différents membres.
La réalité de l'ouverture est, pour beaucoup, encore nébuleuse. Elle est évidente pourtant : monter un siège social, ou un service juridique ou de documentation commun à plusieurs petites associations, créer un établissement expérimental (par exemple un pôle d’insertion ou un service spécialisé pour un type de difficulté particulière, entre 3 IME d’associations différentes), créer un service d’admission ou de suite commun à deux établissements, créer un dispositif de formation partagé entre plusieurs structures, créer un outil et mutualiser des moyens pour l’évaluation interne, voire externe (contenus, méthodes, opérateurs externes) en faisant des économies de temps et d’échelle, etc… autant de pratiques ouvertes par ces nouveaux regroupements.
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Fallait-il formaliser une nouvelle forme juridique ou administrative ?
À l’heure où les supports et la complexité administratifs deviennent lourds et inflationnistes, était-il judicieux de créer un échelon de plus ? Derrière cette question, se profile l’inquiétude des acteurs de terrain à l’égard de logiques gestionnaires, ou de logiques administratives, créant plus d’obstacles que d’opportunités.
Le secteur social et médico-social est trop souvent, selon moi, héritier d’une culture de dépendance : position dépressive d'un secteur sous tutelle, financière, théorique, administrative, constamment recherchée… et décriée. Il se situe davantage dans l’ombre d’une action publique mythique, que dans une fonction médiatrice de terrain. Il a ainsi besoin de formes juridiques nouvelles pour développer des coopérations, chercher, innover, construire, agir à plusieurs, assumer une parole stratégique plus forte. Il s’agira de trouver des outils pour poursuivre la sortie de ce que j‘appelle le vase clos « actions/professionnels », pour produire du travail social, bien au-delà des travailleurs sociaux et de l’action des services publics, d’assumer une fonction ouverte, de conquérir des espaces et des actions. Le groupement de coopération sociale ou médico-sociale constitue un de ces outils.
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Une forme interrogée, trop structurée ou trop souple…
La première interrogation sur ces dispositions concerne leur caractère très, trop, institutionnel : encore une strate institutionnelle de plus, encore une logique de structure plutôt qu’une logique de réponse et d’action. La deuxième interrogation regarde au contraire leur caractère très lâche, leur objet souple, finalement une logique de réseau qui ne nécessiterait pas véritablement de passer par une institutionnalisation.
… qui constitue son principal atout
Le groupement de coopération sociale ou médico-sociale est d’abord un support : il est une structure qui donne du corps et de la permanence à des liens, permettant d’asseoir et de financer des initiatives (construire un siège social inter associatif, créer des réponses nouvelles, etc… etc…) ; il est une structure qui reste souple, établie sous forme de convention, susceptible de se modifier sans arrêt, et n’engendrant pas obligatoirement des coûts de fonctionnement.
Ce support répond à de nombreuses préoccupations bien actuelles. Il peut être rapidement opérationnel pour donner une forme institutionnelle aux regroupements en cours : coopération, mutualisation, actions communes, structures partagées (par exemple les sièges sociaux)... Il constitue également une forme évolutive susceptible de répondre à des besoins futurs : observation sociale partagée, outils d’évaluation, innovations et créations expérimentales, économies d’échelle….
Cette nouvelle forme juridique est souhaitable et utile, encore faut-il qu’elle soit connue afin d'être souhaitée et utilisée. Donnons-lui cette chance !
Daniel GACOIN
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