Un constat alarmant…
Depuis plusieurs années, le secteur social et médico-social est confronté à un constat paradoxal et inquiétant : d’un côté un volume considérable de postes pourvus ou à pourvoir, aujourd’hui, encore davantage demain, de l’autre la faible perspective de personnes nouvelles, en bref de sang neuf. Ce constat est répété depuis de nombreuses années, il est aujourd’hui confirmé par le dernier rapport annuel de la Cour des Comptes, présenté par son président la semaine dernière, relayé par de nombreux médias.
… établi sur une équation dramatiquement simple
Le social peut être présenté, de manière réductrice certes, par des chiffres simples :
--> Un nombre global de professionnels de l’ordre de 800 000 personnes (données DGAS, 2001) et appelé à augmenter. Ce volume est divisé en trois parties :
- 490 000 professionnels dans les services directs aux personnes (aide à domicile et garde d’enfants), dont 306 000 assistantes maternelles : l’augmentation à prévoir est très importante avec la montée en charge de la loi Borloo sur les services,
- 255 000 professionnels pour les services publics ou assimilés, dont 125 000 dans des établissements sociaux et médico-sociaux, gérés en grande partie par des associations habilitées,
- 64 000 professionnels dans des services intermédiaires (entreprises d’insertion, services d’accompagnement, etc…),
--> La moyenne d’âge de 44 ans de ces professionnels. Elle indique des départs prévisibles : près de la moitié de la population des cadres dans un délai relativement court, un tiers des salariés non cadres d’ici 8 ans. Tout cela indique un besoin urgent de renouvellement,
--> Une croissance des emplois évidente : pour la prise en charge des personnes dépendantes, du fait des encouragements pour les aides à la personne.
Des recommandations quantitatives claires…
Pour la Cour des comptes, la vigilance la plus extrême est à adopter : développer la formation qualifiante sur les métiers de base du travail social, soit par les formations théoriques initiales, voire en alternance ou en apprentissage, soit par la validation des acquis et de l’expérience (VAE). Et de fait, l’autorité de contrôle de la rue Cambon insiste… L’Etat doit absolument tenir, selon elle, et même dans le cadre de la régionalisation de la formation professionnelle, ses engagements financiers sur ce qui était inscrit dans des plans formels, non totalement respectés, notamment le schéma national des professions sociales 2001-2005.
… à compléter sur une vision prospective…
Je ne peux qu’abonder dans ce sens, tout en mesurant combien la somme des engagements financiers de l’Etat risque, si elle n’est pas adossée à des augmentations de recettes, d’aboutir à une faillite potentielle ou à une paralysie.
Dans ce cadre, il me semble nécessaire d’entrer enfin dans une prospective sérieuse pour aborder les chiffres réels et prévisionnels de l’emploi social de demain : l’absence de planification est évidente et… nouvelle. La planification avait été, dans les années 60 et 70, le fer de lance du développement des institutions sociales et médico-sociales, ce qui conduit souvent, de manière erronée selon moi, à identifier cette période de développement comme « l’âge d’or » de l’action sociale.
Je continue à être fasciné, et désolé, de l’absence actuelle de planification (le schéma national des professions sociales étant davantage un constat, déjà ancien, plutôt qu’un plan prospectif) et finalement du non-respect des engagements publics à propos des plans que l'Etat édicte pour lui-même.
… mais également dans une vision qualitative
Pour autant, la magie et le sérieux des planifications resteront limités, s’ils ne peuvent être mis en relation avec la qualité attendue des professionnels. Penser qualité est nécessaire à travers :
- De véritables cahiers des charges des structures de formation, au-delà des chiffres, inscrits dans des contrats d’objectifs et de moyens : qu’il s’agisse des formations qualifiantes initiales, des qualifications par VAE, de la formation professionnelle continue. De ce point de vue, il convient d’insister sur les efforts de l’Etat et des régions, notamment en matière de VAE et de vérification de la qualité des prestations,
- La projection dans l’action sociale de demain : les référentiels métiers actuels sont en effet insuffisants… pour aborder la qualité des professionnels nécessaire dans l’avenir. C’est en particulier la juste adéquation entre les formations dites polyvalentes et la diversité des lieux et types d’exercices qu’il convient d’explorer… en lien avec la redéfinition des types de relations avec les usagers. La polyvalence des métiers ne semble plus de mise. Les stratégies d’intervention, donc de formation, seront forcément à différencier. Entre les lieux de services pour des usagers / clients, les lieux d’accueil de type guichet unique avec des vrais savoir-faire en évaluation partagée, les services d’accompagnement sous contrainte, les lieux de vie et/ou de soins, les lieux structurés, les lieux ouverts, les services d’insertion, les services de lutte contre la pauvreté et leurs logiques communautaires, etc… les modalités de formation spécifiques seront à travailler. Il s’agira d’explorer les troncs communs et les modules différenciés.
La nouvelle action sociale et médico-sociale d’aujourd’hui, centrée sur la formule forte, et utile, de l’usager/acteur, doit être évidemment mise en œuvre et travaillée dans les formations. Elle ne suffit pas à éclairer l’action sociale et médico-sociale de demain. C’est ce que je me propose d’aborder progressivement dans les prochains billets de ce blog.
Daniel GACOIN
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