Une période de changement…
La mise en œuvre de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, entre dans sa phase active, avec les mises en place, en cours de réalisation, des Maisons départementales des Personnes Handicapées (MDPH).
Comme toute phase de transition liée à des décisions globales et des mises en œuvre locales, chacun pourra lire dans les changements en cours des réalités positives et d’autres plus problématiques. Il conviendra de ne pas juger une dynamique globale, avec ses finalités, en examinant uniquement les exemples ou situations d’exceptions. Notons les perspectives majeures :
- La mobilisation inter-institutionnelle autour des MDPH,
- La dynamisation de moyens au service de l’évaluation des besoins des personnes et de la fourniture de prestations de compensation,
- L’articulation accrue entre l’Education Nationale et les établissements spécialisés pour enfants et adolescents handicapés.
… avec ses zones de flou
Malgré la parution d’un nombre important de décrets d’application en décembre dernier, de nombreux acteurs (parents, professionnels, responsables de structures) restent dans l’expectative et le doute, parfois dans l’ignorance.
Dans ce cadre en particulier, nous notons que la responsabilité du « projet personnalisé de scolarisation » continue à être un point à éclaircir. Qui est en charge de l’établir et de le présenter / discuter avec les parents de l’enfant concerné ? S’agit-il, comme pour le projet individualisé ou personnalisé dans chaque établissement médico-social, d’un document arrêté par les professionnels (enseignants, travailleurs sociaux ou médico-psychologiques) de l’accompagnement de chaque enfant ? S’agit-il d’un document établi uniquement par les autorités administratives ?
... appelant des clarifications immédiates
Une lecture attentive du décret N°2005-1752 du 30 décembre 2005 relatif au parcours de formation des enfants handicapés donne une réponse sans équivoque à trois niveaux :
- C’est uniquement l’équipe pluridisciplinaire de chaque MDPH, oeuvrant à l’évaluation d'une situation, qui sera chargée d’établir un contenu pour chaque « projet personnalisé de scolarisation » ou « PPS » : modalités de la scolarisation, actions éducatives, pédagogiques, sociales, médicales et paramédicales correspondant aux besoins...
- Après transmission aux parents ou à l’enfant majeur, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) a pour mission d’arrêter les orientations scolaires, en fonction précisément de ce « PPS ».
- Enfin, selon les situations, une équipe de suivi de la scolarisation (équipe éducative de l’école de référence, professionnels de l’établissement de santé ou médico-social concerné, auxiliaires divers) se chargera du suivi de la mise en œuvre du projet en procédant une fois par an à son évaluation. A noter : l’enfant, ses parents ou représentants légaux, et enfin l’enseignant référent seront membres de cette équipe de suivi de la scolarisation.
Savoir se situer avec raison…
Il convient, me semble-t-il, de prendre la juste mesure de ces positionnements... La responsabilité de ce PPS est bien celle de l’équipe pluridisciplinaire de la Maison Départementale et non des professionnels et institutions engagés dans l’accompagnement.
Ce positionnement est d’autant plus important à appréhender que, vu du côté des établissements spécialisés, il est l’inverse de celui qui est à l’oeuvre pour le projet individualisé médico-social, traduit dans les contrats de séjour et avenants, où les professionnels et la direction des établissements engagés sont chargés de son élaboration et présentation (Cf. notre billet du 3 janvier 2006). Lorsqu’il y aura liaison entre les deux types de projet, des règles précises devront être adoptées, pour la clarté des responsabilités et contenus.
... en pensant aux opportunités
Il convient de lire les "possibles" derrière ces démarches complexes : aider les enfants à sortir des établissements spécialisés quand ceux-ci ne sont pas strictement nécessaires, impliquer des acteurs, formaliser un projet mobilisant, dynamiser des ressources.
Sur ce dernier plan, par exemple, je pense que la démarche favorisera de la mise à disposition d’aides techniques (et donc parfois leur invention), aujourd’hui peu mobilisées en faveur des personnes handicapées. Pour l’exemple des enfants ou adolescents souffrant d’une déficience auditive, les aides techniques pourraient concerner des outils informatiques, boucles magnétiques, récepteurs stéthoscopiques, systèmes domotiques avec signalisation lumineuse, systèmes haute-fréquence, etc…
Pour sortir de ce seul exemple, j'insiste sur la modification majeure introduite par ces dispositions si difficiles à comprendre aujourd'hui dans leurs modalités pratiques : demain sera un ère nouvelle pour l'action sociale, tant par des moyens nouveaux, des implications plus fortes et une fonction différente des professionnels spécialisés, autrefois uniques acteurs des accompagnements.
Daniel GACOIN
Je partage votre analyse ... mais c'est une non-information, cela fait si longtemps que je suis d'accord avec vous !
S'agissant des PPS j'ai eu cette semaine l'occasion de pointer ce que je crois être une source de difficulté au travers du recrutement des enseignants référents. Ceux-ci semblent devoir être, massivement, d'anciens secrétaires de CCPE ou de CCSD, une minorité sera issue du terrain. Les premiers vont avoir beaucoup de mal à passer de la logique administrative à la logique de service, du mal à être autonomes, du mal à jouer leur rôle de coordonnateurs et non de décideurs. Quant aux seconds ils me semblent avoir une connaissance plus que limitée de la loi du 11 février 2005. Enfin, les uns et les autres ne sont pas nécessairement prêts à s'ouvrir à la pluri-disciplinarité ou même à l'inter-disciplinarité. Il y a donc un gros besoin de formation pour ces personnels, de même qu'il y a un gros besoin d'information pour les cadres intermédiaires de l'Education Nationale : Principaux de Collège (qui aujourd'hui nous téléphonent, furieux, parce que nous avons envoyé des parents inscrire leur enfant dans leur établissement), directeurs d'école ....
Rédigé par : Christian Viallon | 19 mars 2006 à 10:41
Encore une histoire (pas très drôle) sur les lectures dérivées de la loi du 11 février 2005. Cette semaine un stage de l'Education Nationale, à Lyon, destiné aux enseignants 1er et 2nd degré et proposant une approche philosophique de la place des enfants en situation de handicap à l'école. L'animation est confiée au CNEFEI de Suresnes. Une référence. Question d'un stagiaire : "Quid de la déficience intellectuelle. Les jeunes accueillis dans les établissements spécialisés vont-ils être admis au collège ?" la réponse fuse, péremptoire "Non, la loi et le décret du 30 decembre 2005 ne visent que les publics intégrables, les déficits physiques ou sensoriels".
Passer de la logique administrative à la logique du service. Il y a encore du chemin à faire !
Rédigé par : Christian Viallon | 26 mars 2006 à 20:34
Deux ans après le décret réorganisant la scolarisation des enfants en situation de handicap, je cosntate que la "mayonnaise" peine à prendre :
- Les institution médico sociales nes considèrent pas toujours les classes "spécialisées" ancrées leurs locaux comme des Unités d'Enseignement accessibles certes à l'interne mais aussi dans une logique de réseau et de territoire géographique.
- Les enseignants de classes ordinaires conditionnent beaucoup la scolarisation des enfants en situation de handicap à l'octroi d'un personnel AVS, de mon point de vue insuffisamment formé, non pérenne dans la durée et limité en "quantité/temps".
- Les familles légitimement, revendiquent cette place pour leur enfant dans la cité, à l'école dans les dispositifs de droits communs avec des compensations de proximité,très individualisées.
Les IME dégagent inexorablement de la "sous-activité". Doit on s'en s'en réjouir ?...
Tout ceci manque de nuance et de souplesse. L'interprétation au premier degré de ce texte nous a conduit à des positions et des conduites rigides et ne favorise pas le développement de l'autonomie des enfants en situation de handicap.
La logique du PPS échappe à la seule maîtrise des institutions et s'inscrit dans une dynamique de projet de vie. Si chacun accepte de jouer le jeu de la complémentarité, d'exercer sa mission et ses compétences en cohérence avec celle des autres nous éviterions les risques d'exclusion, et aux enfants, d'être tiraillés dans des conflits de loyauté. De ce point de vue, la fonction pilote ou "tiers" de l'équipe pluridisciplinaire de la MDPH est intéréssante à exploiter à condition qu'elle dispose d' éléments suffisants (évaluation réactualisée des besoins de la personnes, connaissance actualisée des différents dispositifs sur un territoire donné) pour permettre des propositions consensuelles, pertinentes et opérationnelles.
Les dispositifs médico-sociaux, institutions ou services, sans perdre leur âme ni leur identité peuvent trouver là l'occasion de valoriser plus humblement leurs compétences, leur expertise indispensable aux différentes étapes du parcours de vie d'un enfant, adulte en devenir.
A toutes fins utiles...
Isabelle Donati
Rédigé par : Isabelle Donati | 02 février 2008 à 11:37